Comptes rendus

Jean-Luc Gouin, Hegel. De la Logophonie comme chant du signe, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, 339 pages[Notice]

  • Danic Parenteau

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  • Danic Parenteau
    Collège militaire royal de Saint-Jean

Avec Hegel. De la Logophonie comme chant du signe, le chercheur indépendant et essayiste québécois Jean-Luc Gouin nous offre un ouvrage d’une facture très singulière, tant par sa composition, que par son écriture. Si ce livre se veut une introduction générale au système philosophique que nous a laissé G.W.F. Hegel (1770-1831), il est, dans les faits, beaucoup plus que cela. Prenant parfois des allures plus personnelles, fruit d’une « fréquentation soutenue de plus de trente ans de ce phénix du penser (p. XVII) », Gouin nous livre ici une réflexion inspirée et stimulante sur la pensée de ce philosophe allemand qui détonne. Cet essai tranche d’abord par sa composition. Organisé en sept chapitres, il rassemble des textes déjà publiés ailleurs dans différentes revues savantes pour la plupart bien connues (Hegel-Studien, Revue philosophique de Louvain, Philosophiques, etc.). S’ajoute à cela un bref échange épistolaire peu concluant avec le philosophe français Michel Onfray, un essai à portée ésotérique (dans le sens traditionnel et non péjoratif du terme, soit qui est réservé aux seuls initiés) d’inspiration librement hégélienne (chapitre 4 « Raison océane sur fond de (l’Impen) sable »), une bibliographie d’initiation à l’oeuvre de Hegel, de même que des « scolies » dédiées aux pensées de Marx et de Merleau-Ponty. Dans le cas de ces dernières, pour intéressantes qu’elles soient, leur pertinence dans un essai consacré à Hegel semble ici discutable. Certaines parties, notamment le chapitre 5 (« Sous la coupe des coups et la loupe des loups »), se présentent comme une véritable défense de la pensée de maître contre ses très nombreux détracteurs au cours des deux derniers siècles. Bien menée, cette défense omet toutefois de s’intéresser à certains grands penseurs de la tradition philosophique occidentale qui ne se sont pas seulement limités à formuler des critiques circonscrites à l’égard de telle ou telle partie de la pensée de Hegel, mais qui se sont attaqués de front au système hégélien lui-même dans un effort en vue de le « dépasser ». Pensons ici à Kierkegaard ou Heidegger par exemple. Par-delà la composition, l’écriture elle-même de cet essai détonne. Gouin déploie une écriture très travaillée, puisant à même une très vaste érudition, et dictée par une visée qui semble autant heuristique qu’esthétique. Cela nous donne un texte très dense, d’une lecture exigeante. Cette écriture et l’approche qui la porte nous éloignent du flegme des études notamment anglo-saxonnes sur la pensée de Hegel, dont la prétention à l’hégémonie sur le sujet est critiquée en préliminaire par l’auteur (p. XVI). En soutien à ses propos, Gouin n’hésite ainsi pas à mobiliser dans son écriture de manière pêle-mêle des figures philosophiques bien connues et de grands commentateurs de l’oeuvre du penseur berlinois (tels les Heinrich Heine, Frank Rosenzweig ou Bernard Bourgeois par exemple), mais aussi des autorités musicales, notamment de la francophonie (Gilles Vigneault, qui trouve une place privilégiée ici, à côté de Jacques Brel, Robert Charlebois et bien d’autres), de même que des écrivains (Ernst Bloch, Cioran ou Voltaire par exemple). Certaines notes se composent d’une enfilade étourdissante de références littéraires, musicales ou poétiques (exemple de la note 21, p. 132-133), si bien que le lecteur vient à perdre de vue le propos initial. Cela offre un tableau aux couleurs bigarrées, qui, en maints endroits, plutôt que de venir éclairer la pensée de Hegel, donne malheureusement plutôt l’impression d’ajouter une couche d’opacité sur cette pensée déjà complexe et souvent décriée comme peu accessible. Au surplus, on ne peut manquer de souligner que l’ensemble du texte prend appui sur un appareil de notes d’une extrême lourdeur. Chaque paragraphe, ou …