Disputatio

Quelques enjeux de mise en oeuvre de l’éducation au pluralismeÀ propos de Différence et liberté de Georges Leroux[Notice]

  • Luc Bégin

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L’ouvrage de G. Leroux expose de façon remarquable les enjeux de l’éducation au pluralisme. Le Québec a choisi, il y a plus de dix ans, de franchir le dernier pas de la déconfessionnalisation. Le législateur québécois a également fait le pari d’aller plus loin et de chercher à répondre aux défis du pluralisme de la société québécoise en créant le programme Éthique et culture religieuse (ÉCR). Ce projet était — et demeure toujours — audacieux. Comme le soulignait déjà G. Leroux en 2007, Pour cela, le programme ÉCR devait se donner pour tâche d’aménager des conditions permettant de construire un vivre-ensemble qui vaille pour la société québécoise. D’où les finalités d’ÉCR : la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun. Avec comme visée fondamentale de « favoriser la construction d’une véritable culture publique commune, c’est-à-dire le partage de repères fondamentaux qui sous-tendent la vie publique au Québec » (MESS, 2012, p. 280). Or comment construire cette culture publique commune dans une société pluraliste comme la nôtre ? Comment penser l’éducation au pluralisme afin d’atteindre cette visée fondamentale ? G. Leroux y insiste : « [l]e passage à une situation de sécularisation assumée est un passage critique » (Leroux, 2016, p. 98). On ne saurait le prendre à la légère. Le livre de G. Leroux se lit comme une proposition éclairant ce passage. À travers sa lecture d’ÉCR, des débats qu’il a suscités et des enjeux tant théoriques que pratiques soulevés par ce programme, G. Leroux nous propose un ouvrage de philosophie publique engagé et lumineux. Je partage très largement les constats et les analyses qu’il nous propose. La posture que j’adopte est moins celle d’une analyse critique de son ouvrage que d’une invitation à une conversation sur quelques questions ayant trait au défi que représente la mise en oeuvre de ce programme pour lequel l’approche retenue, selon les termes mêmes de G. Leroux, est complexe. La mise en oeuvre d’un programme et l’atteinte raisonnable de ses finalités impliquent qu’au moins deux conditions soient remplies : que son sens soit bien compris et que ceux et celles devant contribuer à sa réussite acceptent d’y oeuvrer dans le respect des exigences qui lui sont propres. Ces précisions peuvent sembler particulièrement anodines. C’est le cas probablement pour certains programmes dont les orientations et les contenus sont peu controversés. Il en va différemment du programme ÉCR qui, avant même son implantation en 2008, devait essuyer de virulentes attaques et se voyait contesté devant les tribunaux, ce dont fait état le premier chapitre de l’ouvrage de G. Leroux. La controverse entoure le programme ÉCR depuis ses tout débuts. La double tâche d’assumer la sécularisation et de s’engager collectivement dans une véritable éducation au pluralisme est particulièrement exigeante. Il serait évidemment excessif d’imputer à un défaut de compréhension du programme toutes les critiques dont il a fait l’objet, même si vraisemblablement il s’agit là d’une cause au moins partielle de quelques-unes d’entre elles. Certains des obstacles à sa mise en oeuvre relèvent toutefois clairement de failles sur ce plan, et quant au respect des exigences propres à ÉCR. Je discuterai d’abord un exemple de compréhension lacunaire dont les effets — pour l’instant difficiles à mesurer — pourraient affecter sérieusement l’universalité d’ÉCR. Il s’agit du jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans la cause École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général). La lecture qu’en propose G. Leroux (Leroux, 2016, p. 66 et ss.) me paraît trop généreuse à l’endroit de la Cour ; ses implications potentiellement négatives en sont du même coup insuffisamment mises en …

Parties annexes