Résumés
Résumé
La disparition de la notion technique de species dans les Essais de Montaigne est caractéristique de la transformation qui est intervenue dans la mise en place du procès de la connaissance. La théorie de l’espèce est alors remplacée par une doctrine de l’apparence conçue comme « fantaisie ». Le problème est gnoséologique et il prend sa source dans le débat qui avait opposé stoïciens, néo-académiciens et pyrrhoniens au sujet de la valeur de vérité de la représentation. Les passages conclusifs de l’Apologie permettent de saisir la problématique néo-pyrrhonienne dans toute sa complexité. Tout d’abord, Montaigne met au coeur de ses considérations la différence entre l’apparence et la réalité, ou bien entre l’apparence et l’essence, en opposant comme Sextus la « nature », inaccessible en soi, à la qualité telle que perçue par les sens. La médiation des sens est décrite tantôt en termes de qualification ou d’altération de l’objet, tantôt en termes de « falsification » ; d’où le problème authentiquement sceptique que constitue l’impossibilité de privilégier l’une ou l’autre représentation, voire de distinguer entre des qualités réputées « normales » et d’autres qui ne le sont pas. Une comparaison avec le commentaire des Pyrrhonianae Hypotyposes proposé par Henri Estienne permet de saisir la dépendance de Montaigne à l’égard des sources grecques et de la philologie renaissante.
Abstract
The disappearance of the technical notion of species in Montaignes’s Essays is characteristic of the transformation that took place around the beginning of the trial of knowledge. The theory of the species is then replaced by a doctrine of the appearance as “fantasy”. The problem, which is epistemological, takes its source in the debate opposing Stoics, Neo-academicians and Pyrrhonists on the topic of the truth value of representation. The conclusive passages in the Apology enable us to grasp the neo-pyrrhonian problematic in all its complexity. In it, Montaigne focuses on the difference between appearance and reality, or appearance and essence, by opposing — as Sextus did — the “nature”, in itself inaccessible, to the quality as we perceive it through our senses. The role of the senses in this process is described either as a qualification or alteration of the object, or as a “falsification” of it, which entails the classical sceptical problem of the difficulty to choose between one representation or another — and to discriminate between the qualities that are “normal” and those that are not. A comparison with Henri Estienne’s commentary to the Pyrrhonianae Hypotyposes finally sheds some light on Montaigne’s dependence toward Greek sources and Renaissance philology.
Corps de l’article
La disparition de la notion technique de species dans les Essais de Montaigne[2] est à elle seule significative de toute une transformation intervenue dans la représentation du procès de la connaissance. En effet, ce qui manque dans la psychologie philosophique de Montaigne, c’est tout le processus d’information si bien défini par Aristote, et avec lui disparaît la garantie épistémologique que ce dispositif donnait à la fiabilité de la connaissance, en assurant la présence d’un élément en commun, la forme, entre l’objet et sa représentation, d’abord sensible, puis intellectuelle[3]. La théorie aristotélicienne de la sensation n’est pas même discutée tout au long de l’Apologie, et la seule référence assez implicite à la « forme des objets » qui serait appréhendée dans la perception va dans un sens opposé à celui d’Aristote, car Montaigne parle d’une « forme » qui serait beaucoup plus « relative » au sujet que dépendante de l’objet. De plus, il critique la distinction capitale entre, d’une part, la posture « normale » du sens et de l’entendement bien disposés et, d’autre part, les anomalies des conditions pathologiques ou irrégulières[4]. Tout cela s’explique par le fait que, à la place de la théorie aristotélicienne, Montaigne met en oeuvre un dispositif inspiré des textes de Sextus Empiricus en reprenant la dynamique qui avait conduit les psychologies hellénistiques, et surtout stoïciennes, à la fois à dissoudre la synthèse aristotélicienne et à dégager les conséquences de cette dissolution dont les critiques sextiennes révéleront tout le potentiel sceptique implicite.
Le problème est gnoséologique et il prend sa source dans le débat qui avait opposé stoïciens, néo-académiciens et pyrrhoniens au sujet de la valeur de vérité de la représentation, à savoir la « fantaisie », conçue plutôt comme résultat que comme faculté. Comme l’a remarqué Carlos Lévy[5], Cicéron, en suivant sur cela Arcésilas et Carnéade, avait déjà essayé de prouver qu’il n’existe pas de représentation dont on puisse affirmer avec certitude qu’elle est vraie, en mettant en doute l’existence de ces marques ou caractères au moyen desquels, selon les stoïciens, on aurait pu dire de la représentation « compréhensive » qu’elle provient d’un objet réel, qu’elle en est l’empreinte, et qu’elle est telle qu’elle ne pourrait pas provenir d’un objet qui n’existe pas (ou d’un autre objet que le sien). C’est bien la Nouvelle Académie qui contraignit les stoïciens à ajouter cette troisième clause dans la définition de la représentation « compréhensive », et que Cicéron eut vraisemblablement quelque mal à traduire en latin. Et ce fut cette petite clause (« visum igitur impressum effictumque ex eo unde esset quale esse non posset ex eo unde non esset[6] ») qui représenta selon Cicéron la quintessence des divergences entre les deux écoles, déterminant par là l’appartenance à l’une ou l’autre. Du même coup, en acceptant la distinction entre les représentations vraies et celles qui ne le sont pas, les penseurs de la Nouvelle Académie semblaient se ranger du côté des dogmatiques contre les Pyrrhoniens, eux qui n’ont jamais accepté de se prononcer ainsi et qui ont préféré suspendre leur jugement sur la vérité des « fantaisies ». Quoi qu’il en soit de ce contraste, comme le souligne bien Lévy dans son commentaire, la deuxième des propositions citées par Lucullus chez Cicéron (« toute représentation vraie est telle qu’elle pourrait tout aussi bien être fausse ») finit par réduire à néant le dogmatisme implicite de la première, d’après laquelle « parmi les représentations, les unes sont vraies, les autres sont fausses[7] ». Ainsi, en analysant tout ce débat à la lumière des interprétations sextiennes et en insistant sur le problème de l’aparallaxie, à savoir l’impossibilité de distinguer avec certitude le vrai du faux, Montaigne ne fait que rejoindre le fond sceptique véritable qui se cache sous les apparences du dogmatisme négatif typique de la Nouvelle Académie. En brouillant la démarcation des stoïciens, et avant eux des aristotéliciens, entre états normaux et anormaux, ainsi qu’entre rêve et veille, le sceptique rend impossible l’appréhension de la vérité objective. Il en résulte un subjectivisme marqué d’une empreinte phénoméniste très forte selon laquelle la seule réalité qui est accessible est constituée des représentations du sujet[8].
