La récente étude de Charles Taylor sur les «imaginaires sociaux modernes» fait suite à une série d’essais antérieurs traitant de thèmes connexes. Précédemment, lors d’une discussion sur l’unité cosmopolite et la diversité nationale, je me suis brièvement penché sur une des principales considérations de ces essais, à savoir la possibilité de modernités «alternatives» ou «multiples», et j’ai soutenu que le champ des différentes modernités pourrait être plus restreint que ne le conçoit Taylor. J’aimerais poursuivre ici cette discussion, dont la difficulté est que le livre recensé ici se concentre entièrement sur la modernité européenne. Mais lors d’un bref épilogue sur la «provincialisation de l’Europe», Taylor suggère que son analyse des imaginaires sociaux modernes permet à leurs «particularités locales» d’émerger plus clairement et nous aide ainsi à «dépasser notre vision de la modernité comme un processus unitaire dont l’Europe est le paradigme». C’est cette suggestion que je souhaite examiner. Mes remarques porteront généralement sur le fait que son analyse se consacre trop exclusivement à l’herméneutique culturelle pour pouvoir nous assurer d’une telle chose, que le côté «matérialiste» des choses — qu’il admet à plusieurs reprises sans toutefois le discuter — devrait être reconnu à sa juste valeur avant que nous puissions risquer un tel jugement, et que lorsque cet aspect est mis de l’avant, la nature essentiellement politique de la tâche consistant à développer, soutenir et réconcilier de multiples modernités émerge plus clairement qu’elle ne le fait dans l’étude de Taylor.
Imaginaires sociaux et modernités multiples[Notice]
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Thomas McCarthy
Northwerstern University
t-mccarthy@northwestern.edu