Corps de l’article
En ce cinquantième anniversaire de la revue Philosophiques, le comité de rédaction[1] a senti le besoin de souligner l’événement et s’est interrogé sur la bonne manière de le faire. Après réflexion, il est apparu qu’au terme d’un demi-siècle d’activité, la revue pouvait s’offrir à elle-même un hommage sous la forme d’un dossier traitant de l’histoire et des évolutions de la philosophie au Québec, avec une attention particulière à la contribution de la revue à notre discipline et à la vie des idées. Le dernier essai du genre sous forme écrite, à notre connaissance, est le livre La pensée philosophique d’expression française au Canada. Le rayonnement du Québec (1998) dirigé par Josiane Boulad-Ayoub et Raymond Klibansky[2], lequel proposait une réflexion sur la philosophie depuis la Révolution tranquille. Ce bilan survenait, en quelque sorte, au mitan de la période qui nous intéresse. Cela nous donne confiance dans le fait que notre initiative ne fait pas double emploi, d’autant que notre projet se focalise sur le rôle de la revue Philosophiques, qui illustre une caractéristique fondamentale de la pratique intellectuelle au Québec depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : l’effort permanent de la revue pour rayonner hors des institutions d’enseignement où la pensée est transmise comme matière d’enseignement, afin de stimuler le débat public et de constituer une force pouvant agir sur la société.
En ce sens, on peut affirmer que la philosophie au Québec est entrée dans sa modernité, si on accepte avec Yvan Lamonde que, jusqu’en 1920, la discipline ait surtout été marquée par des tentatives pour la maintenir dans une pratique « de baccalauréat et de manuel »[3] sous la tutelle de l’Église catholique qui en fixait le contenu. La revue Philosophiques, fondée en 1974, accompagne depuis ce temps cette modernité, ce dont notre numéro anniversaire témoigne. Plus précisément, nous cherchons à comprendre les formes de ce compagnonnage : tantôt actif, tantôt récepteur des changements qui affectent la discipline, ses matières autant que ses manières, les transformations de la revue elle-même servant d’indices à la vie philosophique québécoise, dont elle est un acteur autant qu’un reflet. Cette introduction retrace sommairement ces évolutions, laissant le soin aux contributions qui forment le numéro d’entrer dans leur détail, de poser un regard critique sur les questions qu’elles soulèvent et de paver la voie à celles qui s’annoncent.
La philosophie au Québec et la création de Philosophiques (1974)
On peut prendre comme point de départ le constat d’Yvan Lamonde, suivant lequel « la philosophie est un objet construit dans le temps, marqué par des institutions »[4]. Si tel est le cas, l’apparition d’une revue comme Philosophiques constitue un jalon important dans l’histoire de notre discipline. La « philosophie d’expression française », si l’on se fie à ce qu’en dit Raymond Klibansky, est déjà, en 1974, en bouleversement. Ceux qu’il nomme les « maîtres d’après-guerre » ont commencé à modifier le thomisme régnant en lui insufflant un « nouvel humanisme », dont on trouve l’écho chez Fernand Dumont ou dans la fondation de la revue Cité libre en 1950[5]. L’arrivée des cégeps, en 1967[6], a un impact encore plus important puisqu’elle impose la philosophie comme une partie de la formation générale, obligatoire pour tous. Cette situation implique d’entretenir un corps professoral volumineux et stable, composé de la jeune génération qui se forme à l’aune de la Révolution tranquille. Cette cohorte de nouveaux professeurs et chercheurs désire politiser la discipline autour des problèmes de l’heure, notamment l’enjeu national, la question de la langue française et celle des classes sociales. Cette politisation percole tant sur le plan des pratiques pédagogiques (marquées par la participation étudiante) que sur celui de la recherche (où dominent les thèmes sociaux)[7].
Deux mouvements concomitants deviennent alors visibles. D’une part, on voit apparaître un engouement pour la philosophie comme discipline, de même que comme activité professionnelle possible. Le milieu universitaire est investi de la mission de former non seulement des bacheliers qui se destinent à des professions libérales, mais aussi un corps professoral substantiel capable d’enseigner la philosophie au niveau postsecondaire. Ces jeunes étudiants, bientôt professeurs dans les cégeps, participent du même coup à la vie de la discipline et au renouveau de la recherche. D'autre part, une réflexion s’opère, liée au réveil nationaliste au Québec. On s’interroge sur les lieux qui peuvent être investis par cette nouvelle cohorte de philosophes d’expression française, et le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’affirmation du Québec. Les jeunes philosophes québécois tendent de plus en plus à faire usage de la philosophie d’outre-mer — par exemple les oeuvres d’Albert Camus ou de Jean-Paul Sartre — afin de repenser le statut du Québec, vu comme une nation qui doit s’émanciper sur les plans politique et culturel, mais aussi personnel. Les idées d’Albert Memmi ou de Frantz Fanon sont ainsi mobilisées pour penser la désaliénation des Québécois[8].
