Comptes rendus

Jean-Luc Marion, De surcroît, PUF, Coll. « Perspective critique », Paris, 2001, 208 pages. [Notice]

  • Olivier Mathieu

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  • Olivier Mathieu
    Université de Montréal

Avec De surcroît, Jean-Luc Marion vient clore le travail phénoménologique entamé près de 12 ans auparavant dans Réduction et donation ; recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie (1989) où il n’était alors question que d’ouvrir la voie vers le principe de donation par l’entremise d’un « simple examen historique du développement de la méthode phénoménologique » depuis la « percée husserlienne » de 1900-01. Faisant suite à Réduction et donation, Marion publiait en 1997 Étant donné, un essai téméraire où il tentait de reconduire la phénoménalité en son ensemble à la stricte donation, tâchant du même coup d’établir une frontière, mais non pas nécessairement une distance, entre le travail de la phénoménologie et celui de la métaphysique : la reconduction du phénomène à sa pure donation, hors des déterminations de l’objectité et de l’étance, avait pour effet immédiat de libérer la réflexion phénoménologique des apories d’une pensée métaphysique de la présence et, du même coup, de forcer la redéfinition du sujet, de l’ego, en fonction de sa position et de son rôle dans l’ordre de la donation — le sujet devint alors l’adonné. Toutefois, les insuffisances et les nombreuses carences d’Étant donné quant à l’explicitation de certaines thèses fondamentales, et particulièrement celle des phénomènes saturés, suscitèrent plus de questions que de réponses. Dès sa parution, donc, Étant donné exigeait déjà que l’on y revienne et que l’on en répète les acquis tout en les précisant. « De surcroît, donc. Parce qu’il s’agit de l’excès du donné qui se montre. Parce qu’il s’agit aussi de l’exposer une nouvelle fois ». Dernier volet d’une trilogie qui trouve ainsi son achèvement ( ?), De surcroît est l’occasion, ou les occasions, d’étudier et de mieux comprendre les phénomènes saturés en eux-mêmes, d’expliciter l’événement, l’idole, la chaire, et l’icône pour enfin atteindre à une pensée signifiante du phénomène saturé par excellence, la révélation. Nous disons : « les occasions » ; en fait, De surcroît est la somme de différents textes, lesquels sont presque tous issus de conférences ou d’articles contemporains de, ou postérieurs à la rédaction d’Étant donné. Ainsi, le premier chapitre, « Phénoménologie de la donation et philosophie première », fut-il publié pour une première fois en 1996, dans le 49e numéro de Philosophie, sous l’intitulé « L’autre philosophie première et la question de la donation » ; la version publiée dans De surcroît en présente une version corrigée et remaniée et ne sert, en somme, qu’à introduire le lecteur au coeur de la problématique. En effet, ce texte se borne essentiellement à reprendre, de manière récapitulative, les acquis fondamentaux de la phénoménologie de Marion depuis 1989 en les articulant autour du problème de la possibilité contemporaine d’une philosophie première. Ce problème, qui pour plusieurs peut sembler révolu, trouve son importance dans le cheminement de Marion en ce qu’il lui permet d’attester, à la fois historiquement et philosophiquement, du rôle fondamental et originaire qu’occupe la phénoménologie de la donation en philosophie. Historiquement d’abord, puisque c’est à l’aide des différentes occurrences d’une philosophie première dans l’histoire de la philosophie que Marion tente de penser la question de la primauté de la philosophie. D’Aristote à Kant, en passant par la philosophie médiévale, Marion identifie, et réfute, trois différentes versions de la prima philosophia selon qu’elles s’édifient sur la pensée de primats différents, soit l’ousia pour Aristote, la cause pour les médiévaux, et la noèse pour Kant et Descartes. Aucun de ces primats, conclut-il, n’est en mesure d’assurer la légitimité d’une quelconque philosophie première en ce qu’ils échouent tous à atteindre …

Parties annexes