Les passages conclusifs de l’Apologie permettent de saisir la problématique néo-pyrrhonienne dans toute sa complexité. Tout d’abord, Montaigne met au coeur de ses considérations la différence entre l’apparence et la réalité, ou bien entre l’apparence et l’essence, en opposant, comme Sextus, la « nature », inaccessible en soi, à la qualité telle que perçue par les sens[9]. La médiation des sens est décrite tantôt en termes de qualification ou d’altération de l’objet, tantôt en termes de « falsification » ; d’où le problème authentiquement sceptique que constitue l’impossibilité de privilégier l’une ou l’autre représentation, voire de distinguer entre des qualités réputées « normales » et d’autres qui ne le sont pas. La veille et le sommeil, la santé et la maladie, se trouvent désormais sur un pied d’égalité quant à la valeur des représentations qu’ils donnent des objets, et cela moins parce qu’ils se valent par leur fréquence ou par leur utilité pragmatique, que parce qu’ils se trouvent tous réduits au rang de causes productrices de représentations qui ne sont que représentations de phénomènes ou d’apparences : « Or nostre estat accommodant les choses à soy et les transformant selon soy, nous ne sçavons plus quelles sont les choses en verité ; car rien ne vient à nous que falsifié et alteré par nos sens[10] ». Si les représentations sont toutes des phénomènes et que l’objet en soi demeure inaccessible, il n’y a plus moyen d’établir une hiérarchie entre les apparences quant à leur valeur de vérité[11].
Ainsi, dans la conclusion de l’Apologie[12], Montaigne reconstitue la doctrine sceptique du phénomène, tout en la libérant de certaines références techniques à la psychologie stoïcienne dont elle était chargée dans la présentation de Sextus. Tout d’abord, il écarte les mots ou les expressions trop marqués par leur appartenance d’école, de même qu’il élimine toute allusion aux premiers paragraphes du chapitre des Pyrrhonianane Hypotyposes (« Le critère selon lequel...[13] »), où Sextus fait des emprunts précis au concept stoïcien de phantasia, en tant qu’ » impression dans l’heghemonikon[14] » (il y a bien évidemment en toile de fond toute la doctrine stoïcienne de la représentation [phantasia] compréhensive, impression dont la spécificité est d’être certaine — en constituant un véritable reflet dans l’âme de la nature de la chose — et donc de fournir un critère de vérité capable de faire la différence entre les représentations vraies et les fausses)[15]. Il faut cependant remarquer que les interventions de Montaigne ne se limitent pas seulement à alléger le texte de Sextus ou à saisir l’ » essentiel du scepticisme », comme le soutient Dumont en supprimant « tout ce qui n’était pas à proprement parler sceptique » dans les Hypotyposes[16], car l’assimilation de la doctrine pyrrhonienne faite par l’auteur des Essais est beaucoup plus fine et originale, prenant appui sur une exégèse très cohérente et assignant la primauté à la notion de phénomène. C’est ainsi que le mot français « fantaisie » (traduction du grec phantasìa) prend un sens différent du reste des Essais et devient ici le synonyme d’ » apparence » en général.
Ce fait, qui semble purement lexical, mérite toutefois un commentaire propre, car la synonymie ne va pas de soi et ne manque pas de soulever des problèmes spécifiquement philosophiques. Tout d’abord, il faut remarquer que l’absence du mot « phénomène » dans le texte de Montaigne ne représente pas à elle seule un indice contre la thèse phénoméniste que nous venons de lui attribuer. Dit de manière plus banale, s’il n’utilise pas le mot, c’est parce qu’il s’agissait, à son époque, d’une expression grecque qui n’était pas encore acceptée en français, et qui était à peine tolérée en latin. La traduction latine des Hypotyposes par Henri Estienne (traduction qui fut pour Montaigne, selon Floridi[17], la source de référence de sa connaissance de Sextus, car il n’aurait jamais connu l’original grec) est très révélatrice à cet égard. Lorsque, au début de l’oeuvre, Sextus introduit le concept de ϕαινόμενα, Estienne laisse le mot en grec la première fois, pour ensuite le traduire par translittération en « phaenomena[18] » dans les passages ultérieurs. Plus bas, au moment de traduire le chapitre fondamental (I, 9) qui porte sur les limites de l’épochè sceptique (« An Sceptici phaenomena tollant »), Estienne éprouve le besoin d’interpoler le texte pour mieux expliquer le sens de ce mot « phaenomena » qui lui semble évidemment trop étranger au bon lexique latin : « Qui autem aiunt Scepticos tollere phaenomena, id est, apparentia...[19] ». Et, par la suite, il choisit toutes les variantes du lexique de l’apparaître (« apparet », « res quae apparet », « apparens », « apparentia », etc.) pour rendre ce qui relève, dans le texte de Sextus, du phénomène. Le chapitre suivant est d’autant plus important qu’il établit le « critère » du scepticisme (critère pris ici dans un sens non dogmatique) : le philosophe pyrrhonien le renvoie très justement au « phénomène », mais il le renvoie également à la phantasia, c’est-à-dire à la représentation sensible en ce qu’elle apporte, traduit Estienne, « assentiment et affection non volontaire » (« persuasionem et coactam passionem »). Remarquons encore une fois qu’à tout moment, dans ce chapitre, Estienne évite le mot « phaenomenon » pour utiliser en revanche le lexique de l’apparence et de l’appaître : « Criterium igitur Scepticae institutionis dicimus esse id quod apparet : quod perinde est ac si phantasiam dicamus[20] ». On s’explique donc par cette traduction des textes de Sextus les choix terminologiques qui caractérisent le raccourci de Montaigne correspondant, bien sûr sur le mode d’une synthèse intelligente, à Pyrrhonianae Hypotyposes I, 72-78 : tout d’abord, le choix qui l’a conduit à éviter le mot « phénomème » puis celui qui l’a amené à faire se rejoindre les notions d’apparence et de « phantasia » ou « fantaisie ».