Le texte de présentation du premier numéro de la revue, signé par Yvon Lafrance, confirme cette double réalité. Lafrance explique d’abord que la création de la revue tient au besoin d’améliorer la compétence professionnelle des milieux philosophiques québécois. Leur dynamisme, qui s’est intensifié « depuis quelques années », demande le prolongement des activités d’enseignement par la recherche et la publication dans un organe entièrement philosophique et francophone[9]. Certes, les philosophes du Canada connaissaient Dialogue (fondée en 1962)[10] ou le Canadian Journal of Philosophy (fondé en 1971)[11] qui acceptent des textes en français. Mais la création de la nouvelle revue montre que l’objectif de ses artisans vise quelque chose d’autre, à savoir une volonté d’inscrire cette professionnalisation dans le cadre d’une affirmation d’appartenance à ce qu’il est convenu d’appeler la francophonie.
Au départ, la fondation de la revue est en partie le fait de professeurs de l’Université d’Ottawa, comme son premier directeur Yvon Lafrance (et l’un des auteurs de ce texte est d’autant plus honoré d’occuper, à cinquante ans de distance, la direction de la revue depuis la même université). Les premiers numéros démontrent un souci pour coaliser la philosophie d’expression française, accordant une place à la vie philosophique des universités de Moncton, Ottawa et Sudbury, à côté de celle des institutions québécoises, cégeps et universités. De façon intéressante, l’une des stratégies que la revue adopte consiste à donner une place à des intervenants d’autres pays francophones (la France surtout). Cela produit un double effet : cristallisation d’une communauté philosophique d’expression francophone locale, en dialogue avec son pendant anglophone, et insertion du travail de cette communauté dans un réseau international d’échanges qui affermit sa légitimité.
De plus, le mandat que se donne la revue déborde le cadre strict d’une publication universitaire. Philosophiques se signale à ses débuts par un certain décalage par rapport aux pratiques en place dans l’univers éditorial savant. Yvon Lafrance est même, dans son texte d’introduction, assez enthousiaste à l’idée que le titre de la revue, arborant un pluriel, constitue un programme. Programme d’ouverture à toutes les idées philosophiques, programme d’ouverture à tous les courants, certes. Mais la revue propose déjà, au-delà des sections « Articles » et « Études critiques », un espace pour d’autres modèles philosophiques ou qui servent d’autres fins que la seule recherche. On trouve, dans les premières années, une section intitulée « Interventions », faisant droit à des textes plus engagés, formant un « laboratoire de modes d’expression nouveaux »[12]. Ces interventions sont tantôt des essais au ton personnel, tantôt des espaces de débats sur des sujets d’actualité, ou encore sur les pratiques et les institutions de la philosophie.
Deux autres sections de la revue sont caractéristiques de cet exercice de cristallisation d’une communauté philosophique d’expression française. La section « Bulletin » sert régulièrement à la publication de bibliographies présentant la recherche dans un domaine de spécialisation ou sur un problème philosophique précis. Cela permet, dans beaucoup de cas, de produire une sorte de regard autoréflexif sur certaines spécificités de la recherche au Canada français. L’autre section, portant le nom de « Chroniques », sert à relater l’activité du milieu philosophique francophone avec pour objectif de faire rayonner ce travail à l’international et de servir aux futurs historiens afin qu’ils comprennent le déploiement de la discipline. Il va de soi qu’en parlant de la vie des départements, de celle des sociétés savantes (Sociétés de philosophie du Québec, de Montréal, de l’Outaouais, Cercle de philosophie de Trois-Rivières, etc.) et des personnes qui les font vivre, le sentiment d’appartenance à une communauté en sort renforcé[13]. Ainsi, Philosophiques, affirmait Yvon Lafrance[14], pouvait espérer à la fois refléter l’effervescence de la vie philosophique au Canada français et la stimuler en retour.
Une revue engagée socialement (1974-1980)
Dans les années 1970, la revue Philosophiques déploie son existence autour de deux axes, à savoir la poursuite du projet de dynamisation de la recherche et une certaine affirmation politique nationale de plus en plus prononcée. Elle est caractéristique d’un élan général de professionnalisation et d’engagement, deux pôles qui entrent parfois en contradiction, mais qui peuvent aussi se compléter. Dans les années 1960 et 1970, plusieurs disciplines académiques désirent se conformer à de nouveaux standards scientifiques (vérification par les pairs, institutionnalisation, formations poussées, croisement avec la recherche internationale)[15]. Au Québec, cette professionnalisation est l’occasion pour la collectivité nationale d’accéder à un statut de « société réalisée », en mesure d’opérer ses propres institutions et sa propre recherche. Posséder une communauté scientifique québécoise — par exemple philosophique —, c’est démontrer concrètement l’avancement de la société et ses capacités propres. C’est aussi procéder à la création et à la reproduction de la culture nationale. Ainsi, la recherche francophone et les institutions québécoises connaissent un renouveau marqué durant toute la décennie. Ce projet est encouragé par les gouvernements libéraux (1970-1976), puis par le Parti Québécois (1976-1985), confirmant la relative unanimité quant au projet d’affirmation et de modernisation du Québec, bien après la Révolution tranquille stricto sensu[16].
