Note de synthèse

Professionnaliser les acteurs de l’éducation et de la formation : entre construction identitaire et logiques de déprofessionnalisation[Notice]

  • Philippe Maubant et
  • Stéphane Martineau

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  • Philippe Maubant
    Institut de recherche sur les pratiques éducatives, Université de Sherbrooke, 2500 boul de l’Université Sherbrooke, Québec, Canada, J1K 2R1
    Philippe.Maubant@USherbrooke.ca

  • Stéphane Martineau
    Laboratoire du développement et de ‘INsertion professionnelle en enseignement, Université du Québec à Trois-Rivières, C.P. 500 Trois-Rivières, Québec, Canada, G9A 5H7
    stephane.martineau@uqtr.ca

Ce numéro révèle différentes dimensions touchant à l’évolution des pratiques et des identités professionnelles des acteurs de l’éducation et de la formation. Plusieurs auteurs soulignent notamment comment les situations et processus de professionnalisation se structurent selon une logique et une démarche d’intégration dans la communauté professionnelle à partir d’exercices, voire de tests de mises en situations réelles. L’analyse de ces temps spécifiques réglant l’insertion dans l’emploi montre combien ces périodes sont des temps privilégiés pour évaluer et sélectionner l’aptitude des futurs professionnels à supporter différentes contraintes constitutives de l’activité. Il semble que l’une de ces contraintes majeures réside dans l’ampleur des tâches demandées, perception par le professionnel d’une étendue et d’une multidimensionnalité de tâches génératrices de formes de souffrances au travail. Cette réalité nous conduit aussi à penser qu’aujourd’hui, la compétence attendue dans certains métiers adressés à autrui, considérés comme étant en première ligne des souffrances et des violences sociales, est celle qui permet de résister, de compenser et de composer avec un contexte de travail perçu par les travailleurs comme toujours plus stressant, voire violent. Cette phase d’intégration dans l’emploi se caractérise aussi par deux processus simultanés, l’un concourant au développement d’une identité professionnelle marquée par l’adhésion à la culture du métier, le second participant à l’acquisition et à la maitrise de savoirs professionnels. L’évaluation de la maitrise de ces savoirs se réalise dans le cadre de situations évaluatives non formelles où les groupes de pairs cherchent à saisir ces savoirs dans les dynamiques de l’activité. Ici se pose la question des caractéristiques des situations évaluatives qui semblent épouser des situations de travail, elles-mêmes sélectionnées selon une échelle de difficulté et selon qu’elles constituent ou non le coeur des tâches du professionnel. Prenant appui sur le texte d’Aubry et de Couturier, nous pouvons considérer que les processus de professionnalisation sont nourris d’un double processus de construction et de développement agissant tour à tour sur l’identité professionnelle et sur la maitrise de certains savoirs professionnels au sein de situations choisies comme particulièrement problématiques, parce que complexes et multidimensionnelles. La maitrise de ces savoirs semble participer au développement d’un creuset de compétences considérées comme caractéristiques et emblématiques de ces métiers adressés à autrui. Ces compétences attendues par les professionnels – et de facto par les représentants de ces professions – sont des compétences d’ordre relationnel, mais aussi d’ordre technique, notamment procédurale, dans la mesure où elles semblent constituer de savoirs mais aussi de tours-de-main ou de ficelles de métier. Ces compétences semblent toujours se situer au coeur des valeurs explicites de ces professions, en particulier le service aux personnes, même si elles revêtent différentes formes et invoquent différents systèmes de référence; d’une référence quasi technique visant la réponse pragmatique et appropriée aux souffrances humaines ou encore d’une référence idéologique à l’altruisme ou à l’humanisme (Masschelein, 2002). Des situations soutenant un processus d’insertion professionnelle sont aujourd’hui initiées et développées par des organisations professionnelles soucieuses de résoudre certaines problématiques majeures comme l’absentéisme ou l’abandon, conséquences ultimes de souffrances au travail, en particulier dans les métiers de l’enseignement (Lantheaume & Helou, 2008). Martineau & Mukamurera, en décrivant et en analysant les propositions mises en oeuvre par certaines commissions scolaires au Québec, cherchent à mettre en évidence l’intimité des relations entre trois processus : un processus-démarche d’insertion dans l’emploi et un processus-construction d’une identité professionnelle, autrement dit une professionnalité émergente (Jorro & de Ketele, 2011), un processus-développement accompagnant le travailleur tout au long de temporalités définies selon des visées variées et des contextes différents. La mise en perspective de cette figure triangulaire nous invite à considérer combien la démarche d’insertion professionnelle n’est qu’une étape contextualisée …

Parties annexes