Ce deuxième aspect requiert un commentaire spécifique, car il peut induire une certaine confusion. En effet, si la notion d’origine stoïcienne de « représentation compréhensive » (ϕαντασία καταληπτυκή) est rejetée par les pyrrhoniens qui ne veulent pas reconnaître une source de certitude (repoussée comme un reste de dogmatisme), il y a en revanche une signification plus « faible » et non dogmatique de phantasia qu’ils acceptent, en la comprenant sous la forme d’un critère ou mieux d’un guide pragmatique pour leur « vie sans dogme » : c’est une sorte de phantasia passive (ϕαντασία παθητική), laquelle s’impose de façon involontaire, ne comportant pas de jugement sur la nature réelle de l’objet (comme c’est le cas par contre pour la théorie stoïcienne de la représentation) et consistant donc dans la simple reconnaissance de ce qui apparaît. C’est pour cela que Sextus déclare la phantasia équivalente au « phénomène[21] ». En faveur de cette interprétation, qui comporte une véritable assimilation sémantique entre les deux notions, s’inscrivent aussi bien la traduction d’Estienne que son intéressant commentaire philologique adjoint au texte des Hypotyposes. Ces annotations ont un double intérêt pour comprendre les enjeux du lexique adopté par Montaigne dans l’Apologie. Tout d’abord, Estienne se justifie d’avoir utilisé en latin le mot phantasia (qui est en effet un calque linguistique du grec, et non une véritable traduction) et cela malgré l’exemple à valeur d’autorité de Cicéron (suivi par Aulus Gellius) qui avait rendu cette expression par le mot, bien plus classique, de visum (« visa in animo impressa[22] »). En outre, Estienne choisit de traduire le mot technique des pyrrhoniens ϕαίνεται par « apparet » plutôt que par « cernitur, videtur ». À la limite, cela aurait dû avoir pour conséquence nécessaire de traduire ϕαινόμενα par « apparentia », si ce n’est que ce mot, comme le remarque le commentaire, n’existe pas en latin[23]. En effet, l’occurrence apparentia que nous avons citée précédemment restera dans la traduction de Sextus un hapax, et Estienne s’empressera de la souligner en italique, pour marquer l’exceptionnalité de cette invention lexicale. « Mais — ajoute-t-il — quelle elle la nécessité d’adopter un mot différent de visum », et donc de recourir au mot phantasia, si le mot apparentia n’est pas vraiment recevable en latin ? Le commentateur répond que l’enjeu de la version n’est rien moins que l’exigence de sauvegarder le noyau sceptique authentique du pyrrhonisme, car les termes dérivés du verbe video recèlent un contenu dogmatique implicite qui comporterait un jugement sur la réalité en soi : « Lorsque je dis que je vois ou que j’aperçois [videre aut cernere] un cheval blanc, c’est comme si je disais que le cheval que je vois est blanc. Mais cela aucun sceptique, en tant que sceptique, ne le dirait jamais », car ce serait aller contre la profession pyrrhonienne οὐδενὶ συγκατατίθεσθαι (« nihil assertione approbare »), qui recommande de suspendre le jugement sur chaque chose (περὶ παντὸϛ ἐπέχειν). Un sceptique ne se prononcerait jamais sur la réalité de telle couleur ou de tel son, mais il dirait plutôt qu’ » il se sent affecté par une certaine couleur ou un certain son », donc qu’il est affecté par telle ou telle phantasia[24] ou apparence.
À la lumière de cette exégèse à la fois érudite et philosophique, et qui constitue une véritable petite monographie concernant la famille d’expressions sceptiques qui dérivent du verbe ϕαἲνεσθαι, nous comprenons mieux les spécificités, lexicales et sémantiques, qui connotent la synthèse montanienne. On comprend alors pourquoi l’auteur des Essais adopte le terme « fantaisie » comme calque français du latin phantasia (dans le sens « faible » et non dogmatique que nous avons vu dans le texte de Sextus). Cette parole est synonyme pour Montaigne de « passion et souffrance du sens[25] », ce qui rappelle en même temps la phrase stoïcienne πάθη τω̑ν αἰσθησέων[26], ou encore l’expression, reprise par Sextus, de ϕαντασία παθητική. Tandis que, dans le reste des Essais, ce mot « fantaisie » n’a qu’une signification commune, non technique, liée à la constellation sémantique de l’imagination, des illusions, des « piperies[27] », elle prend en revanche dans cette partie finale de l’Apologie une acception plus spécifique, se présentant en effet comme l’équivalent du mot grec « phénomène », utilisé par Sextus Empiricus pour indiquer tout « ce qui apparaît[28] ». La mention du problème du diallèle (« rouet ») et celui de la régression à l’infini dans la recherche du critère (« nous voilà à reculons jusques à l’infiny ») sont signes à eux seuls de l’étroite dépendance de cette partie de l’Apologie à l’égard de la source sextienne[29]. Mais il y a aussi un autre aspect important, qui n’a pas été remarqué par Dumont, et par lequel Montaigne s’inscrit dans le droit fil du commentaire d’Estienne aux Hypotyposes. En effet, à chaque fois ou presque que le texte latin stéphanien emploie le terme phantasia, Montaigne ne se limite pas à le traduire en français par « fantaisie » (dans le sens technique et sextien du mot), mais il ajoute en plus, en interpolation, le mot « apparence » qui, d’après le commentaire philologique d’Estienne, eût été l’équivalent exact de « phénomène », si du moins le latin l’avait permis. Apparemment, l’interdit classique et cicéronien qui, chez Estienne, avait condamné l’expression apparentia, ne vaut plus chez Montaigne pour son dérivé moderne : ce qui lui permet de souligner encore davantage l’équivalence sémantique entre la « fantaisie » (au sens sceptique, non dogmatique du mot) et le phénomène[30].
Ce court passage de l’Apologie, où les influences à la fois sextienne et stéphanienne sont évidentes, mérite d’être cité entièrement, car il rassemble toute une série d’éléments fondamentaux pour comprendre les enjeux du nouveau scepticisme montanien : l’abandon de la psychologie scolastique et médiévale de la species, et l’utilisation à sa place du mot « fantaisie », qui, dans un contexte sceptique, traduit le phainomenon ; l’articulation de la scène originelle du scepticisme, avec sa séparation entre le sujet et l’objet, entre l’apparence et la nature ; l’avènement d’une théorie qui fait remonter la sensation à l’objet extérieur comme à sa cause, mais qui la rend, du point de vue ontologique, inhérente au sujet :
Nostre fantaisie ne s’applique pas aux choses estrangeres, ains elle est conceue par l’entremise des sens ; et les sens ne comprennent pas le subject estranger, ains seulement leurs propres passions ; et par ainsi la fantaisie et l’apparence n’est pas du subject, ains seulement de la passion et souffrance du sens, laquelle passion et subject sont choses diverses ; parquoy qui juge par les apparences, juge par autre chose que par le subject[31].
