L’intérêt des philosophes pour les maladies mentales ne date pas d’hier : qu’on pense seulement à Aristote (plus vraisemblablement au pseudo-Aristote) avec Le génie et la mélancolie ou à Kant avec son Essai sur les maladies de la tête. Jusqu’au siècle dernier cependant, les philosophes ne disposaient pas d’un corps de connaissances spécifique des phénomènes mentaux (encore moins des phénomènes mentaux pathologiques, ce qui ne signifie pas qu’il n’existait pas de connaissances comprenant ce que nous appelons aujourd’hui les maladies mentales, par exemple, la médecine). Il n’est donc guère surprenant que, dès la constitution de la psychologie comme science, des philosophes (on pense ici à James, Ribot, Bergson, etc.) se soient tournés vers celle-ci pour chercher des réponses à certains problèmes persistants de la philosophie comme ceux de l’identité personnelle, de la conscience, de la volonté et de la mémoire, pour ne nommer que ceux-là. Bien entendu, l’étude des phénomènes pathologiques, en tant qu’elle propose une image miroir de l’esprit normal, figurait en bonne place dans cette nouvelle science, et son influence sur l’imagination et la réflexion philosophique fut grande. La vague d’enthousiasme vis-à-vis la psychologie (et la psychopathologie) alla se briser sur la quasi-indifférence des philosophes anglo-saxons, qui, sous l’influence du positivisme logique, délaissèrent ce domaine pour se tourner plutôt vers l’analyse logique du langage scientifique, utilisant principalement la physique comme objet d’étude (à l’exception de Hempel, 1965 ; voir Kitcher, 1992, pour une description de cet épisode de l’histoire de la philosophie). Les deux dernières décennies ont cependant vu le phoenix renaître de ses cendres. Sous l’influence du courant de naturalisation et de spécialisation qui traverse actuellement la philosophie, un nouveau champ, la philosophie psychopathologique, a même pris forme. La parution de collections d’essais comme Philosophical Psychopathology (1994), Philosophical Perspectives on Psychiatric Diagnostic Classification (1994), comme Philosophy of Psychiatry: A Companion (2004) et Oxford Textbook of Philosophy of Psychiatry, ou des monographies comme First Person Plural: Multiple Personality and the Philosophy of Mind (1995) de Stephan Braude, Mad Travelers (1998) de Ian Hacking, ou encore de revues comme Philosophy, Psychiatry, and Psychology, sans compter les numéros spéciaux consacrés au sujet dans les revues comme Mind and Language (2000) ou The Monist (1999) et les articles dispersés dans les revues savantes qui utilisent les données de ce nouveau champ (Flanagan, 2000 ; Greenspan, 2001) témoignent de la ferveur avec laquelle les philosophes s’emparent de nouveau des données issues du domaine de la psychopathologie, mais également des nombreux problèmes engendrés par celle-ci. Ainsi, non seulement l’étude de phénomènes pathologiques comme l’autisme ou le syndrome de Capgras servent-ils à confronter nos intuitions et à réviser certaines de nos conceptions sur le fonctionnement du mental (ou à les éliminer, le cas échéant), mais les difficultés inhérentes à la classification des maladies mentales (Poland et al., 1994) ou certains effets de l’interaction en clinique entre le thérapeute et le patient (Grünbaum, 1994) sont à leur tour devenus des objets de réflexion philosophique. Le premier projet (celui qui utilise les psychopathologie pour confronter et réviser nos intuitions) est ce que l’on pourrait appeler la philosophie des psychopathologies alors que le second (celui qui réfléchit sur les pratiques et les concepts de la psychopathologie) pourrait être conçu comme une philosophie de la psychopathologie. Le terme philosophie psychopathologique regroupe, sous un même nom, les deux projets. Il serait téméraire, étant donné l’état un peu désordonné de ce champ, de tenter d’identifier le thème qui unifient toutes ces études. On trouvera cependant dans la liste suivante une sélection des thèmes que les philosophes ont abordé dans ce domaine, ces dernières années : Le domaine de la philosophie …
Parties annexes
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