Résumés
Résumé
Selon une théorie cognitiviste de l’auto-attribution, je peux parvenir à la connaissance directe, non-inférentielle de mes propres croyances. Cette théorie a été traditionnellement associée à la notion d’introspection conçue comme source de connaissance interne. On sait (au moins depuis Wittgenstein) que le recours à cette notion compromet l’application à soi-même d’un concept unifié de croyance, valable également pour autrui. Dans cet essai, j’explore une autre méthode d’auto-attribution, également envisagée par Wittgenstein (et plus tard par Gareth Evans), que j’appelle « méthode de déploiement ». Selon cette méthode, je parviens à la connaissance de mes croyances en portant mon attention, non pas à l’intérieur de moi-même, mais directement sur le monde extérieur tel que je l’ai trouvé. Certains arguments wittgensteiniens suggèrent que la méthode de déploiement conduit inexorablement au solipsisme. Je m’oppose à ces arguments, en m’inspirant de travaux récents sur la théorie de la simulation mentale. Je parviens à deux conclusions générales. Premièrement, la méthode de déploiement n’est pas réservée à l’auto-attribution ; elle fonde également l’attribution de croyances à autrui. En second lieu, on peut faire ressortir la spécificité de l’attribution égologique par le « matériau ontologique » auquel cette méthode s’applique. Par exemple, je suis fondé à croire que je crois qu’il pleut parce que c’est le fait qu’il pleut, et non une simple possibilité, qui se présente à moi lorsque je me tourne vers le monde. La méthode de déploiement peut échapper au solipsisme si on l’associe à une distinction ontologique naïve entre des faits et de simples possibilités.
Abstract
On a cognitivist account of self-ascription, I can have direct, non-inferential knowledge about my own beliefs. This account makes traditionally appeal to the notion of introspection, conceived as an internal source of knowledge. At least since Wittgenstein, many philosophers have justly worried that such a notion makes it impossible to make sense of the ascription of a unified notion of belief, which can be shared with others. In this essay, I explore another method of self-ascription, which was also envisaged by Wittgenstein (and later by Gareth Evans), which I call “the method of deployment”. This method is such that I can gain knowledge about my own beliefs by attending not inwards but outwards, on the external world as I found it. Wittgenstein feared that the method of deployment would inevitably lead to solipsism. With reference to recent work in the theory of mental simulation, I try to show that Wittgenstein’s fear is ungrounded. I draw two general conclusions. First, the method of deployment does not concern self-ascription only ; it can also ground the ascription of beliefs to others. Second, what is special about self-ascription is the “ontological substrate” on which it is based. For instance, I am warranted in believing that I believe that it is raining because I am presented with the fact that it is raining, in contrast to a mere possibility. The method of deployment does not lead to solipsism if it is based on a naïve ontological distinction between facts and mere possibilities.
Parties annexes
Références
- Anscombe, G. E. M. « The First Person », in S. Guttenplan (dir.), Mind and Language, Oxford, Oxford University Press, 1975.
- Bermúdez, J. The Paradoxes of Self-Consciousness, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1998.
- Bouveresse, J. Le mythe de l’intériorité. Expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein, Paris, Minuit, 1976.
- Carruthers, P. et P. K. Smith (dir.), Theories of theories of mind, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
- Chauvier, S. Dire « Je », Paris, Vrin, 2001.
- Coope, C., P. Geach, T. Potts et R. White (dir.), A Wittgenstein Workbook, Oxford, Blackwell, 1971.
- Currie, G. « Imagination, Delusion and Hallucinations », in M. Coltheart et M. Davies (dir.), Pathologies of Belief, Oxford, Blackwell, 2000.
- Currie, G. et I. Ravenscroft. Recreative Minds, Oxford, Clarendon Press, 2002.
- Davies, M. et T. Stone (dir.), Folk Psychology, Oxford, Blackwell, 1995a.
- Davies, M. et T. Stone. Mental Simulation, Oxford, Blackwell, 1995b.
- Dokic, J. et J. Proust (dir.), Simulation and Knowledge of Action, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins, 2002.
- Dretske, F. Naturalizing the Mind, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1995.
