La présente étude se propose d’établir que l’épistémologie développée par Kant dans la Critique de la raison pure est holiste. Pour ce faire, l’auteur, Yves Bouchard devra résoudre deux problèmes distincts et intimement liés. La notion de holisme n’étant pas véritablement fixée dans l’usage, il lui appartiendra tout d’abord de caractériser le holisme en général et de fixer ainsi l’usage qu’il entend faire de cette notion dans le cadre de cette étude. Il lui appartiendra ensuite de résoudre la seconde difficulté : caractériser le holisme de Kant en particulier. Dans la première partie, l’auteur s’attache à construire le cadre conceptuel caractéristique d’un système holiste. Une relation holiste articule d’une certaine manière deux ordres distincts : celui d’une représentation d’unité (que l’auteur désigne par ω) et celui d’une multiplicité de représentations (désigné par α). Précisément, une relation articulant une représentation d’unité et une multiplicité de représentations est holiste si deux contraintes sont satisfaites : « La représentation de type ω est plus que la somme des représentations de type α qui la composent » (C1) et, deuxième contrainte, « Pour tout α, il y a un ω tel que, si ω n’est pas possible, alors α n’est pas possible » (C2) (p. 28). La première contrainte indique que la relation ensembliste est une condition nécessaire, mais pas suffisante, de la relation holiste, la second précise que le tout fonde la possibilité des parties au sens où l’impossibilité du tout implique l’impossibilité des parties. Une fois la relation holiste identifiée, il s’agit, pour l’auteur, de montrer que, dans les contextes où elle intervient, cette relation joue un rôle fondateur relativement aux conclusions épistémologiques avancées par Kant. Dans cette optique, il commence par appliquer le cadre conceptuel défini à cinq des opuscules précritiques, application qui permet d’enrichir sémantiquement le réseau de concepts gravitant autour de la notion de tout et de dégager certains réseaux de concepts que Kant utilisera, dans la première Critique, pour caractériser la relation holiste. Dans la deuxième partie, l’auteur examine la Critique de la raison pure selon le cadre conceptuel construit, dans l’objectif d’identifier une relation holiste à l’oeuvre dans les développements de l’Esthétique, de l’Analytique et de la Dialectique et de mettre en relief les résultats épistémologiques majeurs que cette relation permet de justifier. À cette fin, il lui appartient de repérer dans chacune de ces divisions une « relation-candidate » (c’est-à-dire une relation qui articule un ordre d’unité et un ordre de multiplicité, susceptible de satisfaire aux deux contraintes de la relation holiste) et de vérifier que cette relation satisfait aux deux contraintes caractéristiques de la relation holiste. Dans cette perspective, Yves Bouchard commence par rechercher une « relation-candidate » dans l’Esthétique transcendantale. Il ressort de ses analyses qu’une telle relation entre en jeu dans les deux expositions métaphysiques de l’espace et du temps. Précisément, dans le cas de l’exposition métaphysique de l’espace, la « relation-candidate » est la relation entre l’unité de la représentation de l’espace et la multiplicité des représentations des différentes positions spatiales (voir p. 58), dans le contexte de l’exposition métaphysique du temps, la « relation-candidate » est la relation entre l’unité de la représentation du temps et la multiplicité des représentations des différents moments du temps (voir p. 60). Il y a donc effectivement une relation holiste à l’oeuvre dans l’Esthétique. Reste à établir que cette relation assume une fonction épistémologique importante dans l’établissement des résultats de l’Esthétique. Précisément, selon l’A., le recours à une relation holiste entre l’unité d’une représentation et la multiplicité des représentations subordonnées permet d’établir l’idéalité transcendantale de l’espace et du temps. Afin d’identifier la …
Yves Bouchard, Le holisme épistémologique de Kant, Montréal : Bellarmin ; Paris : Vrin, Collection Analytiques (15), 2004, 182 pages.[Notice]
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Sophie Grapotte
Université du Luxembourg