Corps de l’article
Dans de nombreuses formations à l’enseignement tout comme dans nombre de formations professionnelles en alternance, un accompagnement des personnes est mis en place pour apporter de la souplesse et de l’adaptabilité aux dispositifs de formation souvent trop linéaires, pour aider à construire des liens entre les “savoirs de la pratique, ceux sur la pratique et ceux [...] pour la pratique” (Maubant, 2007, p. 41), pour développer une pratique réflexive ou encore pour « mettre en relation les diverses composantes du programme » (Perrenoud, 2004). Mais si l’accompagnement « suppose la reconnaissance de l’autonomie » de l’Autre (Jorro, 2012), les intentions des institutions poussent ce même Autre à contribuer plus ou moins volontairement « à la normalisation de son action » (Maulini & Vincent, 2014, p. 204). Ces deux formes d’étayage ou de relation pédagogique, accompagnement pour le premier et guidance ou formation pour le second, sont contradictoires (Vial & Caparros-Mencacci, 2007) et entrent en tension.
De plus, une autre tension se manifeste également dans les dispositifs d’accompagnement, au niveau cette fois non du type d’étayage, mais de la conception de l’évaluation. Composante indispensable des dispositifs de formation, elle impose à tout acteur de devoir conjuguer avec deux logiques elles aussi en tension : la logique de contrôle d’une part, fonction indispensable à tout institut dispensant des formations certifiantes, et « tout ce qui reste quand on ne fait pas du contrôle » d’autre part (Vial, 2010), fonction de l’évaluation primordiale pour le développement des compétences. Sur le terrain, accompagnateurs et personnes en formation impliqués dans ces dispositifs doivent soit choisir une de ces deux logiques évaluatives, soit tenter de les articuler au mieux. Le choix de la logique évaluative ainsi que celui de la relation pédagogique serviront à l’organisation de cette revue.
Les deux logiques de l’évaluation : contrôle vs développement
Qu’entend-on par évaluation ? Les réponses à cette question seraient nombreuses et en faire un recensement exhaustif utopique ! Mais de toutes les définitions apparaitrait certaines dialectiques facilement identifiables dans les points de vue de différents auteurs. Une évaluation démonstration de pouvoir ou occasion de rencontre (Jorro, 2009), qui sert au contrôle ou à tout le reste (Vial, 2012), à visée interne ou externe (Berthiaume, Lanarès, Jacqmot, Winer, & Rochat, 2011), par confirmation ou par critique (Boltanski, 2009), pour comprendre ou pour prouver (Jorro, 2016). La liste serait longue, les tensions nombreuses, suffisamment pour légitimer la question que nous pose Hadji : « Faut-il avoir peur de l’évaluation ? » (2012). Comme cet auteur, nous pensons que la réponse n’est pas si simple, qu’elle se doit d’être nuancée. Une certitude par contre : du moment que l’on sait à quoi l’on joue avec l’évaluation, que tous les acteurs savent à quoi ils jouent tant d’un point de vue social qu’éthique, les risques de « dangerosité » de l’évaluation diminuent. Mais même en s’émancipant de la logique de rentabilité et de supériorité dont nous parle Hadji, même en restant dans une logique humaniste dans laquelle l’évaluation se soucie de minimiser les souffrances (2012, p. 288), les deux grandes intentions de l’évaluation restent toujours « tressées » (Vial, 2001, p. 95), restent nécessaires. Boltanski l’a très clairement thématisé : si la critique est nécessaire à l’émancipation, elle ne peut s’exercer qu’en réaction à une attente de confirmation par rapport à un modèle (2009, p. 152-156).