Dans le cas philosophique, cette affirmation franco-québécoise s’incarne sous la forme d’un « paradigme français », c’est-à-dire un développement axé quasi uniquement sur les auteurs de France. Cette manière de procéder répond à la volonté de s’arrimer à la recherche de pointe, ainsi qu’à celle d’affirmer le fait français au Québec. « Le lien avec la philosophie française fut alors si consubstantiel qu’il n’invite à rien moins qu’à relire sous un angle particulier toute l’histoire de la philosophie au Québec durant ces quelques décennies [1960-1980]. »[17] L’autonomisation se fait par rapport au thomisme et à la pensée anglo-saxonne, tout en se (ré)inscrivant dans un réseau international dont l’objectif pour la pensée québécoise est celui d’exister à une échelle inédite. Il faut s’inspirer de la France et s’affirmer en français. Cela dit, la période demeure marquée par une certaine inféodation à l’ancienne métropole, dont on révère les institutions et les auteurs. Afin de montrer son sérieux, l’article liminaire du premier numéro est signé par Martial Guéroult. Mais au cours de la décennie 1970, ce sont majoritairement des auteurs québécois que l’on retrouve, de Maurice Lagueux à Yvan Lamonde, en passant par Robert Nadeau ou Claude Panaccio.
Dans ce contexte, la Société de philosophie du Québec (SPQ) et la revue Philosophiques sont créées en 1974. Le congrès spécial de la SPQ des 1er et 2 novembre 1975 prend la décision suivante : « AGS-75-5 : Que la revue Philosophiques devienne l’organe officiel de la SPQ et que le prix à l’abonnement de cette revue soit inclus dans la cotisation annuelle versée à la SPQ. »[18] Cette décision s’applique à partir du 1er janvier 1976[19]. L’ancrage québécois de la revue s’affirme rapidement, en synchronicité avec l’arrivée au pouvoir du Parti Québécois (novembre 1976). Suivant la mentalité de l’époque, Philosophiques n’adopte pas qu’une approche scientifique, mais se veut aussi un lieu d’animation et d’intervention sociale, donc un outil pour participer aux mouvements sociaux en cours. Ces éléments sont portés par la nouvelle génération, qui a peu ou pas connu la Guerre, mais qui jouit des fruits des « Trente glorieuses », tout en adoptant une vision progressiste du monde. En témoigne le jeune âge des premiers directeurs de Philosophiques, dont Yvon Lafrance (1974-1976) et Guy Bouchard (1977-1979). Cette jeunesse de la première équipe est confirmée par Claude Panaccio dans l’article qu’il nous offre dans les pages qui suivent. La volonté d’ouverture est aussi effective quant aux différentes écoles philosophiques.
Durant cette période, en sus de la philosophie de l’esprit, les thèmes les plus présents sont : le marxisme (premier), le féminisme et la philosophie québécoise[20]. Le thème marxiste est lui-même dominé par la question de l’idéologie, c’est-à-dire le « reflet superstructurel » de la base économique, le lieu même où se produit la philosophie. Cette axiomatique indique une autoréflexion de la discipline, parfois nommément dans le but de la transformer (une autre itération du lien analyse/intervention). Le thème de la philosophie québécoise, quant à lui, prend souvent la forme d’études sur l’histoire de la philosophie au Québec, avec une volonté évidente de (re)construire une histoire valide de la pensée québécoise, dans un dessein d’affirmation nationale et pour créer une émulation. Les travaux d’Yvan Lamonde, par exemple, en témoignent dans Philosophiques (1976, 1979). Dans le même sens, la philosophie du langage s’affirme peu à peu, avec des questions telles que « comment nous exprimons-nous ? » et « quels impacts ces expressions ont-elles ? ». Autrement dit, la philosophie du langage poursuit la réflexion sur les cadres de pensée et d’expression, leur détermination et leur procès d’émancipation, en écho au projet d’une amélioration sociétale[21].
Notons que l’engagement social prend une forme précise, c’est-à-dire l’intervention des jeunes professeurs d’université (et de cégep) quant à l’enseignement de la philosophie au collégial. Cette tendance est forte à la Société de philosophie du Québec, à Philosophiques et dans le Bulletin de la SPQ. Ce type d’intervention se comprend à l’aune de la conviction que la philosophie et l’éducation sont des matrices essentielles pour le développement de l’esprit critique, d’où l’intérêt de leur qualité dans le système public d’éducation. Les principes du dialogue et du débat sont présents dès les débuts de la revue, et on remarque un modèle de « proto-disputatio » à partir de 1976. L’idée générale peut se résumer ainsi : il faut encourager la polémique entre nous pour vivifier notre communauté, et ainsi augmenter son potentiel critique et d’intervention. Le riche dossier du vol. 3, no 1 (La philosophie institutionnelle : critique et/ou idéologie ?) est caractéristique de cette approche qui comprend : 1) une autoréflexion de la communauté philosophique québécoise sur ses pratiques, y compris les conditions de ses pratiques, 2) une volonté de dialogue et de débat, dans une perspective critique, et 3) une volonté que ces éléments servent de levier à une intervention sociale.
Une revue pour la communauté philosophique du Québec (1980-1991)
Après des problèmes financiers au début des années 1980[22], la situation et la direction de la revue se stabilisent, sous la conduite de deux directeurs effectuant chacun deux mandats consécutifs : Maurice Gagnon (1980-1985) et Claude Savary (1986-1991). La revue continue de jouer son rôle de revue scientifique et de lieu d’échange/d’intervention pour la communauté philosophique, quoique le premier volet prenne de plus en plus de place au cours de la décennie. Le Bulletin de la SPQ devient le lieu prioritaire d’information et de débat pour la communauté philosophique du Québec. Le (nouveau) caractère scientifique de la revue est visible notamment avec la publication des actes du Colloque sur la science de Trois-Rivières (tout le vol. 7, no 2, octobre 1980) et avec l’apparition des sections « Comptes-rendus » et « Livres reçus » (vol. 8, no 1, avril 1981). Les comptes-rendus prendront de plus en plus de place dans la revue au fil des années. Une première refonte esthétique témoigne de la volonté de modernisation et de « scientifisation » de la publication avec le numéro 1 du vol. 11 (avril 1984).