Cette citation permet de bien voir, en conclusion, combien la séparation critique entre la chose et l’apparence, et le fait que cette dernière soit inhérente à la réalité du sujet et non pas à celle de l’objet[32], ont des répercussions immédiates sur la question de la connaissance, comme Montaigne lui-même le remarque aussitôt. Car cette séparation le contraint à abandonner le principe ancien de copie ou de ressemblance, mais aussi le force à prendre en compte les apories sceptiques qui découlent de cette distance désormais impossible à franchir entre la représentation et la chose : « Et de dire que les passions des sens rapportent à l’ame la qualité des subjects estrangers par ressemblance, comment se peut l’ame et l’entendement asseurer de cette ressemblance, n’ayant de soi nul commerce avec les subjects estrangers ?[33]. »
L’image de l’homme qui, faute de connaître Socrate, ne pourra jamais décider si le portrait lui ressemble, donne bien la mesure du doute qui naît du clivage entre le sujet et l’objet, étant bien entendu que la représentation sensible doit être inscrite au nombre des modalités ontiques du sujet. Les passages qui suivent ne font qu’approfondir la difficulté, car Montaigne (suivant Sextus) constate que même celui qui voudrait « juger par les apparences » ne pourrait pas les accepter toutes, « car elles s’entr’empêchent par leurs contrariétés et discréances ». Il serait alors obligé de faire le tri et de croire qu’ » aucunes apparences choisies règlent les autres » ; toutefois, il tomberait ainsi dans l’aporie de la régression à l’infini, car il lui faudrait « vérifier cette choisie par une autre choisie, la seconde par la tierce ; et par ainsi ce ne sera jamais fait[34] ». À côté de la référence évidente, bien qu’implicite, au problème du critère et de sa validation, rappelons une fois encore le fait que Montaigne remplace systématiquement ici le mot phantasia de la traduction stéphanienne (et donc le terme fantasi/a de l’original grec) par le mot « apparence[35] », avec tout ce que cela comporte de signification phénoménique[36].
Parties annexes
Notes
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[1]
Cet article reprend une partie du premier chapitre de notre ouvrage Skepsis en préparation.
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[2]
Nous avons analysé cet aspect dans Paganini (2004). D’après les concordances de Leake, Montaigne utilise le mot « espèce » cinquante-huit fois au singulier et dix fois encore au pluriel, mais jamais on ne trouve de référence à la signification technique que ce mot avait prise dans la psychologie scolastique ; voir Leake (1981), surtout vol. II, pp. 428a-b.
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[3]
Il est évident que le rapport de Montaigne à Aristote va bien au-delà des thèmes épistémologiques dont nous nous occupons ici. Voir à ce propos Traverso (1974), qui se concentre cependant sur la Politique et l’Éthique à Nicomaque, tandis que, plus récemment, Vincent Carraud a mis au centre de leur relation la métaphysique et les doctrines de l’âme et de la vie, rejoignant des conclusions qui, partant d’un point de vue assez différent, recoupent certains résultats de notre analyse. Voir Carraud (2004), et surtout la conclusion : Montaigne « subvertit le concept aristotélicien d’expérience [...] en refusant la constitution même de l’expérience, c’est-à-dire la capacité propre à l’expérience aristotélicienne d’accéder à la forme une et même du senti » (p. 86).
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[4]
Voir Montaigne (1965), II, 12, t. II, p. 600, où, après avoir mis sur le même plan sagesse et rêverie, santé et maladie, sommeil et veille, en tant qu’états subjectifs dont les « accidens » « nous font paroistre les choses autres qu’elles ne paroissent » en d’autres situations, Montaigne conclut : « Pourquoy n’a le temperé quelque forme des objects relative à soy, comme l’intemperé, et ne leur imprimera-t-il pareillement son caractère » ?
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[5]
Nous suivons sur ce point Lévy (1992), pp. 207-243 (IIIe partie, chap. I « La représentation »). Aristote oppose la phantasia comme représentation sensible d’un objet extérieur au phantasma de l’imagination, des rêves et de la mémoire, qui se produit en l’absence de l’objet. Cf. Modrak (1986), et, pour le contexte stoïcien : Sandbach (1971).
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[6]
Cicéron, Lucullus, VI, 18. Comme l’a bien remarqué Lévy (1992), pp. 232-233, note 84, si l’on compare la définition de la représentation compréhensive telle que nous la trouvons, par exemple, chez Sextus Empiricus, Pyrrhonianae Hypotyposes, II, 4 (τη̈̀ϛ καταληπτικη̈̀ϛ ϕαντασἲαϛ οὔσηϛ ἀπὸ του̑ ὑπάρχοντοϛ, κατ́αὐτὸ τὸ ὑπάρχον ἐναπομεμαγμένηϛ καὶ ἐνατεσϕρᾳισμένηϛ, οἵα οὐκ ἄν γένοιτο ἀπὸ μὴ ὑπάρχοντοϛ), ou encore dans Adversus Mathematicos, VII, 252-253, avec la traduction qui en est donnée par Cicéron dans le passage cité dans le texte, il apparaît clairement que l’Arpinate a été gêné par l’absence en latin d’un terme équivalent à τὸ ὑπάρχον.
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[7]
Cicéron, Lucullus, XIII, 41.
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[8]
Lévy (1992), p. 235 et suiv., a montré que, chez les Nouveaux Académiciens, le passage de l’expérience vécue de l’erreur sensorielle à l’extension dialectique et généralisée de celle-ci (passage bien marqué par la rétorsion de l’idée, empruntée à rebours aux épicuriens, selon laquelle si une représentation nous a trompés, aucune autre ne peut être considérée comme absolument sûre : cf. Cicéron, Lucullus, XXV, 79 : « Eo enim rem dimittit Epicurus, si unus sensus semel in uita mentitus sit, nulli unquam esse credendum ») se réalise par l’utilisation du principe du sorite, et par le recours à l’argument du « grand trompeur », négatif parfait du Dieu de Platon et de Zénon. « Si Dieu est dans ce cas là [les images fausses des songes envoyés par les dieux : cf. Ibid., XV, 49] responsable de mon erreur [...] pourquoi ne pas admettre une extension de l’erreur, à la fois qualitative et quantitative » ? (Lévy, 1992, p. 239, qui développe du même coup une comparaison très fine avec l’argument cartésien du Dieu trompeur ou du malin génie). Chez Sextus, c’est plutôt la thématique du phénomène, et non l’argument dialectique du sorite, qui amène le sceptique à suspendre son jugement.