L’évaluation par confirmation, que nous nommerons dans cette revue « évaluation contrôle », participe de la reconnaissance professionnelle tant pour le formé que pour le formateur. Elle offre des points de repères par rapport à un attendu, par rapport à une intention, par rapport également à une réflexivité sociale (Kaufmann, 2001) participant de la socialisation de l’individu et du développement de son genre professionnel. Elle est un travail de comparaison à des modèles et participe à une démarche de régulation par celui qui enseigne (Vial & Caparros-Mencacci, 2007, p. 129-134) dans une intention de rendre compte principalement externe.
A l’opposé, lorsque l’évaluation ne sert pas au contrôle, ce que nous nommerons « évaluation développement » ici, c’est une démarche de régulation pour celui qui apprend, Nunziati dirait également une « démarche de régulation de celui qui apprend » (1990, p. 50) dans le cas de l’évaluation formatrice. Une intention de rendre compte centrée sur l’apprenant avec une visée interne cette fois. Cette opposition contrôle vs développement constitue l’axe 1 de notre système de représentation (fig. 1) utilisé pour organiser entre eux les articles de cette revue.
Pour autant, nous ne sommes pas en face d’une dichotomie, et de nombreuses formes évaluatives se retrouvent entre ces deux pôles. Prenons l’exemple de l’évaluation formative. Dans ce cas, la dimension de contrôle diminue pour permettre une rationalisation de l’enseignement et une individualisation des activités pédagogiques. Mais toutes les adaptations des gestes pédagogiques visent la réussite d’un maximum d’apprenants en regard d’objectifs ou de modèles prédéfinis. Le contrôle diminue sans disparaître puisque la comparaison aux modèles reste l’instrument de mesure.
Ces deux grandes tendances de l’évaluation se retrouvent également dans l’autoévaluation, le point de vue de l’autre ne disparaissant jamais complétement lors de cet acte plus ou moins introspectif. Un point de vue extérieur qui reste présent, cela semble évident dans la co-évaluation et dans l’évaluation mutuelle. Mais même dans le cas particulier de l’autoévaluation stricto sensu, l’autre est présent dans les représentations que l’apprenant a de ses attentes, à travers les normes portées par la réflexivité sociale, à travers les référentiels de compétences.
Campanale l’a mis en évidence (2007, p. 69-70), les interprétations d’autrui vont faciliter le travail de prise de distance (recul, distanciation et décentration) nécessaire lors de l’analyse de leur pratique. Un autrui qui ouvre la possibilité d’un autre regard, même lorsque qu’il est physiquement présent mais qui se doit également d’accorder le droit à l’erreur (Persson, 2005, p. 46) s’il ne veut pas que des mécanismes de défense entrent (encore plus) en jeu dans l’autoévaluation. Car l’erreur est nécessaire puisque, lorsqu’on ne la considère pas comme une faute mais comme un écart entre un espéré et un constaté, elle sert à créer la surprise, élément déclencheur de la réflexivité (Schön, 1994) et de la démarche d’enquête dans le sens proposé de Dewey (Dewey, 1967). Mais laisse-t-on toujours ce droit à l’erreur ? De par ses différents buts, l’évaluation sert ou peut être vue comme servant à attribuer une valeur, et « l’attribution de valeur touche à l’honneur, et à la dignité, des personnes » (Hadji, 2012, p. 283).
Les deux logiques de la relation pédagogique : guidance vs accompagnement
La relation pédagogique est fortement influencée selon que l’on se situe dans le paradigme de l’enseignement ou dans celui de l’apprentissage (Tardif & Presseau, 1998). Dans les deux cas, l’étayage est central et la forme qu’il prend influera sur le degré d’autonomie de l’apprenant.
Dans le premier paradigme, l’étayage dépend de la place occupée par celui qui connaît la matière, « dont le rôle est d’être un passeur, cherchant des gués, tenant la main de l’apprenant pour les franchir » (Bucheton & Soulé, 2009, p. 36). Une forte dissymétrie est présente entre celui qui enseigne et celui qui apprend, le premier ayant la posture d’expert, de pilote ou de guide devant permettre au second de surmonter des difficultés grâce à des actions correctives (Vial & Caparros-Mencacci, 2007, p. 92). Cette posture de guidance, habituelle et naturelle pour le magister, se situe à l’opposé de la posture d’accompagnement tel que nous la concevons. Deuxième opposition formation – guidance vs accompagnement qui constitue l’axe 2 de notre système organisateur des communications (fig. 1).
