Dans Reconstructing Reason and Representation, Murray Clarke explore la pertinence de la recherche empirique pour la philosophie de l’esprit et l’épistémologie. Mon intérêt porte, dans ce commentaire, sur la solution naturaliste qu’il cherche à fournir pour un programme particulièrement dense en faveur d’une épistémologie fiabiliste, à savoir, le problème de la généralité. Le coeur de sa solution se trouve dans son déploiement d’une « théorie de la modularité massive » qui décrit l’esprit comme étant composé d’un ensemble étendu de « processeurs computationnels spécialisés, ou modules darwiniens » (p. 6; toutes les références se rapportent au livre de Clarke) forgés dans l’histoire évolutive de l’homo sapiens. Clarke pense que sa théorie de la modularité procure une solution effective au problème de la généralité. Je rejetterai cette affirmation et offrirai une solution de rechange qui satisfait mieux un des objectifs avoués de Clarke dans ce livre — incorporer une perspective externaliste (dans les termes de Clarke : non méliorative) à une perspective internaliste (dans les termes de Clarke : méliorative) aux théories de la justification épistémique. Clarke est, sans équivoque, un fiabiliste quant à la justification épistémique et il appuie clairement son fiabilisme sur un naturalisme, fondé sur l’évolution : pour l’essentiel, les organismes qui survivent et vivent pour transmettre leur bagage génétique aux générations futures sont celles qui entretiennent des croyances vraies sur le monde; et la façon de garantir qu’on entretient des croyances vraies sur le monde est de posséder des mécanismes cognitifs qui aboutissent à des croyances vraies, c’est-à-dire des mécanismes cognitifs qui sont épistémologiquement fiables (voir p. 88). À cet égard, il offre une histoire naturaliste en désaccord avec les histoires présentées par Ruth Millikan (p. 65-66) et Stephen Stich (p. 77), qui affirment tous deux que la production fiable de croyances vraies n’est pas essentielle à la survivance (en bref, posséder des croyances faussement positives peut être plus adaptatif). Le débat opposant Clarke à Millikan et Stich sur ce point n’a pas à être clarifié ici. Pour les besoins de l’argumentation, nous accordons à Clarke l’avantage évolutionnaire de la fiabilité, des processus engendrant les croyances, et nous nous concentrerons sur son autre affirmation selon laquelle lorsque ces processus impliquent des raisonnements, ceux-ci doivent être implantés dans des modules darwiniens spécifiques. L’existence de tels modules a été originellement montrée, selon Clarke, par un ensemble d’expériences sur la tâche de sélection de Wason faites par Leda Cosmides et John Tooby. En supposant toujours, pour les besoins de l’argumentation, que de tels modules existent et qu’ils permettent la fiabilité de la cognition, l’affirmation de Clarke qui nous importe est que l’existence de tels modules résout l’épineux problème de la généralité qui empoisonne toutes les théories fiabilistes de la justification. Essentiellement, le problème de la généralité se présente comme suit : il n’est pas évident de savoir à quel niveau de description nous devrions caractériser les processus (de formation de croyances) afin de parvenir à déterminer s’ils sont fiables ou non. Si nous décrivons ces processus trop précisément, disons, avec seulement une instance (pour l’esprit, le particulier en question), alors tout processus qui culmine en une croyance vraie sera considéré comme fiable. De l’autre côté, si nous caractérisons un processus trop largement, alors nous pourrions manquer le détail des informations cruciales au processus en question — qui auraient pu, potentiellement, nous fournir une évaluation plus précise de sa fiabilité. Pour l’internalisme épistémologique, l’intractabilité du problème de la généralité annonce l’incohérence fondamentale des théories fiabilistes, et, par conséquent, il est important que les fiabilistes aient une réponse. La réponse de Clarke est la suivante : Cette réponse aurait …
Améliorer les théories de la fiabilité[Notice]
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Robert Hudson
Université de Saskatchewan