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[9]
Voir par exemple Montaigne, (1965), II, XII, t. II, pp. 598-599 : « Nous recevons les choses autres et autres, selon que nous sommes et qu’il nous semble. Or nostre sembler estant si incertain et si controversé, ce n’est plus miracle si on nous dict que nous pouvons avouër que la neige nous apparoit blanche, mais que d’establir si de son essence elle est telle et à la verité, nous ne sçaurions respondre. » Ou encore t. II, p. 599 : « sont-ce, dis-je, nos sens qui façonnent de mesme de diverses qualitez ces subjects, ou s’ils les ont telles ? Et sur ce doubte, que pouvons-nous resoudre de leur veritable essence ? » Les passages sur le sommeil et la veille sont très connus, en considération de l’importance qu’ils auront pour le doute cartésien. Voir aussi t. II, p. 596 : « Nous veillons dormans, et veillans dormons [...] pourquoy ne mettons nous en doubte si nostre penser, nostre agir, n’est pas un autre songer, et nostre veiller quelque espece de dormir ? » Sur le rapport Descartes-Montaigne, voir l’étude classique de Léon Brunschvicg (1945), et les annotations d’Étienne Gilson dans son édition du Discours de la méthode de René Descartes (1967).
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[10]
Montaigne, (1965), II, 12, t. II, p. 600. Et Montaigne de conclure : « L’incertitude de nos sens rend incertain tout ce qu’ils produisent ». « Santé » et « maladie », « sommeil » et « veille », « resverie » et « sagesse » ont ceci en commun de « faire paroistre » les choses différentes selon les situations, les « humeurs », les « accidens » du sujet, à tel point que même la discordance entre le « tempéré » et l’ »intempéré » se place dans une perspective de relativité reconnue : « Pourquoy n’a le temperé quelque forme des objets relative à soy, comme l’intemperé, et ne leur imprimera-il pareillement son caractere » ? (Ibid.).
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[11]
C’est ce que José Luis Bermudez a appelé « le problème de Zénon », car il a été formulé dans une objection adressée à ce dernier par Arcésilas. Selon le philosophe sceptique, une représentation vraie peut avoir les mêmes qualités qu’une représentation fausse, ce qui va à l’encontre du principe soutenu par le philosophe stoïcien selon lequel il n’y aurait pas de représentation qu’on puisse concevoir, dans le cas où la phantasia aurait les mêmes caractéristiques, soit qu’elle provienne d’une chose qui existe, soit qu’elle dérive d’une chose qui n’existe pas (cf. Cicero, Lucullus, 77). Cf. Bermudez (2000), spécialement pp. 336-337.
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[12]
Tout le passage (Montaigne, (1965), II, 12, pp. 600-601) est une paraphrase concise et intelligente de Sextus Empiricus, Pyrrhonianae Hypotyposes, II, 72-78, comme l’a montré Dumont (1972), p. 44-45. Au cours des dernières années, un débat est né chez les commentateurs à propos du sens que les pyrrhoniens anciens, et surtout Sextus Empiricus, ont donné à la notion d’ » apparence » ou de « phénomène ». Les interventions principales (celles de Myles Burnyeat, Michael Frede et Jonathan Barnes) ont été réunies dans Burnyeat et Frede (1997). Larmore (2004, pp. 18-19) distingue, dans l’histoire du scepticisme, trois façons différentes permettant de « délimiter le domaine des apparences pour l’opposer à la réalité inconnaissable ». La première considère que « les apparences recouvrent les qualités observables des choses, par opposition à la structure sous-jacente » ; la deuxième envisage les apparences comme « qualités apparentes des choses, les qualités qu’elles semblent avoir, sans que ces qualités appartiennent forcément aux choses elles-mêmes » ; la troisième montre que « les apparences se réduisent aux idées des choses que nous sommes supposés avoir dans l’esprit, par contraste avec tout ce qui possède une existence extra mentale ». Larmore prétend que chez Montaigne (comme chez Sextus d’ailleurs) le sens principal de la notion de phénomène renvoie à la deuxième, tout en reconnaissant que dans la partie finale de l’Apologie s’impose un sens différent, bien représenté par ce passage que nous jugeons crucial : « la fantaisie et apparence n’est pas du sujet, ains seulement de la passion et souffrance du sens » (Montaigne (1965), II, 12, t. II, p. 601). Il s’agit du troisième sens du mot « phénomène ». Cette signification ne nous semble cependant pas forcément incompatible avec le deuxième, surtout si on interprète le « phénomène » pyrrhonien, comme nous le faisons, à la lumière de la théorie des « mixtes » développé dans le sixième trope. Voir également Larmore (1998).
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[13]
Sextus Empiricus, Pyrrhonianae Hypotyposes, II, VII, 70-71.
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[14]
Henri Estienne, dans sa traduction latine (1562), reprend souvent à la lettre les mots grecs dont il considère qu’il y a pas d’équivalent exact en latin. Ainsi, écrit-il « passio hegemonici » pour rendre πάθοϛ ἡγεμονικου̑ (Ibid., II, 71). Nous utilisons l’édition de 1621 qui réunit ensemble les éditions des oeuvres de Sextus faites par Estienne et Hervet en donnant, pour la première fois, le texte grec.
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[15]
Voir Naya (2002), p. 47. La référence classique est Sextus Empiricus, Pyrrhonianae Hypotyposes, II, 4 : la représentation compréhensive est « celle qui vient de quelque chose d’existant, imprimée et marquée conformément à l’existant lui-même, et qui est telle qu’elle ne pourrait naître de quelque chose qui n’existe pas » (traduction de Pierre Pellegrin).
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[16]
Dumont (1972), pp. 46-47 : « allant à l’essentiel, Montaigne découvre la situation originale de l’imagination ou de la fantaisie, incapable de saisir autre chose que ce que le sens subit, l’objet ou sujet extérieur étant condamné à demeurer étranger ».
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[17]
Floridi (2002), p. 42. Floridi souligne le fait que les phrases sculptées sur les poutres de la bibliothèque de Montaigne ne sont pas tirées du texte grec de Sextus, mais plutôt de Diogène Laërce ou de la traduction latine d’Estienne : « Stephanus left some technical expressions in Greek in the 1562 Latin translation, and those attracted Montaigne’s attention. Montaigne never read Sextus in Greek ».
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[18]
Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera, pp. 2-3 (il s’agit de Pyrrhonianae Hypotyposes, I, IV, 8-9).
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[19]
Ibid., p. 5c (il s’agit de Pyrrhonianae Hypotyposes, I, X, 19).
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[20]
Ibid., p. 6b (il s’agit de Pyrrhonianae Hypotyposes, I, XI, 22). Plus généralement, sur la notion de critère dans la philosophie antique, voir Striker (1974), pp. 51-110 ; dans un contexte pyrrhonien : Brennan (2000), pp. 63-92. Sur les différences entre les approches du pyrrhonisme et de la Nouvelle Académie, voir Striker (1981), repris en anglais dans Striker (1996).