Adopter une posture réflexive ou analyser sa pratique peut-il s’apprendre ? « La distanciation nécessaire à toute analyse peut être induite par la présence d’un tiers qui peut prendre plusieurs formes, une théorie, un modèle, une grille de lecture ou un autre professionnel. Ce dernier, nous l’avons appelé « compagnon » parce qu’il est dans un rapport partenarial d’une part et, d’autre part, parce qu’il induit une réflexion et une réflexivité sans juger chez le praticien qui en reste le propriétaire » (Donnay & Charlier, 2008, p. 117).
Cette introduction au chapitre 5 de l’ouvrage de Donnay et Charlier résume parfaitement ce que de nombreux auteurs ont réclamé de leurs voeux avant ou après cette publication. Que l’on parle d’ami critique (Jorro, 2006; MacBeath, 2002), d’accompagnateur professionnel (Vial & Caparros-Mencacci, 2007), d’acteur bienveillant (Maubant, 2007), de compagnon réflexif (Donnay & Charlier, 2008), son profil attendu ou espéré est toujours sensiblement le même :
Un acteur bienveillant qui est l’ami, le compagnon de chemin, afin de permettre à l’accompagné de passer par-dessus les soupçons de « rapports de force » (Jorro, 2006, p. 40) véhiculé par l’évaluation ;
Un acteur en retrait, tout en restant proche, qui ne montre pas le chemin mais aide à le choisir, inscrit dans une démarche de pédagogie active et socioconstructiviste, cherchant à « tout faire pour que l’autre fasse » (Maubant, 2007, p. 46) ;
Un acteur critique qui maîtrise les compétences nécessaires à une évaluation authentique et qui peut, en toute transparence, partager et discuter les résultats de ses observations avec l’accompagné ;
Un acteur en recherche, pour qui l’évaluation est une recherche de compréhension, et pour qui toutes les pratiques méritent compréhension et réflexion, toutes y compris la sienne, afin de rester dans cette posture autoévaluative et réflexive qu’il cherche à soutenir chez l’Autre.
Cette posture impose certains deuils ; Vial l’a très bien décrit dans son ouvrage (2007) : accompagner n’est pas guider, car accompagner se rapporte au cheminement et aux choix de l’accompagné alors que guider renvoie à la trajectoire et aux choix de l’accompagnateur. Conseiller, superviser, prescrire, contrôler, guider, former... font partie de ces deuils. Deuil également au niveau de la maîtrise des temporalités, l’accompagnement étant une relation qui ne s’organise pas sur un ordre du savoir, le novice devant rejoindre la connaissance de l’expert au temps T, mais sur un ordre du temps, l’accompagnateur et le novice cheminant ensemble au rythme de l’apprentissage (Gaté & Charrier, 2011, p. 155-157).
Organisation de cette revue thématique
Les contributions présentées dans cette revue ont été regroupées selon la logique qui sous-tend l’ingénierie des dispositifs présentés. Ceux-ci ont été analysés en fonction des deux dimensions présentées au début de cette introduction, soit tout d’abord du rôle qu’y joue l’évaluation (axe 1), puis du type d’étayage proposé (axe 2).
Dans ses travaux, Vial regroupe d’une part l’évaluation-contrôle avec la guidance et la formation et d’autre part l’autre évaluation - celle qui sert à faire « tout le reste » lorsqu’on ne fait pas du contrôle - avec l’accompagnement. Pourtant, de nombreux dispositifs tentent de concilier ces deux logiques, constat nous ayant servi de thématique pour débattre et communiquer dans le cadre d’un symposium[1], travail qui se poursuit par ce numéro thématique.
