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INTRODUCTION

La vigne (Vitis spp.) est l’une des cultures fruitières les plus largement établies dans le monde, sur 7,5 millions d’hectares, avec une production totalisant 73,3 millions de tonnes de raisins (International Organisation of Vine and Wine [IOV] 2018). Parmi environ 60 espèces de vigne, Vitis vinifera L. est l’espèce la plus distribuée dans le monde et dont la production est destinée principalement à l’industrie du vin et au marché des raisins de table. Cependant, les produits à fortes valeurs ajoutées comme le vinaigre et l’huile à base de pépins de raisins sont de plus en plus convoités (IOV 2018; Reynolds 2017). La viticulture continue toujours de grossir dans le monde et plus remarquablement dans les pays avec une jeune industrie comme le Canada, mais ceci ne se fera pas sans contraintes. En effet, depuis ses origines, la vigne a évolué en constante dualité avec une diversité de virus qui ont façonné sa génétique (Martelli 2017). Ce mariage entre les virus et la vigne semble dater du Néolithique. En toute vraisemblance, le virus du court-noué serait présent au sud de l’Italie (Pompei) et dans le premier vignoble de la région qui est devenue aujourd’hui la Syrie, l’Iraq et la Turquie (Hewitt 1968). Assumant que les virus sont transmissibles par propagation végétative et par des vecteurs (c.-à-d. nématodes et arthropodes) qui devraient coexister dans l’écosystème, on a déduit que les virus de la vigne ont été transmis dans toute la région méditerranéenne qui a connu une grande évolution de la viticulture durant le Néolithique. Dans ce même contexte, certains historiens ont évoqué la possibilité que les virus qui existaient dans les vignobles de l’Empire romain, y compris le virus du court-noué, aient ainsi été transportés vers l’Empire britannique, la France, l’Allemagne et éventuellement les Amériques. D’autre part, les travaux en phylogénie de la vigne nous montrent que le génome du clone « Pinot noir » incorpore des séquences d’ADN provenant de six différents pararétrovirus, dont la plupart appartiennent au genre Caulimovirus (Bertsch et al. 2009). Depuis la première identification et caractérisation du virus du court-noué il y a 60 ans, approximativement 70 espèces de virus appartenant à différents groupes (17 familles et 27 genres) ont été documentées sur la vigne. Malgré que la majorité de ces virus aient une importance économique, car ils sont pathogènes et sont responsables des maladies complexes comme la dégénérescence infectieuse, l’enroulement foliaire et le bois rugueux, certains peuvent interagir positivement avec la vigne (Perrone et al. 2017). Toutefois, la diversité des phytovirus reste peu étudiée à l’échelle mondiale et particulièrement au Canada. En effet, plusieurs phytovirus (pathogènes, bénéfiques et neutres) associés à la vigne restent à être identifiés et leurs interactions avec la plante restent à être étudiées.

LES MALADIES DE LA VIGNE CAUSÉES PAR DES VIRUS ET LEUR DISTRIBUTION AU CANADA

Plus de 60 virus s’attaquent à la vigne dans le monde, pouvant réduire la vigueur et la productivité des vignes ou la qualité des raisins (Martelli 2014a; Martelli 2014b; Yepes et al. 2018). La vigne abrite ainsi le plus grand nombre de virus documentés qu’aucune autre culture pérenne. Dans le nord-est de l’Amérique du Nord, les virus récurrents sont le virus de la tache annulaire de la tomate (ToRSV), le virus de la mosaïque de l’arabette (ArMV), les virus associés à l’enroulement foliaire (GLRaV), le virus A (GVA), le virus B (GVB), le virus D (GVD), le virus de la marbrure (GFkV), le virus associé au bois strié chez le porte-greffe Rupestris (RSpaV), la souche virale GLRaV-2 qui s’attaque au raisin Red Globe (GLRaV2-RG), le virus du court-noué (GFLV) et les virus associés à la tache rouge (GRBaV) (Martelli 2014a). Parmi ces virus, deux virus réémergents (GLRaV, ToRSV) et un virus récemment identifié (GRBaV) inquiètent de plus en plus les viticulteurs.