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[21]
Voir Sextus Empiricus, Pyrrhonianae Hypotyposes, I, 19 : « Ce qui nous conduit à l’assentiment sans que nous voulions conformément à une impression passive (κατὰ ϕαντασίαν παθητικήν) nous ne le refusons pas : or c’est cela les choses apparentes (ϕαινόμενα) » (traduction de Pierre Pellegrin). Il est utile de confronter la traduction latine d’Estienne : « Non enim ea euertimus quae per phantasiam patientem inuitos nos ad assensionem adducunt, vt antea quoque dicebamus : ea autem sunt apparentia » (Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera, p. 5c). À ce propos, le commentaire de Naya (2002, p. 39) est très judicieux : « Cette définition de Sextus insiste sur les caractéristiques majeures de cette apparence, manifestation sensible qui nous affecte sur le mode du πάθοϛ (pathos) par la médiation de la faculté de représentation (ϕαντασία, phantasia) et qui emporte l’assentiment et la reconnaissance du sceptique ». Sur ce type d’assentiment « faible », voir les remarques de Frede (1984), qui a beaucoup insisté là-dessus, notamment p. 262 : « For Sextus, too, distinguishes two kinds of assent. Though at times he says that sceptic invariably withholds assent, he also says that the sceptic does give assent to those impressions which are forced upon him (I, 13), or that the sceptic does not want to overturn those views which lead us, having been impressed by things in a certain way, towards assent without our will ». « This kind of assent is not a matter of choice, unlike the assent of the Stoic wise man ». « When the Stoics speak of ‘assent’, they talk of an act of approval, the kind of thing one should do for an appropriate reason [...]. But there is also the other sense of ‘assent’. One might, having considered matters, just acquiesce in the impression one is left with, resign oneself to it, accept the fact that this is the impression one is left with [...]. Assent may be a purely passive matter ». Plus généralement, Frede distingue entre « having a view » et « taking a position » (hairesis) : le sceptique peut accepter la première, mais non pas la seconde ; la différence passe justement entre « merely passive acceptance and active acceptance of view » (p. 265). Cet article, et notamment ce point précis, a fait naître une large discussion chez les commentateurs du scepticisme ancien. Pour une distinction parallèle, bien que dans le contexte de la nouvelle Académie, voir Striker (1980) : « If we introduce for a moment a terminological distinction between opinion — as defined by the Stoics — and belief, we might say that the sceptic, according to Carneades, will have no opinions, though he may have more or less firm beliefs. To be sure this is not the complete indifference of the Pyrrhonian sceptic, but it is strict epoche in the sense of total abstaining from assent » (p. 81). La distinction de Frede a été contestée par Burnyeat (1984) et par Barnes (1982). Barnes oppose « the rustic Pyrrhonist » (qui n’a aucun belief d’aucun type) et l’ » urbane Pyrrhonist » (« happy to believe most of the things that ordinary people assent to in the ordinary course of events », ne refusant que les dogmes philosophiques et scientifiques), mais il reconnaît finalement que le pyrrhonien, quel que soit son type, rejette toute sorte de croyances : « In general, the Pyrrhonist of PH will have no ordinary beliefs at all. [...] In that way, the apparent inconsistency within PH is dissolved and the PH Pyrrhonist energes as a rustic » (p. 20). Toutes les pièces du débat ont été reprises dans le livre de Burnyeat et Frede (1997). Remarquons en passant que Burnyeat a identifié un autre type de pyrrhonisme, qu’il appelle, en l’honneur de Montaigne, « the country gentleman’s interpretation », selon laquelle le scepticisme ne frapperait que le domaine de la théorie philosophique, métaphysique et scientifique ; cf. Burnyeat (1984), p. 231. Malgré Burnyeat, et contrairement au passage de l’Apologie qu’il cite sur ce point, il n’y a aucune évidence permettant de penser que Montaigne ait jamais partagé ce type d’interprétation qui exempterait du doute les croyances non théoriques de la vie ordinaire.
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[22]
« In Sexti philosophi Pyrrhon. Hypotyp. libros tres, annotationes Henrici Stephani : In quibus etiam de quarundam philosophicarum vocum interpretatione agit » (Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera, p. 510 b) : « Graecam vocem phantasiam retinui, non quod nescirem quomodo eam vertat Cicero, sed ne quis in ambiguitate vocis Latinae falleretur ». La référence à Cicéron renvoie au texte des Academica, où le mot grec ϕαντασία est rendu par « visum ». Voir par exemple Academica, I, 40-42 : « Visis non omnibus adjungebat [Zeno] fidem sed iis solum quae propriam quandam haberent declarationem earum rerum quae viderentur ». Ce commentaire stéphanien a été étudié par Joukovski (1988), et par Ioli (1999). Sur les détails de cette édition, voir Céard, Kecseméti, Boudou et Cazès (2003). Sur d’autres aspects de l’activité de cet humaniste, cf. Denise Carabin (2006)
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[23]
Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera, p. 511a : « Hoc tamen nego negare possit, ϕαίνομαι (si verbum verbo exprimendum sit) potius esse appareo, quam cernor, seu videor. Quum autem ϕαντασία ab eo derivatum sit, atque adeo ipse Sextus tradat nos τὸ ϕαινόμενον δυνάμει τὴν ϕαντασίαν καλει̑ν (quod loquendi genus paulo antè exposui) videndum est an non melius ϕαντασίαϛ aliquo ab Appareo deducto nomine exprimeremus. Apparentiam scio Latinè non dici, apparitionem autem Latinos alio sensu vsurpare : sed quid si, cogente necessitate, eidem significationi, cui & ipsum verbum appero seruit, accommodemus. »
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[24]
Ibid., p. 511a : « adeo vt quo quidque colore aut quo sono sit, se nescire dicturus sit, sed tantum sentire affici se velt ab hoc vel illo colore, & tanquam ab hoc vel illo sono. » Mêmes considérations pour la traduction de ϕαίνεται : « Quare quod verbum Videtur ambiguum sit, malui ϕαίνεται vbique vertere Apparet, Et quum dico, Hoc apparet album, non intelligo, Manifestum hoc esse album, sed perinde ac si dicam, Hoc speciem albedinis meis oculis obiicit. Accipio autem speciem sicut Cicero, quum dicit, Eadem est in somnis species eorum quae vigilantes videmus. Animadverte enim eum non dixisse visio, sed species. » Estienne remarque aussi, commentant un passage de Galien, que les sceptiques ne font pas de différence entre les perceptions sensorielles ‘erronées’ des malades (ϕαντάσματα) et celles correctes des gens sains (ϕαντασίαι) (ibid., p. 511b). Le même Estienne conserve la signification plus habituelle d’imagination pour phantasia dans le cas de la conception dogmatique et stoïcienne de la représentation compréhensive, qu’il rend comme « comprehensiua imaginatio » (Ibid., p. 511b).
