Dans son livre Catching Capital : The Ethics of Tax Competition, Peter Dietsch brosse un portrait à la fois pertinent et préoccupant des principaux enjeux liés au droit fiscal international. Là où trop souvent les spécialistes du droit fiscal pourraient s’égarer dans la discussion de technicités, Dietsch propose une approche nouvelle du problème, qui considère tant le droit que l’économie et la philosophie. En ce sens, son livre représente un ajout majeur dans un domaine où l’interdisciplinarité est tout aussi nécessaire que trop souvent absente. Le thème central du livre est celui de la compétition fiscale qui oppose les États à l’échelle internationale. Selon Dietsch, dans le cadre juridique actuel, cette compétition a des effets nocifs, car elle limite la « souveraineté » des États en restreignant les choix de politiques fiscales qui s’offrent à eux. La souveraineté fiscale implique que ceux-ci soient autonomes dans la réalisation de leurs choix fiscaux. Cependant, en devenant acteurs d’une économie globalisée, les États cèdent systématiquement cette autonomie, ce qui suggère que la souveraineté fiscale n’est pas l’enjeu principal de la compétition fiscale. Aux fins de cette contribution, nous assumerons donc que la compétition fiscale entrave l’exercice souverain des États. En effet, ceux-ci sont contraints de modifier leur politique fiscale pour essayer de garder leur économie compétitive. Si un État n’opère pas les ajustements requis, il risque de perdre les revenus qu’il aurait pu tirer, par exemple, d’une croissance économique alors réduite par une diminution des investissements. Catching Capital : The Ethics of Tax Competition est une tentative de réponse au problème de la compétition fiscale qui, bien qu’elle demeure imparfaite, a le mérite de présenter une solution détaillée et structurée. Dans cet article, nous nous concentrerons sur un aspect précis de la proposition de Dietsch, soit le « principe d’appartenance ». Le principe d’appartenance établit que toute personne peut être assujettie à l’impôt d’un État si elle en est membre. La logique découlant de ce principe est qu’un État ne peut assujettir une personne qui n’en est pas membre. Pour la personne, cela veut dire que seul l’État dont elle est membre peut la contraindre à payer l’impôt. Néanmoins, ce principe ne se limite pas à établir une relation entre un État et ses contribuables ; il a aussi pour but de régir les conflits entre États. Si une personne est membre de plus d’un État, alors chacun aura le droit de la taxer, d’où résultera le problème de la double taxation, alors que l’État dont cette personne n’est pas membre ne pourra le faire. De façon générale, le principe d’appartenance vise donc à catégoriser les contribuables en les attribuant aux États dont ils sont membres. Quoique semblant aller de soi, le principe d’appartenance pourrait avoir de grandes répercussions en droit fiscal international, tout dépendant de la définition donnée à la qualité de « membre ». Selon Dietsch, est membre d’un État toute personne, physique ou morale, qui « bénéficie des services publics et des infrastructures » fournis par celui-ci. Cependant, il soutient que cette définition de l’appartenance est conforme aux concepts déjà existants en droit fiscal international de résidence et de source. Le principe de résidence établit qu’un État peut taxer toute personne qui est juridiquement identifiée comme résidente, tandis que le principe de source reconnaît comme contribuable toute personne générant un revenu à l’intérieur de cet État. Bien que séduisant théoriquement, étant donné leur catégorisation claire du revenu et du contribuable, chacun des principes devient difficilement applicable dans les faits. La complexité pratique des notions de revenu et de contribuable empêche en effet une application claire de ces principes, ce …
À qui le droit de taxer ? Être membre d’un État et les enjeux fiscaux qui en découlent[Notice]
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Allison Christians
H. Heward Stikeman, Chair in Taxation, McGill University Faculty of LawNicolas Benoît-Guay
B.C.L./LL.B., McGill University 2015
LL.M. McGill University, expected 2016