L’enroulement de la vigne (Grapevine leafroll disease) est une maladie de grande importance économique comparativement à plusieurs maladies fongiques de la vigne (Naidu et al. 2008). Cette maladie est causée par un complexe de virus à ARN monocaténaire de la famille des Closteroviridae. Selon diverses estimations aux États-Unis, les pertes écono-miques sur 25 ans dans certains cépages greffés varieraient de 25 000 $ à 40 000 $ l’hectare (Atallah et al. 2012; Naidu et al. 2014). La propagation de cette maladie ancienne serait principalement attribuable au commerce de matériel de multiplication depuis les « vieux pays » (Syrie, Iraq, Yémen et Turquie) vers le reste des territoires où la maladie est actuellement présente (Maree et al. 2013). En raison des degrés variables de décoloration foliaire qu’elle provoque, la virose a été mal identifiée à la fin du 19e siècle, méprise pour un désordre physiologique nommé « rougeau » en France et « rossore » en Italie (Maree et al. 2013; Pacottet 1906; Ravaz et Roos 1905). Dans les cépages rouges, la décoloration rougeâtre des feuilles à l’exception des nervures qui restent vertes et l’enroulement des feuilles vers le bas sont les principaux symptômes de la maladie. Tandis que dans les cépages blancs, un léger jaunissement des feuilles entre les nervures avec ou sans enroulement des feuilles sont observés (Adiputra et al. 2018). Cependant, les symptômes sont peu fiables pour le dépistage de l’enroulement de la vigne. En Amérique du Nord, la présence initiale de l’enroulement foliaire au début du 20e siècle avait été associée à la propa-gation de la maladie du phylloxera (causée par Daktulosphaira vitifoliae – Homoptera : Phylloxeridae, un insecte indigène de l’est de l’Amérique du Nord) (Luhn et Goheen 1970). Or, l’enroulement de la vigne était présent dans des pays (Yémen, Chypre, Chine) qui cultivent la vigne depuis des siècles, mais qui n’avaient pas encore rapporté la présence du phylloxera. À la fin des années 1900, il fut démontré que des cochenilles pouvaient transmettre la maladie (Martin et al. 2005; Naidu et al. 2014). Dans l’État de New York, où la maladie est présente, on étudie des moyens de lutte chimiques contre la cochenille Pseudococcus maritimus de la famille des Pseudococcidae (Wallingford et al. 2015).

Au Canada, une enquête nationale menée dans les vignobles en 1994 et en 1995 a révélé des différences marquées de l’incidence globale des virus GLRaV entre les provinces, soit des taux respectifs de 12,2 %, de 2,1 %, de 5,1 % et de 1,7 % en Ontario, en Colombie-Britannique, au Québec et en Nouvelle-Écosse (Mackenzie et al. 1996). Près de vingt ans plus tard, des enquêtes subséquentes indiquaient encore la présence de la maladie dans des vignobles de l’Ontario et de la Colombie-Britannique (McFadden-Smith et al. 2014).

La tache rouge (Grapevine red blotch disease) est une nouvelle maladie de la vigne qui a d’abord été décrite en Californie en 2008. Ses agents pathogènes ont été isolés dans des vignes malades pour la première fois en 2012 (Sudarshana et al. 2015). La maladie a été confondue avec l’enroulement viral en raison des symptômes de décoloration foliaire qu’elle provoque en fin de saison (Krenz et al. 2014). Les symptômes de la tache rouge sont très semblables à ceux de l’enroulement. Il est très difficile de dissocier ces deux maladies sur la base d’un diagnostic visuel. La tache rouge serait associée à diverses espèces de virus à ADN mono-caténaire de la famille des Germiniviridae, dont la présence est limitée au phloème (Martelli 2014a; Martelli 2014b; Naidu et al. 2014; Sudarshana et al. 2015). Ces virus semblent réduire le rendement de certains cépages; il a été démontré que les lectures Brix des jus extraits de raisins de vignes malades étaient réduites de 1 à 4 degrés comparativement à celles des jus de raisins issus de vignes asymptomatiques, dans différents cépages (Ricketts et al. 2017; Sudarshana et al. 2015). La présence de la tache rouge a été rapportée dans de nombreux États américains, notamment en Californie, au Maryland, dans l’État de New York, au New Jersey et en Oregon, ainsi que dans deux provinces canadiennes, soit en Colombie-Britannique et en Ontario (Sudarshana et al. 2015). Une récente enquête sur l’incidence et la distribution des virus dans les vignobles de la Colombie-Britannique a détecté le virus de la tache rouge dans 1,6 % des échantillons colligés (Poojari et al. 2017). Jusqu’à présent, ces virus n’ont pas été rapportés au Québec, et l’on ignore leur origine, car aucun rapport ne fait état de leur présence à l’extérieur de l’Amérique du Nord (Sudarshana et al. 2015). Quoi qu’il en soit, avec le commerce extensif de matériel de multiplication, ces virus sont sans doute présents dans d’autres régions viticoles du monde, y compris au Québec. En fait, les virus GRBaV peuvent être transmis par greffage et ont été trouvés dans des vignes greffées et d’autres vignes franches de pied (Al Rwahnih et al. 2013; Krenz et al. 2014; Sudarshana et al. 2015). Les motifs agrégés observés sur les feuilles de vignes infectées donnent à penser qu’un vecteur est impliqué dans la transmission de la maladie. Il a été démontré, dans des conditions contrôlées, que la cicadelle de la vigne vierge (Erythroneura ziczac – Homoptera : Cicadellidae) pouvait transmettre les virus GRBaV (Poojari et al. 2013).

