Disputatio

Précis de La nature de la volonté[Notice]

  • Joëlle Proust

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  • Joëlle Proust
    Institut Jean-Nicod (CNRS, EHESS, ENS)

Le propos de l’ouvrage est à la fois introductif et constructif. Il vise à exposer les deux grandes théories causales en matière d’action, celles de Donald Davidson et de John Searle, de défendre une conception alternative, la théorie volitionniste, et d’en examiner les conséquences sur la liberté de l’agir et sur l’identité personnelle. La défense de la théorie volitionniste passe par l’examen des problèmes que doivent surmonter toutes les tentatives de définir l’action qui font appel à sa structure causale-représentationnelle, en montrant que la conception volitionniste est mieux équipée pour leur apporter une réponse. Le premier est le problème de Malebranche. Comment expliquer que nous puissions remuer notre bras à volonté, lors même que nous ne savons pas ce qui fait que nous pouvons le remuer ? Le problème de Malebranche, s’il était sans solution, donnerait un argument de poids aux philosophes qui, à la suite de Wittgenstein, rejettent la pertinence du registre causal en matière d’action. Malebranche tentait de comprendre le lien entre volonté et exécution comme une relation causale, alors qu’en fait ce lien est d’après eux rationnel : il relève non de l’efficacité causale mais de la justification. La solution du problème de Malebranche passe par plusieurs étapes. On doit la première à Donald Davidson. Elle consiste à montrer que la représentation des raisons d’agir peut être associée à l’efficacité causale dans la mesure où un même événement a des propriétés physiques et mentales. Quand on explique une action par ses raisons, on s’intéresse à l’un des aspects de l’événement mental-cérébral considéré ; même si ce n’est pas cet aspect-là qui permet de parvenir à des lois causales strictes, c’est le même événement, pris sous un autre aspect, qui intervient à titre de cause ou d’effet. La seconde avancée consiste à réduire l’écart représentationnel entre la représentation mentale de l’action et de son effectuation. On peut en effet montrer que l’agent peut former de ses façons d’agir une représentation plus précise que la simple formulation conceptuelle du résultat ne permet de le faire. C’est là la fonction de ce que John Searle appelle « l’intention en action ». Le contenu d’une intention en action s’articule de la manière suivante : « Cette intention en action présente tel mouvement à exécuter, et en vertu de cette présentation, elle cause tel mouvement correspondant. » Grâce au concept d’intention en action, l’effectuation du mouvement devient officiellement partie du contenu intentionnel. La troisième étape consiste à permettre au contenu de l’intention en action d’être non conceptuel, ce que suggère déjà le recours aux démonstratifs pour caractériser les contenus d’intentions en action. Searle utilise le terme de « présentation », parce que l’intention en action donne directement accès à son contenu dans une expérience caractéristique. Mais ce contenu est d’après lui conceptuel. Or on a objecté depuis que le grain « conceptuel » n’est pas adapté à la représentation de contenus « analogiques » (comme le sont les contenus perceptifs, émotionnels ou agentifs). On verra plus loin que la théorie de la volition permet d’apporter une pierre de plus à la solution du problème de Malebranche, en exposant la structure ontologique de l’action : cette structure est circulaire et non pas linéaire, ce qui permet à la fois d’expliquer pourquoi le sujet peut ignorer les maillons corporels de son action, et de clarifier le statut de la réflexivité dans l’agir. Le second problème des théories causales de l’agir est celui de la causalité déviante : il peut arriver que le but d’une action soit atteint en vertu de l’impact causal de l’intention de l’agent sur l’environnement, mais d’une manière qui ne permet …

Parties annexes