Disputatio

Précis de Différence et liberté. Enjeux actuels de l’éducation au pluralisme[Notice]

  • Georges Leroux

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Dans les sociétés démocratiques, l’éducation au pluralisme est devenue une responsabilité publique dont tous les systèmes d’éducation découvrent à la fois l’urgence et la complexité. En raison de la croissance de la diversité, sur tous les plans où elle est aujourd’hui observée, les gouvernements se sont attelés à la tâche de mettre en place dans les écoles divers modèles : qu’il s’agisse de l’éducation interculturelle, d’éducation à la citoyenneté, de philosophie pour enfants, tous ces modèles ont en commun le souci de donner aux jeunes les instruments pour accéder dans la vie adulte au débat démocratique et au respect de la diversité. Certaines sociétés, comme la France, disposent de traditions républicaines dont les valeurs constituent les objets privilégiés de l’éducation aux normes démocratiques et elles cherchent à en renouveler la transmission ; d’autres, comme la société américaine, ne possèdent pas de modèle unitaire auquel se référer, et on y observe un processus très diversifié de recherche curriculaire, rendu nécessaire par la variété des situations éducatives. La situation du Québec se caractérise par un processus de déconfessionnalisation du système scolaire beaucoup plus lent qu’ailleurs, qu’on peut décrire comme un délestage progressif de l’enseignement confessionnel et comme l’émergence d’un nouveau modèle fondé sur l’éducation morale. Dans le système à options qui a prévalu dans la phase de transition, nous observons en effet que l’option de l’éducation morale correspondait au choix des parents qui n’étaient pas désireux de donner à leurs enfants une éducation religieuse. Ce choix par défaut ne constituait pas une option universalisable, et on ne doit pas s’étonner qu’il ait été abandonné. En 2005, le gouvernement a en effet mis en place le programme Éthique et culture religieuse, dont les principes avaient été énoncés dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l’école, présidé par Jean-Pierre Proulx. Un des résultats les plus nets de ce rapport était de consacrer l’importance du principe de l’égalité au sein de l’école et de fonder cette égalité sur une transmission respectueuse non seulement de la diversité des croyances et de l’incroyance, mais également de la diversité des conceptions morales de la justice et du bien. C’est à partir de la connaissance de cette diversité que se constitue le pluralisme, qui est indissociablement religieux et moral : le double domaine de l’éthique, conçue comme réflexion sur les principes de l’agir humain, et de la culture religieuse, conçue comme connaissance des systèmes symboliques, apparaît donc comme le résultat de cette longue évolution. Cette décision illustre le projet de ne pas laisser vacante la place du savoir moral et symbolique de la société dans l’éducation. Ces deux champs possédant leur autonomie historique, on aurait pu décider de les sacrifier au profit de savoirs en apparence plus utiles. On aurait pu également ne retenir que l’éthique, dans une forme ou une autre des modèles éducatifs présents aujourd’hui dans les systèmes d’éducation dans le monde. Le gouvernement a pris la décision de les associer de manière ferme, et d’y joindre, dans une perspective résolument démocratique, une éducation à la compétence du dialogue. La formation à l’éthique poursuit une compétence nettement ajustée aux exigences du pluralisme : conduire chaque jeune à une réflexion critique et personnelle sur les grands enjeux moraux de notre temps. Il ne s’agit donc plus d’une éducation morale au sens traditionnel, mais d’une éducation à la compétence de discuter et de juger des principes éthiques qui justifient l’action morale. Par contraste, la compétence de la culture religieuse poursuit une finalité très différente, puisque son objet n’est pas l’accès à des principes mais plutôt à un ensemble de connaissances concernant …

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