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[25]
Il est possible que, pour cette définition de « fantaisie », Montaigne se soit rallié à celle attribuée par Plutarque à Chrysippe (Moralia, 900d) et relatée par Estienne (selon la traduction de Budé) dans son commentaire philologique : « affectio in anima facta, quae sui quoque efficiens praefert » (Sextus empiricus, Sexti Empirici Opera, p. 512a).
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[26]
Montaigne (1965), II, 12, t. II, p. 601. Il faut dire que si Montaigne utilise 88 fois le mot « passion » selon le relevé de Leake (1981, vol. II, p. 934b-935a), il s’agit la plupart du temps du sens « moral » de l’expression. Outre celui cité ici, nous n’avons remarqué une même utilisation qu’une seule fois, quand Montaigne se sert du mot « passion » pour indiquer l’effet d’une action qui s’exerce sur l’âme (II, 12, p. 551) : « ce que plusieurs occasions produisent, comme une agitation trop vehemente que, par quelque forte passion, l’ame peut engendrer en soy mesme... ». Brahami (1997, pp. 330-346) a donné une lecture fascinante de la façon dont Montaigne utilise la critique sceptique de la représentation sensible (voir p. 333 : « Montaigne hérite de la façon dont le problème avait été posé dans l’Antiquité hellénistique en ce sens qu’il participe de l’argumentaire sceptique selon lequel on ne peut s’assurer qu’une représentation se rapporte à quelque chose de réel, ou en rapporte des traits objectifs »), mais il insiste aussi sur le caractère « affectif », passionnel, typique de la « tendance » que prendrait le concept de « passion ». Voir Ibid., p. 345 : « Montaigne a substitué à une logique de l’essence de l’âme et de ses attributs une dynamique de l’intensité de la vie affective. » Dans le même sens, cf. Brahami (2001), pp. 50-56 ; voir notamment p. 55 : « L’anthropologie de Montaigne est en un sens un monisme de la fantaisie, mais d’une fantaisie considérée essentiellement dans sa puissance affective. »
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[27]
Selon le relevé de Leake (1981), vol. II, p. 514a-515a, Montaigne utilise le mot « fantaisie » 82 fois au singulier et 36 fois au pluriel dans les Essais. Marcu a regroupé la plupart de ces occurrences sous les rubriques : illusions, imagination, « se piper », force de l’imagination, etc. Le plus souvent, « fantaisie » est l’équivalent exact d’imagination, avec une insistance particulière sur le caractère chimérique et illusoire de cette faculté. Ce n’est que dans le contexte cité ici de l’Apologie que Montaigne se rattache au sens technique de représentation sensible ou d’apparence phénoménique ; voir Marcu (1965), pp. 417-435. Dans son entrée « Fantasmes — ‘Fantasie’ », Guerrier (2004) a souligné la signification « philosophique » que prend le mot « fantaisie » dans les parties des Essais qui se réfèrent au débat hellénistique, à la différence des autres contextes qui puisent plutôt au lexique de l’imagination, de l’illusion et de l’aberration. Estienne avait déjà remarqué que les « modernes » donnent une signification toute différente à la phantasia des sceptiques : « At hoc praetereundum non est, nostrates omnia ferè quae enumerauimus verba in vulgarem linguam transtulisse, Phantasia, Phantasier, Phantasme, Phantastique, vsu tamen aliquantulum diuerso : praesertim quum dicunt aliquem esse magis phantasticum quam mulam Papae » (Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera, p. 512a-b). Un panorama très riche des usages complexes de cette famille sémantique de l’antiquité à l’âge moderne se trouve dans Fattori et Bianchi (1988), notamment les articles de Canone (pp. 221-257) et Armogathe (pp. 259-272). Voir aussi D. Lories et L. Rizzerio (2003).
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[28]
Voir Stough, (1969), p. 23, concernant le sens que Sextus donne au mot « phénomène » : « The term ‘phenomenon’ (phainomenon), a substantive from ‘to appear’ (phainesthai), means an ‘appearance’ of something. The distinction between phenomenon and existing object is parallel to what between ‘appears’ and ‘is’ ; and epistemologically it marks a difference between the object as it is perceived and the object as it exists in some other circumstance, probably one independent of its being experienced ». Voir aussi les remarques philologiques de Janaček (1972), p. 49, qui souligne la quasi équivalence chez Sextus du sensible et du phénomène : « in Sextus’s vocabulary the terms τὰ αἰσθητὰ and τὰ ϕαινόμενα are, under the influence of Aenesidemus, very often interchangeable ». Burnyeat (1983) a contesté cette interprétation « empiriste » du phénomène sceptique avec des arguments de poids : « Sextus is prepared to include under things appearing both objects of sense and objects of thought (Adv. Math. VIII, 362), and sometimes he goes so far as to speak of things appearing to reason (logos) or thought (dianoia) (ambiguously so PH II, 10, Math. VIII, 70, unambiguously Math. VII, 25 VIII, 141). Finally, there is a most important set of appearances annexed to the skeptic’s own philosophical utterances » (p. 127).
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[29]
Il est tout à fait paradoxal que dans un livre, celui de Miernowski (1998), qui a pourtant un titre explicite, Sextus Empiricus ne soit mentionné qu’une seule fois, pour un passage des Hypotyposes (p. 22 note). L’auteur préfère ramener Montaigne à la tradition de la théologie négative (p. 29 et suiv.).