- Dretske, F. Perception, Knowledge and Belief, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
- Engel, P. Philosophie et psychologie, Paris, Folio-Gallimard, 1996.
- Evans, G. The Varieties of Reference, Oxford, Clarendon Press, 1982.
- Glock, H.-J. « Solipsism », in A Wittgenstein Dictionary, Oxford, Blackwell, 1996.
- Goldman, A. « In defense of the simulation theory », Mind and Language, 7, 1992, p. 104-119.
- Goldman, A. « Interpretation Psychologized », in Davies et Stone (dir.), 1995a.
- Goldman, A. « Simulation and Mental Concepts », in Dokic et Proust (dir.), 2002.
- Gordon, R. 1995. « Simulation Without Introspection or Inference from Me to You », in Davies et Stone (dir.), 1995b.
- Gordon, R. « “Radical” simulationism », in Carruthers et Smith (dir.), 1996.
- Heal, J. 1995. « How to Think About Thinking », in Davies et Stone (dir.), 1995b.
- Heal, J. « Simulation, theory, and content », in Carruthers et Smith (dir.), 1996.
- Jacob, P. « The scope and limits of mental simulation », in Dokic et Proust (dir.), 2002.
- Lewis, D. On the Plurality of Worlds, Oxford, Blackwell, 1986.
- Martin, M. G. F. « An Eye Directed Outward », in Wright, Smith et Macdonald (dir.), 1998.
- Moran, R. « Making Up Your Mind : Self-Interpretation and Self-Constitution », Ratio I, 2, 1988, p. 135-151.
- Peacocke, C. Being Known, Oxford, Clarendon Press,1999.
- Pears, D. La pensée-Wittgenstein : du Tractatus aux Recherches philosophiques, 1993 ; trad. fr. C. Chauviré, Paris, Aubier, 1993.
- Pollock, J.-L. et J. Cruz. Contemporary Theories Of Knowledge, Rowman & Littlefield Publishers, 1999.
- Pouivet, R. Après Wittgenstein, saint Thomas, Paris, PUF (collection « Philosophie »), 1997.
- Proust, J. « Pour une théorie “motrice” de la simulation », Psychologie française 45, 4, Numéro spécial sur la simulation de l’action (éd. par J. Decety), 2001, p. 295-306.
- Proust, J. « Can “Radical” Simulation Theories Explain Psychological Concept Acquisition ? », in Dokic et Proust (dir.), 2002.
- Quine, W. V. O. Word and Object, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1960 ; trad. fr. J. Dopp et P. Gochet, Le mot et la chose, Paris, Flammarion, 1977.
- Searle, J. Intentionality, Cambridge, CUP, 1983 ; trad. franç. C. Pichevin, L’intentionalité, Paris, Minuit, 1987.
- Shoemaker, S. The First-Person Perspective and Other Essays, Cambridge, CUP, 1996.
- Strawson, P. F. Individuals, Londres, Methuen, 1959 ; trad. franç. A. Shalom et P. Drong, Les Individus, Paris, Seuil, 1973.
- Wittgenstein, L. Tractatus Logico-Philosophicus, London, Routledge & Kegan Paul, 1922 ; trad. fr. G.-G. Granger, Paris, Gallimard, 1993.
- Wittgenstein, L. Philosophical Investigations, éd. par E. Anscombe et R. Rhees, Oxford, 1953 ; trad. franç. P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1961.
- Wittgenstein, L. The Blue and Brown Books, éd. par R. Rhees, Oxford, 1958 ; trad. fr. G. Durand, Le Cahier bleu et le Cahier brun, Paris, Gallimard, 1965.
- Wittgenstein, L. Notes sur l’expérience privée et les « sense data » (1934-1936), 1989 ; trad. franç. E. Rigal, 2e édition, Mauvezin, TER.
- Wright, C. « Self-Knowledge : The Wittgensteinian Legacy », in Wright, Smith et Macdonald (dir.), 1998.
- Wright, C., B. C. Smith, et C. Macdonald, (dir.), Knowing Our Own Minds, Oxford, Clarendon Press, 1998.