Comptes rendus

Ghyslain Bolduc, Préformation et épigenèse en développement. Naissance de l’embryologie expérimentale, Montréal : Presses de l’Université de Montréal/Vrin, 2021, 392 pages[Notice]

  • Emmanuel d’Hombres

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  • Emmanuel d’Hombres
    Université Catholique de Lyon

Cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2017, traite de l’histoire des débuts de l’embryologie expérimentale dans la seconde moitié du xixe siècle. Cette histoire eut pour acteur principal Wilhelm Roux, dont les Entwicklungsmechanik der Organismen, parus en 1890, constituent un moment décisif dans la fondation de cette discipline. Le volume est composé de trois parties, de longueur inégale, pivotant autour de la figure axiale de Roux. La première est consacrée aux morphologistes germanophones de la génération précédente qui exercèrent une influence déterminante sur le jeune Roux et contribuèrent de façon décisive à sa formation épistémologique, aussi bien que théorique et philosophique : Rudolph Virchow, Anton Dohrn, Karl Ernst von Baer et surtout Ernst Haeckel, auquel l’auteur consacre un long exposé. La seconde se focalise d’abord sur les figures de Wilhelm His et de Haeckel encore, revisitant la célèbre querelle qui les vit s’opposer autour de la « question des embryons » et qui souligna les différences d’approches irréductibles entre l’Entwickelungsgeschichte haeckelienne et l’Entwicklungsmechanik en voie de constitution. Cette querelle renvoie à la controverse qui opposa, dans les années 1870 et au-delà, Haeckel à Ludwig Rütimeyer, Wilhelm His et Carl Semper notamment, autour des preuves embryologiques et paléontologiques de la loi de la récapitulation. La discussion scientifique portait sur la validité de certaines planches anatomiques dessinées par Haeckel et figurant dans la Natürliche Schöpfungsgeschighte (1868) et l’Anthropogénie (1874), qui suggéraient des homologies de structure systématiques entre embryons et formes fossiles d’espèces différentes. Mais l’enjeu de la polémique était également de nature idéologique et philosophique en ce qu’il s’interrogeait sur le principe même d’une Entwickelungsgeschichte. Bolduc s’attache ensuite à la première partie de la carrière de Roux. Cette époque, qui se conclut au moment de la parution de la Lutte des parties dans l’organisme (1881), fait l’objet d’un large commentaire dans le livre. La troisième partie, la plus longue, revient sur les protagonistes de cette première période de l’histoire de l’embryologie expérimentale composant l’entourage scientifique immédiat de W. Roux et qui, par leurs innovations théoriques (karyokinèse, théorie idioplasmique, isotropie de l’oeuf, théorie mosaïciste) ou méthodologiques (tératologie expérimentale) ont contribué positivement dans les années 1880-1890 à son édification : Carl von Nägeli, August Weismann, Eduard Pflüger, Laurent Chabry, mais aussi Hans Driesch et Oscar Hertwig. Tous ces personnages gravitent en quelque sorte autour de la figure centrale de Wilhelm Roux et de son oeuvre princeps, l’Entwicklungsmechanik, pierre de touche de tout cet édifice et qui en synthétise les principaux aspects. Une question domine la problématique de cet ouvrage, à savoir la nécessaire distinction entre deux problèmes mal démêlés par les historiens et dont la confusion ne laisse pas, selon Ghyslain Bolduc, d’obscurcir aujourd’hui encore les débats historiographiques autour de l’épigenèse et de la préformation : d’une part, le problème de la structure du germe, au regard duquel la préformation doit s’entendre comme une préstructuration, et l’épigenèse comme une épigenèse structurale ; et, d’autre part, le problème de la détermination causale du développement, dont les modalités ont pu être jugées, soit internes (néopréformationnisme), soit externes et multifactorielles (épigenèse causale). L’origine de cette confusion est ancienne et remonte selon Ghyslain Bolduc à Aristote ; elle court tout au long de l’histoire de l’embryologie, même si des savants comme Caspar Friedrich Wolff avaient cherché en leur temps à la dissiper (p. 14-16). Selon l’auteur, Roux se situerait à ce point de passage décisif du premier problème au second, où s’opère la transformation de la problématique de l’épigenèse et de la préformation dans un sens de moins en moins structural et de plus en plus …

Parties annexes