Au niveau des thèmes, l’évolution la plus notable (en philosophie politique) est le ressac des articles marxistes ou sur le marxisme au profit de textes ayant une thématique féministe. Les autres catégories restent plutôt stables (philosophie de l’esprit, philosophie québécoise), avec une lente ascension de la philosophie analytique. Un thème qui fait un léger retour est la philosophie ancienne, qui avait été très populaire avant la Révolution tranquille. Par contre, plutôt que la philosophie latine (prisée par les enseignants catholiques), c’est la philosophie grecque qui se taille lentement une place, une prépondérance qui se perpétue jusqu’à nos jours (il n’est qu’à penser à l’expertise québécoise concernant Xénophon ou Plotin). À partir du milieu des années 1980, on constate que le marxisme ne sert plus de base pour résoudre des problèmes[23], mais qu’il est soit critiqué, soit analysé dans une perspective philologique ou marxologique. Ce changement d’approche est visible avec la parution du dossier « Le marxisme cent ans après Marx » (vol. 10, no 2, octobre 1983). À moyen terme, le marxisme disparaît presque complètement des études philosophiques au Québec, comme dans la plupart des disciplines où il occupait une place de choix (économie, sociologie, sciences politiques)[24].
En contrepartie, de nouvelles thématiques et approches épistémologiques s’élaborent autour des « enjeux spécifiques » et du postmodernisme. À ce sujet, c’est encore le paradigme français qui domine, avec l’influence d’auteurs tels que Jacques Derrida, Jean-François Lyotard et, surtout, Michel Foucault. Deux numéros thématiques exposent ce tournant. D’abord, le dossier sur le féminisme (vol. 12, no 1, printemps 1985) adopte une posture moins structurelle pour se concentrer sur les points de vue des femmes elles-mêmes, avec une attention particulière pour la psychanalyse. Ensuite, un « mini-dossier » sur Michel Foucault (vol. 14, no 1, printemps 1987) aborde l’oeuvre de ce philosophe dans une perspective épistémologique (mort de l’archiviste, le sujet du souci), et avec une attention particulière aux enjeux du « fractionnement » du pouvoir et de la sexualité. Parallèlement, un élément important du déplacement de la focale de la France vers les États-Unis se produit en 1987 : c’est la traduction en français du maître-ouvrage de John Rawls, Theory of Justice. Évidemment, les philosophes québécois pouvaient lire le texte en langue originale, mais cette traduction témoigne de l’intérêt général pour Rawls, qui se reflète aussi dans l’étude et l’enseignement de son oeuvre jusqu’à nos jours.
En somme, les années 1980 sont celles du dépérissement du marxisme, de la scientifisation et de l’affirmation d’enjeux sociaux (le féminisme, les droits des minorités) ainsi que de nouvelles approches (postmodernisme, philosophie analytique)[25]. On voit aussi un déclin des interventions sociales vers la fin de la période. Plus largement, on peut dire avec Jean-Claude Simard que la philosophie québécoise des années 1970 (et jusqu’au milieu des années 1980) est informée par quatre champs : « le marxisme et les divers radicalismes sociopolitiques, le structuralisme et les philosophies qu’il draine dans son sillage, le féminisme, et enfin, les recherches en histoire de la philosophie québécoise »[26], qu’on retrouve effectivement dans Philosophiques. Cette réalité commence à changer au milieu des années 1980 et sera dépassée dans les années 1990.
L’affirmation scientifique (1992-1998)
Si les années 1970 et 1980 sont marquées par une forte politisation des textes dans Philosophiques, on ne peut manquer de voir qu’un tournant s’opère au début des années 1990, qui emboîte le pas à ce que Klibansky décrivait comme une graduelle dépolitisation de la philosophie au Québec. Ce mouvement trouve sa conclusion dans la réforme Robillard des cégeps (1993) qui abolit un des quatre cours obligatoires de philosophie et recentre la formation sur l’approche critique, la méthodologie et la rédaction de textes argumentatifs[27]. Ce changement reflète un mouvement institutionnel généralisé de professionnalisation, lequel est marqué — comme dans beaucoup d’autres disciplines des sciences sociales et des humanités — par un modelage des pratiques universitaires sur celles des sciences de la nature.
Cela dit, la philosophie politique ne disparaît pas de la revue[28] : c’est plutôt l’engagement politique de la revue qui s’estompe ou, si l’on veut, son caractère militant, sa vocation à servir de catalyseur pour la formation d’une communauté philosophique d’expression française. Anecdotiquement, au cours des années 1990, la revue subit deux refontes esthétiques, dont la dernière conduit la revue à son état actuel. Ces deux refontes du « costume » correspondent à un repositionnement de la publication qui l’entraîne à se concentrer sur un seul de ses mandats d’origine : celui de constituer un lieu éditorial permettant aux chercheurs francophones de prolonger leur travail d’enseignement, mais aussi un outil de rayonnement de la recherche en français. Cette période voit de plus une lente (ré)ouverture aux collaborations étrangères qui s’affirmeront dans le nouveau millénaire.