La dégénérescence infectieuse de la vigne est une très ancienne maladie de la vigne. Elle figure parmi les viroses les plus répandues et les plus dommageables et touche des vignobles du monde entier. Elle est causée par un complexe viral regroupant divers népovirus qui ont un large éventail de plantes hôtes, dont le virus du court-noué (GFLV), le virus de la tache annulaire de la tomate (ToRSV), le virus de la marbrure du bleuetier (BLMoV), le virus de la mosaïque de l’arabette (ArMV) et le virus de la tache annulaire du tabac (TRSV) (Martelli 2014a; Martelli 2014b; Martelli et Boudon-Padieu 2006). Les ravages causés par ce complexe viral varient selon les cépages, les virus impliqués et les conditions climatiques (Martelli 2014a). En général, la maladie se manifeste par des symptômes foliaires, comme des feuilles en éventail ou des taches annulaires chlorotiques, ainsi que par une perte importante de la vigueur des vignes, dans l’année de l’infection. Elle cause des pertes de rendement qui peuvent aller jusqu’à 80 % (Lunden et al. 2010). La maladie a été décrite pour la première fois en Europe en 1841 et est maintenant répandue aux États-Unis, notamment dans les États de la Californie, Washington, New York, Maryland et au Missouri, et au Canada dans la province de l’Ontario (Martelli 2014a, Martelli 2014b). Même si elle n’a pas encore été signalée au Québec et en Colombie-Britannique, la présence de népovirus, comme le GFLV et l’ArMV, a été documentée dans ces provinces (Mackenzie et al. 1996). Ces virus sont transmissibles par greffage et par inoculation mécanique (Martelli 2014a; Martelli 2014b). La plupart des virus associés à la dégénérescence infectieuse sont des virus polyédriques ayant pour vecteurs des nématodes (Lunden et al. 2010; Martelli 2014a; Martelli 2014b).

L’ÉTAT DES VIRUS DANS LES VIGNOBLES DU QUÉBEC ET MANQUEMENTS DES CONNAISSANCES

La dernière enquête qui fait état des virus dans les vignobles du Québec date des années 1990. Cette enquête a permis de révéler la présence du virus de l’enroulement (GLRaV-3) dans 5,12 % des échantillons et d’un des virus impliqués dans la dégénérescence infectieuse (ArMV) dans 2,56 % des échantillons (Mackenzie et al. 1996). Cependant, cette enquête n’a ciblé que quatre virus pathogènes de la vigne et les résultats obtenus confirment l’absence des virus GFLV et GLRaV-1. Aucune autre information sur la présence ou l’absence des autres virus de la vigne (pathogènes, bénéfiques ou neutres) n’est actuellement disponible dans la littérature scientifique. Après la détection de GRBaV en Ontario et en Colombie-Britannique, certaines observations en plein champ ont évoqué la présence de symptômes de la tache rouge au Québec, mais aucune confirmation n’a été documentée jusqu’à présent. Il serait donc nécessaire de vérifier la présence des virus de la tache rouge dans les vignobles du Québec, surtout en sachant que l’insecte vecteur, E. ziczac, y est présent (Saguez et al. 2014). À l’exception de la tache rouge, la plupart des viroses de la vigne sont connues pour causer des pertes de rendement depuis longtemps. Or, nos connaissances de ces maladies sont encore lacunaires, limitées par diverses difficultés, comme l’observation de symptômes contrastants entre les cépages rouges et blancs et des différences génétiques et sérologiques selon les complexes de virus présents (Martelli 2014a; Naidu et al. 2014). Dans les années 1990, plusieurs projets fondés sur des principes de biovigilance ont été lancés au Canada afin d’étudier la biodiversité des arthropodes dans les vignobles. Toutefois, les viromes (l’ensemble des virus) des vignobles et les arthropodes qui y sont associés n’ont pas été étudiés, sans doute par manque d’outils moléculaires pour leur détection et identification. L’abondance de virus étant souvent fortement corrélée à l’abondance de microbes (Breitbart et Rohwer 2005), plusieurs virus de la vigne restent possiblement à découvrir. Cette situation est probablement la cause de l’inefficacité des stratégies de lutte contre les viroses qui reposent essentiellement sur des programmes de certification du matériel viticole, ciblant des virus connus et détectables. Ces lacunes nous empêchent aussi de bien comprendre les mécanismes qui sous-tendent la co-infection et les infections virales mixtes. Par exemple, pourquoi une infection causée par différents virus produit-elle des symptômes manifestes chez certains cépages et demeure-t-elle asymptomatique chez d’autres ? Quels sont les facteurs qui déterminent les interactions synergétiques et antagonistes au cours d’une co-infection ? Quels sont les facteurs qui déclenchent le passage d’interactions bénéfiques à des interactions patho-géniques pour un même virus ?

