L’ouvrage de Pierre-Yves Bonin propose l’examen d’une thèse répandue chez les partisans d’une conception cosmopolitique de la justice internationale, à savoir : la répartition inégale des ressources naturelles (ci-après : RN) est injuste et doit pour cela être corrigée, ou à tout le moins être indemnisée. Un des arguments qui soutient cette thèse va comme suit : Or Bonin ne propose pas une investigation critique de la validité normative de la thèse cosmopolitique. Il s’intéresse plutôt à ce que l’on pourrait appeler les circonstances de la justice internationale. L’objectif de l’ouvrage est de sortir les théories de la justice internationale liées à la répartition des RN de leur autisme empirique. Il n’est pas possible de faire de la philosophie politique sans aussi prendre en considération, en même temps, les dimensions empiriques de la problématique à l’étude. Sans ouverture aux autres disciplines scientifiques et sans perspective historique, les théories normatives manquent de réalisme. Or le réalisme est une qualité nécessaire pour garantir l’opérationnalité des prescriptions et leur adéquation avec la stupéfiante complexité du monde vécu. À la manière de Rawls dans The Law of Peoples, l’auteur souscrit à cette approche qui fait de la construction d’utopies réalistes un objectif théorique fondamental. Pour cette raison, et grâce à ses autres qualités, cet ouvrage est une contribution importante au champ des théories de la justice internationale. Selon l’auteur, la thèse cosmopolitique ne passe pas le test de l’empirie. L’état global actuel des RN ne justifie pas un transfert important des richesses entre les sociétés politiques. L’analyse des dimensions empiriques peut bien sûr soulever des objections, puisque les vérifications définitives sont pour ainsi dire inexistantes en science. Toutefois, l’existence de larges consensus scientifiques permet selon l’auteur de limiter la portée de ces objections à celle d’un doute méthodique. Pour cette raison, le contenu empirique de cet ouvrage ne sera pas remis en question. De manière générale, le propos de l’auteur est bien circonscrit, de telle sorte qu’il évite de traiter en profondeur des problématiques secondaires complexes. Cela rend l’argumentation d’autant plus cohérente qu’elle est concise. Grâce à l’introduction de distinctions conceptuelles claires et pertinentes, Bonin est en mesure de procéder à une investigation systématique du problème de la répartition des RN. L’évidente maîtrise de l’abondante littérature philosophique et scientifique ajoute à la rigueur de l’argument. Par ailleurs, le choix de ne pas traiter la dimension normative de la thèse de la répartition injuste des RN permet à Bonin de produire une analyse oecuménique, susceptible de commander l’attention de tous les philosophes qui s’intéressent à la justice internationale. L’argument de l’ouvrage est exposé en huit chapitres qui seront brièvement résumés tour à tour. La définition des RN est l’objet qui occupe logiquement le premier chapitre. Seule une définition large et inclusive de ce qu’est une RN est équitable pour l’ensemble des territoires et des sociétés politiques. Cette définition large inclut « tout ce qui, sans être un produit de l’activité humaine, influe ou pourrait influer sur l’économie des pays ou le bien-être de leurs habitants » (15). Les RN se divisent en cinq catégories mutuellement exclusives et collectivement exhaustives, à savoir : les minerais, les sols et les terres arables, la faune et la flore, les sources d’énergie et les ressources environnementales. Pour Bonin, l’existence d’une vaste diversité d’objets qui sont considérés comme des RN justifie que l’évaluation des arguments pour la répartition internationale soit attentive aux spécificités empiriques. La question de la propriété des RN se pose ensuite d’emblée (chapitre II) puisque s’il peut être démontré que toutes les ressources appartiennent légitimement aux pays pris individuellement ou à l’humanité dans son ensemble, alors la …
Pierre-Yves Bonin, La justice internationale et la répartition des ressources naturelles, Québec, Presses de l’Université Laval, collection « Mercure du Nord », 2010, 149 p.[Notice]
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Simon Guertin-Armstrong
Université de Montréal