Au printemps 1992, la revue se dote d’un comité scientifique international, ce qui lui permet de se donner une légitimité en tant que revue de philosophie généraliste à caractère scientifique et de se lier à un réseau de personnes qui, par leur connaissance de la revue, peuvent la relayer vers un public élargi. On voit se régulariser la pratique de faire entrer dans la section « Études critiques » des travaux portant sur des livres qui ne sont pas d’auteurs ou d’autrices du Canada, ni même francophones. Enfin, la revue adopte — quoique de manière irrégulière — la formule d’un numéro thématique par année, généralement sous la gouverne d’un directeur ou d’une directrice externe au comité de rédaction. Cette pratique permet d’inviter des contributrices et contributeurs associés aux réseaux des responsables de dossier, accroissant encore la visibilité de la revue. Grâce à ces dossiers, Philosophiques décuple son bassin d’auteurs et d’autrices, ce qui dissipe l’impression que la revue est uniquement la voix d’une communauté québécoise d’enseignants et d’enseignantes, quelque peu fermée.
La revue entre, à partir de ce moment, dans une nouvelle phase. Elle a d’abord servi d’instrument à une communauté désirant fixer son identité ; dorénavant, elle semble s’extirper de ce « stade du miroir ». La revue ne sert plus seulement aux philosophes québécois désirant présenter leurs recherches aux collègues, mais devient un instrument de diffusion permettant de se positionner sur la scène internationale. Jusqu’à un certain point, Philosophiques atteint, dans le monde francophone, un statut comparable à la Revue de métaphysique et de morale ou aux Archives de philosophie, en s’imposant comme une publication de haut niveau. Si elle fait entrer la recherche québécoise sur la scène mondiale, elle permet aussi de ramener la recherche internationale au sein d’une communauté québécoise en ébullition. Ce phénomène répond à deux transformations qui affectent la recherche philosophique au tournant du xxie siècle.
La première concerne la réorganisation des filiations philosophiques qui touche la francophonie canadienne de manière frappante. Raymond Klibansky note une perte d’ascendance de la France sur la province du fait de l’engouement pour la philosophie allemande — de Kant à l’École de Francfort en passant par la phénoménologie et l’herméneutique — ainsi que pour les mouvements anglo-saxons (philosophie analytique et philosophie politique). À ce sujet, on constate un intérêt marqué pour les approches appliquées et pour le libéralisme. Cette diversification des horizons de recherche rend plus difficile le maintien d’un dialogue au sein de la communauté québécoise, sans compter les querelles parfois virulentes entre la philosophie analytique et la philosophie continentale. Les chercheurs développent leurs propres réseaux transversaux et mondialisés, permettant d’accroître leur niveau de spécialisation et la portée de leurs recherches.
Une seconde transformation affecte le développement de la revue et sa version numérique : l’apparition d’outils de recherche de plus en plus spécialisés qui favorisent un usage nouveau des publications. La puissance et le raffinement des systèmes d’indexation et de dépouillement bibliographique entraînent une utilisation ciblée des articles, permettant aux chercheurs de puiser des références dans des dizaines de revues sans les lire d’un couvert à l’autre. Dans ce contexte, l’abonnement individuel à une publication apparaît moins séduisant ; on préfère laisser les bibliothèques universitaires payer pour un grand nombre de périodiques dans lesquels on ira piger seulement les textes qui nous intéressent. Ce changement implique une baisse du tirage de la revue, alors qu’elle est de plus en plus consultée en ligne. Cette transformation affecte « l’esprit de corps » qui existait au sein de la revue dans les années 1970 et 1980, peu à peu remplacé par un florilège de textes certes excellents, mais moins interconnectés.
La vocation de Philosophiques, au moment où elle atteint ses vingt années d’existence (1994), est présentée ainsi par Josiane Boulad-Ayoub (UQAM) qui la dirige alors : « Les pages qui suivent représentent, de façon privilégiée, la vitalité remarquable de la communauté philosophique d’expression française au Canada depuis quatre lustres, son activité intellectuelle comme les mouvements et les débats qui l’animent. En résonance avec sa culture propre et ses enjeux symboliques ou sociaux, sa voix, de manière distinctive, s’harmonise avec le concert de la communauté scientifique universelle. Voici ce que nous révèlent ces quarante sommaires de l’organe officiel de la Société de philosophie du Québec »[29]. L’harmonisation avec les standards scientifiques internationaux et le travail avec la communauté mondiale figurent désormais au faîte des priorités des artisans de la publication[30].
Prendre sa place dans le monde francophone (1998-2010)
À la fin des années 1990, le virage « professionnalisant » de la revue est globalement achevé. Avec le passage de Daniel Laurier (Université de Montréal) à la direction de la revue, cette dernière acquiert la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, à la fois sur le plan matériel et sur celui de ses contenus. La section « Interventions » est supprimée (dernière présence dans le numéro 2 du vol. 22), qui fournissait un espace pour les expérimentations. Il faut dire que les textes qu’on y trouve ne correspondent pas aux normes universitaires d’une revue ayant pour objectif une reconnaissance scientifique internationale. De plus, la section est devenue, depuis un certain temps, passablement erratique. Elle abrite tantôt des essais[31], tantôt des espèces de notes de recherche[32], tantôt des pièces de circonstances[33], mais présente de moins en moins des interventions sociales ou des prises de position philosophiques orientées sur l’actualité.