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[30]
Cette assimilation va marquer en profondeur toute la réflexion de Montaigne et lui conférer une empreinte sextienne et pyrrhonienne unique. C’est pourquoi il est important de réfuter la »légende » convenue d’un aboutissement néo-académicien de sa pensée. Cette légende a été forgée par Villey qui a constaté que Montaigne, après 1588, ne lisait plus que les Academica de Cicéron comme ouvrage philosophique ; elle a été ensuite relancée par Limbrick (1977) qui a essayé de la démontrer par le décompte des renvois et des références, beaucoup plus nombreux, à l’oeuvre de Cicéron et finalement elle a été reprise de nos jours par Floridi (2002), p. 48 : « Montaigne probably never went back to Sextus’ Outlines [...] while he was writing the third book of the Essays, Montaigne’s interest in skepticism acquired a more ‘Ciceronian’ nature, inclining toward Academic skepticism ». En réalité, comme l’a montré de façon convaincante Brahami en démontant cette « légende », il faudrait « peser » et non « compter » les citations. En effet, Montaigne utilise et interprète les Academica à l’encontre des intentions cicéroniennes ; cf. Brahami (1997), p. 336 : « Une fois encore, Montaigne veut ignorer la réponse académicienne et choisit ses matériaux dans les Hypotyposes. Et une fois encore, il reprend non pas les arguments de Sextus mais les arguments dogmatiques de Lucullus qu’il renverse en propositions sceptiques du simple fait qu’il les expose. » Sur la difficulté de rendre et d’interpréter le mot phantasia dans le contexte des philosophies hellénistiques et notamment sceptiques, voir les considérations de Mates (1996), pp. 32-41. Devant ces difficultés, Mates a choisi de maintenir l’expression phantasia dans sa traduction anglaise des Pyrrhonianae Hypotyposes : « Estienne, in the Latin translation of 1572, keeps phantasia, as I have done » (p. 33).
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[31]
Montaigne, (1965), II, 12, t. II, p. 601 ; à comparer avec la traduction d’Estienne (Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera), p. 66-67 : « Deinde etiam concedamus comprehendi phantasiam, non possunt tamen per eam res iudicari. non enim per seipsam applicat se ad externa, & phantasias concipit, vt aiunt, sed per sensus. at verò sensus externa quidem subiecta non comprehendunt, sed solas suas passiones. ergo etiam phantasia erit passionis sensus : quod differt ab externo subiecto. [...] Si autem differt passio ab externo subiecto, phantasia erit non externi subiecti, sed alicuius alîus diversi ad ipso. Si igitur secundum hanc iudicet intellectus, prauè iudicabit & non secundum subiectum » (traduction des Pyrrhonianae Hypotyposes, I, 72-73). Après avoir fait la comparaison avec la traduction d’Estienne, on constate que le mot « apparence » a été interpolé deux fois par Montaigne : une première fois à côté de « fantaisie » (Montaigne : « la fantaisie et l’apparence n’est pas du subject » ; Estienne : « phantasia erit non externi subjecti »), une seconde directement à la place de « phantasia » (Montaigne : « qui juge par les apparences » ; Estienne : « Si igitur secundum hanc [phantasiam] iudicet intellectus... »). Dans l’étude récente de Mathias (2006), qui fait l’économie de toute référence au contexte et à la tradition du scepticisme, ce procès de la formation de l’apparence et du phénomène est décrit, de façon assez surprenante, comme un procès d’ » aspiration » (au sens hydrodynamique du terme !) par lequel « l’intelligence ‘aspirerait’ les choses, dont la nature nous est radicalement inconnue » (p. 81). Cette méprise du contexte sceptique originaire est porteuse de malentendus : ailleurs, où il devrait être question du problème classique du critère, le même auteur évoque (par un jargon qu’on ne saurait plus « anachronique ») une « fonction judiciaire [...] inscrite dans les sens eux-mêmes, qui proposent ce qu’on pourrait appeler une vectorisation intelligible de l’espace sensible qu’ils ouvrent dans le phénomène même de la perception » (p. 85). Si nous comprenons bien, c’est toute la problématique sextienne du « mixte » et montanienne de l’ » altération » qui est en cause dans une phrase, assez inintelligible, où il est dit que « la perception sensible et les ‘discours’ qui l’accompagnent créent une sorte d’équilibre sémantique métastable venant rencontrer, dans la parole et les discours d’autrui, de tels phénomènes d’équilibre sémantique » (p. 89). Sur le rapport de Montaigne avec les philosophies antiques, voir aussi Hartle (2003).
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[32]
Dans le texte de Montaigne les deux mots semblent inversés par rapport à notre usage commun, à cause de la réminiscence du mot latin subiectum qui signifie en fait l’objet et non ce que nous appellerions plutôt le sujet.
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[33]
À comparer avec la traduction latine d’Estienne : « Sed ne hoc quidem dici potest, animum comprehendere per sensiles passiones externa subiecta, propterea quod similes sint passiones sensuum externis subiectis. Vnde enim sciet intellectus an similes sint passiones sensuum iis quae sensu percipiuntur, quum neque ipse cum externis quicquam commercij habeat, nec sensus suam ipsorum naturam illi declarent, sed suas passiones » ? (traduction des Pyrrhonianae Hypotyposes, I, 74). Quelques remarques sur le problème sceptique du sujet dans les articles de Limbrick (1983 et 1995) : « le scepticisme épistémologique de l’Apologie fait ressortir la subjectivité du mouvement » (1983, p. 178).
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[34]
Montaigne (1965), t. II, p. 601 (II, XII).
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[35]
Cf. la traduction latine d’Estienne : « Sed tamen demus per concessionem, non solum imaginari nos posse phantasiam & comprehendere ; sed etiam capacem ferendi de rebus iudicii esse (quanuis nostra disputatio omnino contrarium docuerit) consequetur, aut omni phantasiae fidem habendam esse [...]. At si aliquibus duntaxat phantasiis credendum esse dicamus, quomodo diiudicabimus his quidem phantasiis esse fidem adhibendam, illis autem minime ? [...] Aut rursum ipsis alia phantasia ad diiudicationem aliarum phantasiarum opus erit ; & ad illius diiudicationem, alia : & in infinitum. Impossibile est autem infinita diiudicare. Impossibile igitur est inuenire quibus phantasiis vt criteriis oporteat vti, quibus minimè » (Sextus Empiricus, Sexti Empirici Opera, p. 67a-c ; traduction des Pyrrhonianae Hypotyposes, II, 76-78).
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[36]
À la lumière de tout ce qu’on lit dans les Essais à propos du problème sceptique du critère et du phénomène, il nous semble paradoxal d’envisager Montaigne comme non-pyrrhonien du simple fait qu’il ne considère pas la suspension du jugement comme un état de tranquillité qui se rattacherait à la condition d’ataraxie. Tel est cependant le point de vue, très partiel et très limité, de Perler (2004), qui s’en sert pour contester le rôle de la renaissance pyrrhonienne dans la genèse du scepticisme moderne : « Being a reader of Pyrrhonian texts, Montaigne is not necessarily a nouveau pyrrhonien » (p. 214). L’importance de ce passage (Pyrrhonianae Hypotyposes, II, 72-75) pour la radicalisation du scepticisme a été remarquée par Striker (1983), spécialement p. 104, où elle montre que le fait d’envisager le phénomène comme une réalité intermédiaire peut faciliter la position du problème sceptique dans son expression extrême, à savoir s’il y a un objet en dehors du sujet.
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