John Hyman relève haut la main le défi de construire une véritable philosophie de l’action, en quatre volets. Les volets physique (chapitres I, II et III), éthique (I et IV), psychologique (V et VI) et intellectuel (VI, VII et VIII) de l’action reçoivent un traitement indépendant, que nous résumerons. Cela dit, les deux contributions principales de Action, Knowledge and Will relèvent de liens entre les différentes dimensions de l’action. Il s’agit d’une distinction et d’une connexion. Premièrement, Hyman croit qu’il faut distinguer la dimension éthique et la dimension physique de l’action. Plus précisément, il pense que le concept de volonté (voluntariness) et le concept de volontaire doivent être différenciés du concept d’action ou de celui d’agencité, et d’actif. D’un côté, il y a des « passivités » qui sont volontaires, comme lorsque quelqu’un décide de lui-même de ne pas voter. D’un autre côté, il y a des actions qui ne sont pas volontaires, comme quand une personne décide, après réflexion, de tendre son portefeuille à un criminel qui la menace. C’est qu’une action volontaire est une action qui n’est pas le résultat de la compulsion ou de l’ignorance, alors que ce qui est actif renvoie à l’exercice du pouvoir de créer du changement. Cette thèse, pourtant si naturelle, s’oppose à celles de Reid, Raz, Ryle, Anscombe, Wittgenstein, Davidson, et un éventail de philosophes modernes, comme le montre Hyman à travers une collection de citations méticuleusement sélectionnées. Cette distinction est présentée au premier chapitre et défendue au quatrième, mais on en saisit toute l’importance lorsque Hyman analyse l’agencité (II), l’action (III) et l’intention (VI), indépendamment de la volonté. Deuxièmement, Hyman nous propose de connecter la dimension intellectuelle de l’action avec la connaissance en avançant une théorie de la connaissance comme étant l’habileté d’être guidé par des faits. La croyance, quant à elle, ne serait qu’une disposition. L’idée générale a été portée par Ryle, Wittgenstein et White, lesquels se sont pourtant contentés d’associer connaissance et habileté. Leur échec proviendrait de leur tendance à associer la connaissance à l’utilisation du langage pour communiquer des informations. Kenny, qui a évité cette erreur, en a commis deux autres, que Hyman rectifie. D’abord, la connaissance n’influence pas seulement le comportement, mais également la pensée. Ensuite, la connaissance est plus qu’une simple « influence » ; elle est l’habileté d’être guidé par les faits, c’est-à-dire de prendre ces faits en considération dans les prises de décision, dans l’action, etc. Hyman introduit cette connexion à la fin du sixième chapitre, la défend au septième et en montre l’utilité au huitième. La méthode particulière de Hyman se dessine en trois moments. D’abord, il présente une histoire sommaire, mais enlevante, de la question à laquelle il s’intéresse. Ensuite, il dégage des courants opposés, dont il remet en question les thèses consensuelles : c’est souvent là qu’il y trouve des erreurs. Il explique ensuite les raisons de ces erreurs et y remédie adroitement. Il y a toutefois lieu de se demander pourquoi les auteurs mobilisés nous viennent à peu près tous (à l’exception notable de Williamson et de Ginet) d’un passé relativement éloigné, un choix qui aurait sans doute dû être motivé plus explicitement. Au chapitre I, Hyman oppose la théorie moderne de la volonté — qui définit les actions volontaires comme étant les actions qui ont pour cause la faculté de la volonté — à celle de Wittgenstein et de Ryle — qui avance que la notion de volonté n’est pas causale et que les « actes de volonté » sont superficiels et imaginaires (ce qu’avaient dénoncé Russell et James). Les deux groupes commettent cependant la même …
J. Hyman, Action, Knowledge and Will, Oxford, Oxford University Press, 2015, 272 pages[Notice]
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Simon-Pierre Chevarie-Cossette
University College, Oxford