Autre changement notable : la revue, jusqu’alors publiée par la maison d’édition Bellarmin, passe aux Presses de l’Université de Montréal (PUM) en 1999. C’est l’occasion d’opérer sa plus récente refonte esthétique, avec l’adoption de l’allure sobre qu’on lui connaît. C’est aussi le moment d’ajouter une version électronique qui rend disponible la totalité des articles passés et présents en libre accès. La revue est désormais un instrument de recherche adapté aux méthodes de travail du xxie siècle. C’est dans cet état que Denis Fisette (UQAM) reçoit la revue en 2003. À partir de ce moment, les directions qui s’enchaînent oeuvrent principalement au maintien du statut de la revue, quoiqu’avec des thèmes faisant écho aux intérêts respectifs de chacun. On note la création de la section « Disputatio » (vol. 30, no 2, automne 2005) qui illustre le positionnement international de la revue. En effet, la plupart du temps, c’est un livre signé par une personne travaillant dans une institution québécoise qui est « disputé » par des interlocuteurs tant canadiens qu’internationaux.
Dans le numéro spécial réalisé pour son trentième anniversaire, Philosophiques offre un index par ordre alphabétique de tous les auteurs d’articles publiés dans ses pages, présentant la revue comme un corpus de travaux exigeant des outils qui permettent d’y circuler. Ce choix est confirmé par la numérisation de tous les numéros antérieurs[34], travail pour lequel nous sommes redevables à ceux qui l’ont réalisé et qui sert de base pour des travaux sur la philosophie québécoise, comme ceux réalisés par Francis Lareau, Jean-Guy Meunier et Jean-Claude Simard pour le dossier sur la philosophie québécoise (automne 2022), ainsi que pour l’article qu’ils présentent dans les pages de ce numéro et les annexes qu’ils nous ont fournies[35].
Spécialisation et nouveaux enjeux sociaux (2011-aujourd’hui)
Philosophiques a, depuis cette période, les allures d’une revue académique de haut niveau, dont la réputation internationale fait foi. La revue est régulièrement sollicitée pour des dossiers thématiques, des études critiques et des disputatios par des collaborateurs de l’étranger, ce dont témoigne la proportion d’articles publiés par des chercheurs non canadiens. Les rapports annuels présentés depuis 2017 montrent que ce taux est stable autour de 50 %. Le passage au numérique a certainement joué un rôle considérable en ce sens. Les données fournies par la plateforme Érudit sur le lectorat, recueillies en 2018 lors de la dernière demande de subvention de la revue, montrent que la majorité de ses lecteurs provient, dans l’ordre, des États-Unis, de la France et du Canada. S’il est vrai que la revue s’impose dans la recherche universitaire en français, cela ne signifie pas qu’elle ait cessé d’évoluer. Il va de soi, pourrait-on dire, que les personnes qui forment le comité de rédaction de la revue, du seul fait qu’elles ont des intérêts et des réseaux propres, teintent le contenu de la revue. De plus, Philosophiques évolue en concomitance des transformations de la discipline, du point de vue des méthodes, des objets et des structures institutionnelles.
L’une des marques laissées par Christian Nadeau (Université de Montréal), directeur de 2011 à 2020 (le plus long mandat à ce poste de l’histoire de Philosophiques), est d’avoir placé la revue à l’avant-garde des nouveaux enjeux disciplinaires, notamment féministes et décoloniaux. Cela se voit, au-delà de la présence individuelle d’articles, par l’entremise des dossiers consacrés respectivement aux « Nouveaux horizons du féminisme dans la philosophie francophone » (vol. 44, no 2, automne 2017) et aux « Routes, détours et relecture postcoloniale de la philosophie africaine » (vol. 46, no 2, automne 2019). Cette audace montre la confiance acquise dans la capacité de la revue à devenir un agent des transformations qui affectent la discipline, notamment en ce qui a trait aux enjeux sociaux et épistémologiques. La revue est maintenant reconnue comme un lieu d’accueil pour les recherches qui s’orientent dans des directions novatrices.
Pourtant, cela ne signifie pas que la revue se donne une position éditoriale spécifique ou qu’elle opte pour la défense d’une philosophie particulière. Sa vocation généraliste se maintient, mais Philosophiques s’ouvre et contribue aux recherches adoptant des approches audacieuses, en philosophie politique sous la gouverne de Christian Nadeau, et certainement sur d’autres sujets dans les années à venir. La structure d’évaluation par les pairs en double-aveugle sous la supervision d’un comité de rédaction pluraliste maintient la neutralité axiologique de la revue, pour associer audace et rigueur dans le travail. C’est de cette manière que la revue renoue, d’une certaine manière, avec sa double tâche d’origine. La recherche doit aussi se faire dans une perspective sociale, sans compromis pour la rigueur, mais sans délaisser non plus l’engagement théorique et une certaine hardiesse.