Les textes proposés ici nous ont incités à opérer le même type de rapprochement. Ainsi, l’association contrôle et guidance / formation a été assimilée au paradigme d’enseignement dans le cadran en bas à gauche et constitue le premier ensemble de textes présentés. Ensuite, regroupant développement et accompagnement, le cadran en haut à droite a été assimilé au paradigme d’apprentissage pour la deuxième partie de cette revue. Enfin, nous avons identifié quatre textes dans lesquels des constituants des deux paradigmes se côtoient. Ils sont regroupés dans la troisième partie et mettent en évidence, pour certains, des intentions institutionnelles contradictoires voire des injonctions paradoxales.
1ère partie : dans le paradigme d’enseignement
Une première partie, constituée de trois articles, s’intéresse à l’éventuelle instabilité que provoque l’évaluation, et plus particulièrement sa dimension de contrôle, lorsque l’encadrement est assuré par des formateurs ou des superviseurs. Ces trois contextes pourraient ainsi être situés dans la partie inférieure gauche de notre système de représentation (fig. 1).
Une première recherche est proposée par André et Zinguinian, « Les enjeux de communication et de cadre dans l’évaluation des stages en enseignement » Ici, les auteurs nous proposent de ne pas voir une tension entre former et évaluer, mais une difficulté que les formateurs de terrain éprouvent au moment de signifier un échec. En effet, selon ces auteurs, comme les formateurs de terrain tiennent ces deux rôles quotidiennement dans leur classe avec leurs élèves, sans que cela ne leur pose de problème insurmontable, la difficulté d’évaluer de futurs enseignants pourrait résider ailleurs. D’une part, la proximité qu’ils ont avec l’étudiant en formation semble créer des enjeux identitaires et relationnels alors que, d’autre part, l’absence de références faisant consensus sur le « bon enseignant » rend le jugement difficile, surtout lorsque ce dernier peut influer négativement sur le parcours professionnel des étudiants. Mais cette difficulté du jugement semble mettre en évidence, en fin d’article, un manque de référentialisation partagée entre les acteurs de terrain et ceux de l’institut de formation (Figari, 1994).
L’article suivant, « Dans les méandres discursifs des entretiens de stage : interventions des formateurs entre l’évaluation formative et certificative », Tominska et al. analysent des interventions des formateurs de terrain et des formateurs universitaires qui endossent différents rôles durant les entretiens de stages, y prennent des places et les assignent aux autres interlocuteurs.. Situant leurs analyses lors de deux types d’entretiens tripartites, l’un formatif en milieu de stage et l’autre certificatif à la fin de celui-ci, les auteures proposent une analyse discursive permettant de mettre en évidence l’évolution des dynamiques interactionnelles entre trois partenaires d’entretiens. Le paradigme « enseignement » semble dominant dans ce dispositif et la démarche formative consistant à identifier les forces et les lacunes pour mettre en place des régularisations pourrait le confirmer. L’article met également en évidence les difficultés que les personnes en formation rencontrent pour mettre en mots leurs forces, leurs compétences, plus promptes à s’exprimer sur les points faibles et améliorations à envisager dans leur pratique. Cette lecture nous a fait repenser à la faible distance qui sépare parfois la construction de compétences professionnelles et la socialisation de l’individu (Kaufmann, 2001), ce dernier étant confronté à plusieurs réflexivités sociales devant lui permettre de construire sa réflexivité individuelle.