SOLUTIONS ET PERSPECTIVES : RECOURS À LA BIOVIGILANCE

Dans un contexte général, la biovigilance est un système de veille sur des organismes nuisibles réglementés et émergents et de suivi des effets non intentionnels associés à une population donnée d’organismes. Dans le milieu agricole, la biovigilance est une méthode fondée sur le suivi de l’état de l’agroécosystème, à savoir la santé des cultures, afin de détecter les facteurs de risques, d’en étudier leur dévelop-pement dans le temps et l’espace en vue de mitiger les menaces potentielles et anticiper l’impact majeur qu’elles peuvent avoir sur le secteur agricole (Carisse et al. 2017). Vu qu’elle est basée principalement sur la recherche scientifique, la biovigilance est alors une série d’activités de recherche visant à améliorer notre capacité à répondre rapidement et avec efficacité aux problématiques engendrées par les ravageurs actuels et émergents. Alors, comment la biovigilance peut-elle servir à répondre aux questions posées précé-demment et à lutter contre les maladies virales de la vigne ?

En pratique, un programme de biovigilance est composé de six étapes majeures : conscience, détection et identification, évaluation et priorisation, compréhension, atténuation et convenance (Carisse et al. 2017). La conscience, dans notre cas, consiste à prendre connaissance de l’ensemble des virus associés à la vigne à l’échelle mondiale et à connaître ceux qui sont présents dans le territoire. Puis, il est aussi important de connaître les virus de la vigne qui sont potentiellement présents ou qui peuvent être introduits vu la présence de leurs vecteurs ou l’échange de matériel végétatif avec un territoire où ils sont présents, comme le cas des virus de la tache rouge. Ceci est possible en se basant sur l’expertise scientifique et technique (observations de symptômes, échanges d’informations, etc.) et les outils de prévision de risques. Toutefois, les informations sur les virus présents dans les vignobles du Québec sont manquantes. Il serait donc nécessaire de mener une enquête régionale, voire nationale, sur l’ensemble des virus présents dans les vignobles. Ceci nous mène directement vers la deuxième étape du programme de biovigilance, la détection et l’identification. Grâce aux récentes avancées dans les techniques omiques, on peut maintenant faire de la recherche sur la diversité virale dans les vignobles (Roossinck 2012, 2014; Stobbe et Roossinck 2014). Les nouvelles techniques de séquençage à haut débit (NGS) (Al Rwahnih et al. 2015) et les techniques d’amplification de type « Rolling circle » (RCA) (Inoue-Nagata et al. 2004) ont rendu possibles la détection, l’identification et la prospection efficaces de virus connus ou nouveaux, associés à la vigne. De telles études pourraient dévoiler une longue liste de virus jusqu’ici inconnus du milieu viticole et leur classification en virus bénéfiques, pathogènes et neutres. Cette classification fera partie des deux prochaines étapes du programme de biovigilance, l’évaluation et la priorisation, et la compréhension, qui sont généralement traitées en parallèle. Une fois que l’ensemble des virus associés à la vigne seront caractérisés, l’évaluation consiste à identifier en priorité les virus qui sont déjà identifiés comme agents pathogènes et ayant un impact économique majeur sur la viticulture. La distribution temporelle et spatiale de ces virus doit être étudiée afin d’évaluer les risques de leur propagation et d’épidémiologie en relation avec la présence des vecteurs, l’échange de matériel de propagation et les conditions climatiques qui font que ces virus peuvent constituer une menace. De plus, la connaissance de la diversité virale pourrait aussi mener à la découverte de relations bénéfiques ou négatives entre la vigne et les virus. Même si la plupart des interactions vigne-virus bien étudiées sont associées à des maladies, certaines études récentes ont démontré des interactions positives (Perrone et al. 2017; Stobbe et Roossinck 2014). Par exemple, on a observé que les vignes infectées par certaines souches de virus GLRaV se montraient plus résistantes à Plasmopara viticola, l’agent causal du mildiou de la vigne (Repetto et al. 2012). En outre, chez la vigne, les infections virales mixtes et la co-infection sont communes dans des conditions de terrain et elles compliquent les diagnostics et l’élaboration de stratégies de lutte efficaces (Jo et al. 2015; Lunden et al. 2010). Credi (1997) a démontré que des infections virales mixtes augmentent la gravité de la maladie et intensifient les symptômes. Afin de comprendre ces interactions, il est important de mener des essais de pathogénicité et de co-infection in vitro et in vivo en vue de pouvoir catégoriser les nouveaux virus comme pathogènes directs et indirects, bénéfiques ou neutres. Par la suite, le succès du programme de biovigilance ne sera concret qu’avec des stratégies d’atténuation efficaces. Cette étape consiste essentiellement à la prise de décisions à partir des données obtenues des étapes précédentes et à agir en conséquence. La liste « prioritaire » des virus pathogènes qui ont été détectés et identifiés servira par exemple à établir des programmes de certification de plants exempts de ces virus, éliminer les vignes infectées et contourner les vignobles infectés par des zones tampons pour éviter la propagation de ces virus dans d’autres territoires. Les virus pathogènes, connus pour avoir un impact économique majeur ailleurs et qui n’ont pas été détectés, vont alors être ciblés par les services de quarantaine lors de l’importation de plants de vigne. Ensuite, il serait aussi possible d’utiliser les virus qui ont été évalués bénéfiques pour des moyens de lutte préventive ou curative. Enfin, comme pour tout autre programme, un suivi est nécessaire afin de vérifier si les décisions et les actions qui ont été prises sont assez efficaces pour réussir l’ensemble du programme de biovigilance (la convenance) (Fig. 1).

