Introduction

Évaluation et étayage de l’analyse de pratique[Notice]

  • Christophe Gremion et
  • Philippe Maubant

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  • Christophe Gremion
    Maître d’enseignement, Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle, Suisse

  • Philippe Maubant
    Professeur, Université de Sherbrooke, Canada

Dans de nombreuses formations à l’enseignement tout comme dans nombre de formations professionnelles en alternance, un accompagnement des personnes est mis en place pour apporter de la souplesse et de l’adaptabilité aux dispositifs de formation souvent trop linéaires, pour aider à construire des liens entre les “savoirs de la pratique, ceux sur la pratique et ceux [...] pour la pratique” (Maubant, 2007, p. 41), pour développer une pratique réflexive ou encore pour « mettre en relation les diverses composantes du programme » (Perrenoud, 2004). Mais si l’accompagnement « suppose la reconnaissance de l’autonomie » de l’Autre (Jorro, 2012), les intentions des institutions poussent ce même Autre à contribuer plus ou moins volontairement « à la normalisation de son action » (Maulini & Vincent, 2014, p. 204). Ces deux formes d’étayage ou de relation pédagogique, accompagnement pour le premier et guidance ou formation pour le second, sont contradictoires (Vial & Caparros-Mencacci, 2007) et entrent en tension. De plus, une autre tension se manifeste également dans les dispositifs d’accompagnement, au niveau cette fois non du type d’étayage, mais de la conception de l’évaluation. Composante indispensable des dispositifs de formation, elle impose à tout acteur de devoir conjuguer avec deux logiques elles aussi en tension : la logique de contrôle d’une part, fonction indispensable à tout institut dispensant des formations certifiantes, et « tout ce qui reste quand on ne fait pas du contrôle » d’autre part (Vial, 2010), fonction de l’évaluation primordiale pour le développement des compétences. Sur le terrain, accompagnateurs et personnes en formation impliqués dans ces dispositifs doivent soit choisir une de ces deux logiques évaluatives, soit tenter de les articuler au mieux. Le choix de la logique évaluative ainsi que celui de la relation pédagogique serviront à l’organisation de cette revue. Qu’entend-on par évaluation ? Les réponses à cette question seraient nombreuses et en faire un recensement exhaustif utopique ! Mais de toutes les définitions apparaitrait certaines dialectiques facilement identifiables dans les points de vue de différents auteurs. Une évaluation démonstration de pouvoir ou occasion de rencontre (Jorro, 2009), qui sert au contrôle ou à tout le reste (Vial, 2012), à visée interne ou externe (Berthiaume, Lanarès, Jacqmot, Winer, & Rochat, 2011), par confirmation ou par critique (Boltanski, 2009), pour comprendre ou pour prouver (Jorro, 2016). La liste serait longue, les tensions nombreuses, suffisamment pour légitimer la question que nous pose Hadji : « Faut-il avoir peur de l’évaluation ? » (2012). Comme cet auteur, nous pensons que la réponse n’est pas si simple, qu’elle se doit d’être nuancée. Une certitude par contre : du moment que l’on sait à quoi l’on joue avec l’évaluation, que tous les acteurs savent à quoi ils jouent tant d’un point de vue social qu’éthique, les risques de « dangerosité » de l’évaluation diminuent. Mais même en s’émancipant de la logique de rentabilité et de supériorité dont nous parle Hadji, même en restant dans une logique humaniste dans laquelle l’évaluation se soucie de minimiser les souffrances (2012, p. 288), les deux grandes intentions de l’évaluation restent toujours « tressées » (Vial, 2001, p. 95), restent nécessaires. Boltanski l’a très clairement thématisé : si la critique est nécessaire à l’émancipation, elle ne peut s’exercer qu’en réaction à une attente de confirmation par rapport à un modèle (2009, p. 152-156). L’évaluation par confirmation, que nous nommerons dans cette revue « évaluation contrôle », participe de la reconnaissance professionnelle tant pour le formé que pour le formateur. Elle offre des points de repères par rapport à un attendu, par rapport à une intention, par rapport également à une réflexivité sociale (Kaufmann, 2001) participant de la …

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