Le dernier article de cette première partie nous est proposé par Valérie Guillemot. Dans « Des textes officiels à la pratique singulière, quelle posture pour un formateur en situation d’accompagner ? Etude de cas », l’auteure se penche sur les textes du Référentiel de Certification relatif au titre professionnel de Formateur pour Adulte. Ceux-ci leur demandent « d’accompagner les apprenants dans la construction et la mise en oeuvre de leur parcours », mais un parcours dont « les étapes du suivi sont planifiées et respectées » afin d’en permettre la traçabilité. Compte tenu de cette injonction paradoxale, comment le formateur peut-il se situer dans son activité ? Comment peut-il répondre à la demande institutionnelle « d’accompagner » alors que ce qui lui est concrètement demandé tient clairement du guidage ? L’étude de cas proposée nous montre les risques que représente le fait de passer d’une posture à l’autre lorsque ce changement de posture n’est pas le fait d’un choix conscient. Parce que les formateurs ne sont pas formés à l’accompagnement, il leur est difficile de faire le choix assumé de l’étayage et du guidage qui leur incombe.
2ème partie : dans le paradigme d’apprentissage
La deuxième partie de la revue comporte deux articles qui s’intéressent à des dispositifs d’accompagnement pensés selon le paradigme d’apprentissage. Ils se situent dans la partie supérieure droite de notre système de représentation (fig. 1). Dans les deux cas, la posture nécessaire à l’analyse de l’activité est mise en tension avec celle prescriptive inhérente au contrôle du respect d’une norme.
Fristalon, dans « Du processus de reconnaissance à l’évaluation de la pratique professionnelle », présente une démarche centrée sur l’analyse de l’activité issue de l’ergonomie francophone. Les entretiens d’autoconfrontation menés entre l’accompagnateur et la personne en formation permettent à l’auteure de documenter trois processus à l’oeuvre dans cette démarche libérée de tout attendu prescriptif : la confrontation à sa propre pratique ou celle d’autrui, la reconnaissance des autres pour permettre la reconnaissance « de soi par soi » et la renormalisation qui peut s’entendre comme la création et le développement de ses propres normes. Ainsi, cette démarche, en favorisant cette renormalisation, tente de se libérer de la normalité de l’action, interrogeant la place de l’activité de contrôle.
L’article de Boucenna, « L’accompagnement : entre fusion et distanciation », viendra ensuite questionner la relation dans l’accompagnement. « Être au service » de l’accompagné implique-t-il forcément un rapport de symétrie entre les acteurs ? Pour comprendre les formes que peut prendre cette « mise au service » et la perception qu’en ont les accompagnés, des mêmes moments d’entretiens d’accompagnement ont fait l’objet d’autoconfrontation, tantôt avec l’accompagnateur, tantôt avec l’accompagné. Il ressort de cette recherche que l’asymétrie entre les acteurs est toujours présente, mais que la qualité de la relation d’accompagnement semble résider dans une recherche de symétrie dans les asymétries établies, ce qui permet de quitter le rapport de domination – soumission de nombreuses relations éducatives au profit d’un partage des vulnérabilités, différentes chez chacun naturellement, mais au service d’une symétrie des prises de risques et non de statut d’influence ou de pouvoir conféré par l’organisation ou le savoir.
3ème partie : au carrefour des paradigmes d’apprentissage et d’enseignement
La troisième partie de la revue se compose de quatre articles qui s’intéressent à des dispositifs d’accompagnement dans lesquels les deux paradigmes - enseignement vs apprentissage – semblent entrer en concurrence. Cette situation provoque des tensions dans les deux premiers articles alors que, dans le troisième et le quatrième, une gestion différente des fonctions de l’évaluation semble ouvrir des perspectives prometteuses.
Premier exemple de ces tensions, l’article de Zinguinian et André, « Certifier les stagiaires : le « sale boulot » du formateur en établissement scolaire », revisite le dispositif présenté au début de cette revue (André & Zinguinian) en s’intéressant aux formateurs de terrain. On peut y voir que certains se sentent piégés entre deux logiques : se mettre au service de l’étudiant selon ses besoins ou le former selon les attentes de l’institut. Cette tension semble être à l’origine des difficultés que ces formateurs ressentent à signifier des échecs aux étudiants qui leur sont confiés, qualifiant dans ce cas la certification de « sale boulot ». L’apparition de nouvelles tensions lorsque l’attention est portée sur une évaluation contrôle source potentielle d’échec est au coeur de cet article et de celui qui le suit.