CONCLUSION : LA BIOVIGILANCE POUR LE CONTRÔLE DES VIRUS DANS LA VIGNE

Il n’existe pas de cure connue contre les viroses de la vigne, et les moyens de lutte chimiques sont coûteux et risquent de ne pas être efficaces en plus de susciter des préoccupations environnementales. Seulement environ la moitié des virus identifiés constituent une menace économique majeure pour les vignobles (Martelli 2014a). Nombre de ces virus sont asymptomatiques et difficiles à identifier et ils peuvent entretenir des relations mutualistes avec leurs hôtes (Perrone et al. 2017). Il devient évident que nous devons repenser la protection sanitaire des vignobles et faire de la sensibilisation sur les interactions vigne-virus. Il nous faut passer d’une pers-pective de pathosystème (relation binaire de type vigne-virus ou vigne-complexe viral) à une perspective de « virosystème » et étudier la vigne et son virome comme des éléments qui forment un microécosystème. Nous devons, à cette fin, améliorer notre compréhension de l’épidémiologie du virome de la vigne. Il faudrait orienter la recherche sur l’anticipation de menaces potentielles et non sur des interventions typiquement réactives aux dommages constatés. En fait, sur le plan strictement épidémiologique, l’efficacité des stratégies d’atténuation diminue à mesure que l’infection virale progresse. Par souci d’efficacité, les stratégies de lutte devraient être réservées aux cas où la probabilité de contrôler la maladie est élevée. Ainsi, une partie des ressources pour la recherche devraient être affectées à des activités qui visent à élaborer des stratégies d’atténuation en amont. Un programme de recherche en biovigilance ne devrait pas se limiter à élaborer des stratégies d’atténuation (de menaces actuelles et potentielles), mais devrait aussi étudier leurs impacts à l’échelle de l’écosystème. Aussi, grâce aux techniques omiques, nous pouvons désormais entrevoir la gestion d’un vignoble comme un macrobiome, c’est-à-dire une communauté écologique plus large, constituée de divers types de microorganismes et de macroorganismes qui modulent la réponse des vignes aux facteurs biotiques et abiotiques.

Figure 1

Plan d’un programme de biovigilance pour lutter contre les maladies virales de la vigne

Plan d’un programme de biovigilance pour lutter contre les maladies virales de la vigne

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