Pour ne pas conclure
Philosophiques a un riche passé et, nous en sommes convaincus, un avenir prometteur. D’une revue destinée à la communauté canadienne francophone, puis plus spécifiquement québécoise, l’approche est (re)devenue internationale. Après une période d’engagement social et politique, une insistance sur la rigueur a donné un nouveau statut à la publication. Une consolidation sur deux décennies (années 1990-2010) a permis d’établir la réputation de Philosophiques et d’attirer des travaux remarquables de toute la francophonie, puis de positionner la revue comme un acteur novateur de la discipline dans les années 2010. Cela dit, deux points peuvent être soulignés pour conclure, qui concernent l’histoire des idées et l’avenir de la revue.
D’abord, il semble que les premières synthèses sur les années 1970 ont associé excessivement les travaux marxistes au « dogmatisme » et à « l’endoctrinement », voire à une nouvelle religion[36]. Avec le recul, nous pourrions revisiter ce corpus, notamment celui portant sur l’idéologie et les superstructures, en lui-même et sans le disqualifier a priori en raison de son inscription politique. C’est ainsi que les travaux de Gilles Bourque, Gilles Dostaler ou encore Anne Légaré sont remobilisés dans d’autres disciplines. Un travail de réflexion sur la philosophie marxiste québécoise semble donc souhaitable, de manière critique, mais sans malveillance. Ensuite, la revue Philosophiques gagnerait peut-être à se réouvrir aux enjeux sociaux québécois, sans abandonner sa rigueur scientifique. Elle pourrait, d’un côté, solliciter des textes qui répondent à des enjeux (épistémologiques, pédagogiques, sociaux ou politiques) plus locaux et, d’un autre côté, réintroduire une section liée aux débats sociaux, un peu comme les « Interventions » d’antan. L’équilibre reste à trouver entre le caractère scientifique de la revue — et les avantages qui en découlent — et le travail « d’utilité sociale » que doit réaliser toute institution philosophique, si elle croit le moindrement à l’importance de la Cité. À nous, membres du comité de rédaction de la revue, et à l’ensemble de la communauté philosophique québécoise, de faire preuve d’audace. Fortes fortuna juvat !
Parties annexes
Notes
-
[1]
Le comité de rédaction est actuellement formé de Mitia Rioux-Beaulne (directeur), Marie-Hélène Desmeules (directrice adjointe), Laëtitia Monteils-Laeng (responsable des communications), Anne-Marie Boisvert et Thibault Tranchant (coresponsables des recensions et études critiques), ainsi que d’Alexis Lafleur-Paiement (assistant du directeur).
-
[2]
Josiane Boulad-Ayoub et Raymond Klibansky (dir.), La pensée philosophique d’expression française au Canada. Le rayonnement du Québec (Québec : Presses de l’Université Laval), 1998. Nous précisons « sous forme écrite », puisque Christian Nadeau, alors directeur de Philosophiques, avait organisé des États généraux de la philosophie au Québec en 2013, une activité qui avait permis de faire le point sur plusieurs enjeux concernant l’état de la discipline. D’autres travaux, moins synthétiques, ont aussi été publiés depuis 1998, notamment un dossier dans Philosophiques (vol. 49, no 2, 2022) intitulé « Philosophie québécoise. Histoire et humanités numériques », dont plusieurs contributeurs reviennent dans ce numéro.
-
[3]
Yvan Lamonde, La philosophie et son enseignement au Québec (1665-1920) (Montréal : HMH), 1980. L’expression est en fait le titre du dernier chapitre du livre.
-
[4]
Yvan Lamonde, La philosophie et son enseignement au Québec (1665-1920), p. 244.
-
[5]
Raymond Klibansky, « Introduction », dans Boulad-Ayoub et Klibansky (dir.), La pensée philosophique d’expression française au Canada, p. 8 et ss.
-
[6]
Conseil supérieur de l’éducation, Les collèges après 50 ans : regard historique et perspectives (Québec, gouvernement du Québec), 2019 : https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2019/05/50-0510-AV-colleges-apres-50-ans.pdf (consulté le 30 mai 2024).
-
[7]
Ces attitudes sont largement déterminées par le contexte social et culturel. Voir Paul-André Linteau et coll., Histoire du Québec contemporain, vol. 2 (Montréal, Boréal), 1989, p. 659-672.
-
[8]
Sur les réseaux d’idées au Québec dans les années 1960 et les courants qui les informent, voir Georges Vincenthier, Histoire des idées au Québec (Montréal, VLB), p. 227-343.
-
[9]
Yvon Lafrance, « Présentation », Philosophiques 1, no 1 (1974), p. 3.
-
[10]
Jean Langlois, « Liminaire », Dialogue 1, no 1 (1962), p. 3.
-
[11]
http://www.canadianjournalofphilosophy.com/ (consulté le 30 mai 2024).
-
[12]
Lafrance, « Présentation », p. 3.
-
[13]
Ces deux sections, « Bulletin » et « Chroniques », seront à terme prises en charge par le Bulletin de la Société de philosophie du Québec, suivant une division des tâches entre la recherche (Philosophiques) et la vie associative (Bulletin de la Société).
-
[14]
Lafrance, « Présentation », p. 5.
