Comptes rendus

Martin Arriola, L’éthique comme manière de vivre. Wittgenstein et Hadot, Paris : Vrin, coll. « La vie morale », 2022, 238 pages[Notice]

  • Nicolas Comtois

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  • Nicolas Comtois
    Université de Montréal

L’ouvrage de Martin Arriola est issu d’une thèse soutenue en 2013 à l’Université de Montréal et à l’École des hautes études en sciences sociales, sous le titre La fonction éthico-thérapeutique du discours philosophique. La contribution de Ludwig Wittgenstein à la lumière du modèle de la vie philosophique de Pierre Hadot. Il se situe notamment dans le sillage des travaux de Stanley Cavell, Cora Diamond et, en langue française, de Sandra Laugier (directrice de la collection « La vie morale ») concernant la dimension « thérapeutique » de l’oeuvre de Ludwig Wittgenstein. L’originalité du livre est d’examiner le Tractatus logico-philosophicus et les Recherches philosophiques (ainsi que les textes entourant ces deux « moments » de l’oeuvre) au prisme de la philosophie comme manière de vivre, telle qu’on peut la trouver dans les textes de l’Antiquité et que l’a mise en lumière Pierre Hadot, lui-même un représentant d’une lecture pratique de la pensée de Wittgenstein (comme l’a révélé le recueil Wittgenstein et les limites du langage, Vrin, 2004). Cet examen a non seulement pour but d’éclairer d’un jour nouveau l’oeuvre de Wittgenstein, mais également, comme l’indique le sous-titre de la thèse de 2013, de déterminer quelle « contribution » peut apporter ce dernier au moment d’appréhender la « fonction éthique » du discours philosophique. L’auteur élabore dès l’introduction de L’éthique comme manière de vivre (p. 17) un « modèle conceptuel » tiré de la pensée de Hadot et qui doit lui permettre de mieux aborder l’oeuvre de Wittgenstein. Cinq éléments lui paraissent essentiels dans la philosophie comme manière de vivre : 1) l’idée que le discours philosophique est subordonné au mode de vie éthique ; 2) la notion de conversion philosophique envisagée comme transformation individuelle ; 3) la visée éthique de la conversion que représente l’idéal de sagesse ; 4) la pratique de l’askêsis envisagée comme méthode de conversion ; 5) le modèle analogique qui serait caractéristique de la thérapeutique philosophique. Seuls les trois premiers éléments seront mobilisés dans l’analyse (p. 18), les deux derniers étant relégués à un travail ultérieur (alors qu’ils étaient mis à profit au quatrième chapitre de la thèse de 2013). Le premier chapitre du livre doit permettre de décrire et d’étayer ce modèle conceptuel. L’auteur désigne le stoïcisme comme étant paradigmatique du mode de vie éthique auquel se rapporte le discours philosophique (p. 23-26), jugeant — cette fois-ci contre Hadot — que la philosophie comme manière de vivre est caractéristique avant tout des périodes hellénistique et romaine, et qu’on ne peut véritablement la retrouver chez les représentants de la philosophie classique. Il accorde ensuite une importance prépondérante, en ce qui concerne la notion de conversion, à l’article de Hadot « Epistrophè et metanoia dans l’histoire de la philosophie » (p. 38-44), où est formulée l’idée que la conversion constitue d’abord un bouleversement (metanoia) et ensuite un retour vers soi (epistrophè). En ce qui concerne la visée éthique de la conversion, l’auteur insiste sur l’idéal de tranquillité de l’âme (ataraxia) qui caractérise la philosophie de l’Antiquité, selon Hadot (p. 44-45). Il dépeint aussi, sommairement, les mouvements de concentration du moi (détachement des passions) et de dilatation du moi (appartenance au tout cosmique) qui se trouvent au coeur de l’exercice spirituel du point de vue de ce dernier. Le deuxième chapitre de l’ouvrage est consacré à l’étude des rapports entre discours et mode de vie dans la philosophie de Wittgenstein. L’auteur insiste sur un mouvement de va-et-vient qui se ferait jour entre ces deux pôles de la philosophie envisagée comme manière de vivre. Le discours, insiste-t-il, « jaillit » du mode de vie et ensuite …

Parties annexes