Ainsi dans « Place de l’accompagnement et du contrôle dans les dispositifs de formation en alternance », Gremion propose une analyse stratégique et systémique d’une situation problématique. Un accompagnement qui semble bien se dérouler jusqu’à la non-validation d’une partie de la pratique. S’en suivent prolongation de formation, perte de confiance entre les acteurs, rupture du rapport de travail entre l’accompagnateur et l’accompagné. Ce travail met en évidence quatre axes de réflexion permettant de questionner les « effets pervers » de tels dispositifs d’accompagnement : Quels sont les buts du dispositif ? Quel est l’objet d’évaluation ? Comment repenser le mode d’attribution de l’accompagnateur ? Comment répartir les différents rôles de l’évaluation ?
Dans « Des stagiaires en quête d’apprentissage au contact des formateurs ? », Portelance et Caron nous parlent des enseignants associés et des superviseurs universitaires, les deux formateurs du stagiaire. Leurs propos sur l’enseignement et l’apprentissage sont parfois incohérents, les uns teintés par des savoirs théoriques et les autres dominés par des savoirs expérientiels. Leurs messages parfois incohérents peuvent avoir des effets sur l’investissement cognitif du stagiaire et sur la qualité de ses apprentissages. Le stagiaire peut en ce cas dévier de la trajectoire de l’engagement dans le développement des compétences professionnelles. Pour favoriser son engagement continu, l’aider à consolider ses forces et pallier ses lacunes, lui permettre de rester centré sur son développement professionnel et non sur la valeur du résultat chiffré obtenu lors du stage, la validation se fait selon une échelle à deux niveaux, succès ou échec. Le développement des compétences est alors apprécié quant à lui par des commentaires qualitatifs. Ce dispositif permet de s’inscrire dans une logique de formation[2], caractérisée chez les stagiaires ayant participé à la recherche par la volonté d’amélioration, la prise d’initiatives, l’authenticité, l’autonomie et l’attitude réflexive. Par ailleurs, il offre aux formateurs la possibilité d’exercer un rôle de stimulateur de réflexion. L’abandon de la note au profit d’une appréciation réussite / non réussite semble de ce point de vue positive.
Enfin, « Évaluation, norme et accompagnement : effet d’un dispositif de développement de l’analyse réflexive des professeurs stagiaires en enseignement ». Cette expérimentation, proposée par Vacher, questionne un dispositif d’analyse de pratiques professionnelles (APP) qui se positionne en alternative aux modèles traditionnels de formation. Pour « sécuriser » le dispositif, tout lien avec l’évaluation-contrôle est supprimé à l’intérieur des APP. Les professeurs stagiaires modifient ainsi leur rapport à la norme, devenant plus soucieux de questionner le sens de leurs pratiques que leur conformité. Parallèlement, le rôle de l’accompagnateur évolue vers celui de médiateur et l’évaluation contrôle, externe au dispositif, est perçue comme un indicateur source d’informations pour l’apprentissage. Une expérience riche mais impactée puis stoppée par l’évolution du contexte institutionnel : transformation tout d’abord du cursus de formation, les APP n’étant plus une option mais devenant obligatoires pour tous les professeurs stagiaires, demande ensuite d’introduction d’une évaluation certificative validant la démarche d’accompagnement…
Dans la recherche de stabilité entre apprentissage accompagné et évaluation, point de départ de cette revue, il semble que l’ingérence des institutions dans l’accompagnement, au nom du développement de la qualité, de la standardisation ou du contrôle, vienne détourner les dispositifs de leurs intentions premières que sont le développement des compétences professionnelles, de l’autonomie, du regard critique et de la responsabilisation des futurs professionnels.
Parties annexes
Notes
Bibliographie
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