-
[15]
Stephen Brooks et Alain-G. Gagnon, Les spécialistes des sciences sociales et la politique au Canada. Entre l’ordre des clercs et l’avant-garde (Montréal : Boréal), 1994.
-
[16]
C’est précisément ce qu’ont montré récemment Martin Pâquet et Stéphane Savard, Brève histoire de la Révolution tranquille (Montréal : Boréal), 2023.
-
[17]
Jean-Claude Simard, « La philosophie française des xixe et xxe siècles », dans Boulad-Ayoub et Klibansky (dir.), La pensée philosophique d’expression française au Canada, p. 49.
-
[18]
Bulletin de la Société de philosophie du Québec 2, no 2 (février 1976), p. 22.
-
[19]
La formalisation des liens entre la SPQ et Philosophiques est décidée à la suite de la demande du Conseil des Arts du Canada en 1975, qui subventionne la revue. Voir le Bulletin de la Société de philosophie du Québec 1, no 2 (janvier 1975), p. 18.
-
[20]
Nous entendons par « philosophie québécoise » le travail intellectuel portant sur des problématiques historiques, politiques, sociales ou institutionnelles propres au Québec, en général réalisé par des chercheurs affiliés à des institutions du Québec. Une certaine historiographie québécoise emploie aussi cette expression pour désigner l’ensemble de la production philosophique réalisée dans les institutions de recherche du Québec. Dans la revue Philosophiques, on trouve des occurrences de ces deux usages.
-
[21]
Le lien entre les réflexions sur le langage populaire au Québec, que plusieurs défendent comme une caractéristique culturelle propre, voire un outil de l’émancipation du peuple québécois (notamment au sein des Éditions Parti pris), et le fort intérêt pour la philosophie du langage, mériterait d’être exploré, ce qui n’a jamais été fait à notre connaissance.
-
[22]
Bulletin de la Société de philosophie du Québec 6, no 3 (septembre 1980), p. 52 et ss.
-
[23]
Comme c’était le cas, par exemple, chez André Vachet, « La dialectique de l’individu et de la collectivité dans la pensée de Marx : remarques pour une esquisse d’une théorie marxiste des fondements des droits et des libertés humaines », Philosophiques 2, no 1 (1975), p. 23-53.
-
[24]
Lucille Beaudry, « Le marxisme au Québec. Une hégémonie intellectuelle en mutation (1960-1980) » dans Lucille Beaudry et coll., Un siècle de marxisme (Montréal : Presses de l’Université du Québec), 1990, p. 259-279.
-
[25]
L’attrition des réflexions sociales au profit de thématiques plus individuelles et d’un scientisme qui prétend à la dépolitisation est caractéristique de l’ère néolibérale qui s’ouvre dans les années 1980. Voir David Harvey, Brève histoire du néolibéralisme (Paris : Éditions Amsterdam), 2024.
-
[26]
Jean-Claude Simard, « La philosophie française », dans Boulad-Ayoub et Klibansky (dir.), La pensée philosophique d’expression française au Canada, p. 75.
-
[27]
L’objectif de la démarche était d’aligner l’offre de formation sur les besoins du marché. Voir Pierre Avignon, « Un demi-siècle de réformes », À Bâbord !, no 69 (avril-mai 2017). En ligne : https://www.ababord.org/Un-demi-siecle-de-reformes (consulté le 30 mai 2024).
-
[28]
À ce titre, on pourra consulter l’annexe 3 de l’article de Lareau et al. qui montre que la philosophie politique a maintenu une forte présence dans les pages de Philosophiques depuis sa fondation.
-
[29]
Josiane Boulad-Ayoub, « Philosophiques a vingt ans ! », Philosophiques 21, no 1 (1994), p. 296.
-
[30]
Ce mouvement n’est pas propre à la philosophie ni à la francophonie canadiennes. Pierre-Luc Beauchamp et Yves Gingras notent ainsi qu’« au début du xxie siècle, plus de la moitié de toutes les publications scientifiques canadiennes sont en effet écrites en collaboration internationale ». Voir Pierre-Luc Beauchamp et Yves Gingras, « Brève histoire des institutions scientifiques au Canada », Salons. En ligne : https://salons.erudit.org/2017/06/01/breve-histoire-des- institutions-scientifiques-au-canada/index.html (consulté le 30 mai 2024).
-
[31]
John O’Neal, « Le continuum corps-esprit dans l’économie de notre être selon Bonnet », Philosophiques 19, no 1 (1992), p. 87-111.
-
[32]
Dominique Lecourt, « Les nouvelles philosophies de la nature », Philosophiques 20, no 1 (1993), p. 159-176.
-
[33]
François Duchesneau, « Discours prononcé à l’occasion de la remise du Prix André Laurendeau 1992 », Philosophiques 21, no 1 (1994), p. 191-195.
-
[34]
Denis Fisette, « Mot de la rédaction », Philosophiques 31, no 2 (2004), p. 293.
-
[35]
« Philosophie québécoise. Histoire et humanités numériques », Philosophiques 49, no 2 (2022), p. 347-431. Christophe Malaterre fait également partie de l’équipe qui a travaillé à l’article dans le présent volume.
-
[36]
Jean-Claude Simard, « La philosophie française », dans Boulad-Ayoub et Klibansky (dir.), La pensée philosophique d’expression française au Canada, p. 78.