Dans une période de forte mutation des métiers du soin et de réingénierie des formations dans le domaine médical et paramédical (réforme de la formation infirmière, accréditation des établissements et des services, redéfinition des référentiels de compétences des psychomotriciens, ergothérapeutes…), on observe en un intérêt constant des professionnels du secteur, à développer leur compréhension de ce qui constitue leur métier (interactions avec le soigné, activité de diagnostic, coopération au sein des équipes de travail, mise en place de la pluridisciplinarité, émergence des dispositifs d’éducation thérapeutique…) au-delà des prescriptions qui les encadrent. De profondes transformations en cours (place des technologies, redistribution plus ou moins institutionnalisée des rôles, questionnements éthiques…) occasionnent chez les bénéficiaires de l’action de soin comme chez les professionnels des changements dans les manières d’agir de penser, mais aussi d’apprendre et de se former dont il est difficile de saisir l’importance. Dans ce contexte, les acteurs sont en quête de ressources pour actualiser de façon continue leur savoir-faire, tout en sauvegardant ce qui est un patrimoine partagé. L’identité de métier s’est longtemps traduite par un type de discours sur soi et sur le monde qui valorisait l’indépendance, la qualification et la dignité. Dans le domaine du soin, des « noms de métier » définissent ainsi un travail conçu comme activité totale, au service d’autrui exigeant perfection et accomplissement de soi. « Les soignants » se définissent ainsi par une maîtrise de savoir-faire et une autonomie dans la réalisation de son travail, en vertu de savoirs professionnels de haut niveau. L’identification au métier s’élabore avec les pairs dans le cadre d’une socialisation professionnelle et constitue une « communauté pertinente d’action collective ». À ce titre, le métier joue une fonction de ressource pour celles et ceux qui l’exercent. Le métier n’en est pas moins constamment en tension. Référence commune à celles et ceux qui le pratiquent, il constitue autant une ressource qu’un risque, celui de brider l’innovation et le progrès au nom d’un certain conservatisme. On constate par ailleurs, comme dans d’autres secteurs, que le métier s’énonce dans des termes trop souvent prescriptifs plutôt que compréhensifs, sous l’effet des discours institutionnels promus par d’autres acteurs que les soignants eux-mêmes. Cela tend à faire disparaître le travail « réel » du soignant (en termes d’éthos professionnel, de valeurs et d’intention) et les formes d’apprentissages qui lui sont associées. Le travail de « care », l’accompagnement du patient, les formes langagières qui accompagnent l’action, les gestes professionnels par lesquels le soin se réalise, etc., constituent un ensemble de tâches concrètes dont il est possible de rendre compte dans une démarche d’analyse du travail en lien avec la formation. Recourir à une approche par l’activité revient dans ce contexte à se tenir au plus près des situations concrètes de travail et d’apprentissages en rendant compte du caractère singulier et situé des actions conduites et des comportements de site. La compréhension de l’action du sujet ne peut s’effectuer en dehors de l’étude de la logique des situations dans laquelle elle s’inscrit. Cela s’oppose à une vision générique du travail pour rendre compte des formes d’interactions que les acteurs établissent avec la portion limitée de l’environnement dans lequel ils agissent. Loin d’une analyse abstraite ou spéculative orientée vers une modélisation idéelle du prendre soin, il s’agit au contraire de souligner le caractère concret et parfois épisodique des actes et des gestes par lesquels s’apprend et se réalise ce travail. Dans cette logique, l’ordinaire, le quotidien et le banal ne n’est pas négligé ou relégué au domaine du détail, mais au contraire considéré comme le matériau premier de la recherche. Hypothèse est ainsi faite qu’en centrant …
Parties annexes
Bibliographie
- Bachelard, G. (1969). Préface. Dans. M. Buber, Je et Tu. Paris : Aubier., pp. 25-31.
- Bourdieu, P. (2005). Entretien avec Pierre Bourdieu - recueilli par Beate Krais. Dans. P. Bourdieu, J-C Chamboredon et J-C Passeron, Le métier de sociologue. Berlin : Mouton de Gruyter, pp. 5-19
- Goffman, E. (1956) La mise en scène de la vie quotidienne. La présentation de soi. Paris : Les Éditions de Minuits.
- Jarvis, P. (2010). Towards a Comprehensive Theory of Human Learning. London : Routledge.
- Spinoza, B. (1677) Traité de l’autorité politique. Trad. 1954. Bibliothèque de la Pléiade, OEuvres complètes, Paris : Gallimard.