Ce recueil d’articles édité par Catherine Collobert se présente comme un nouveau départ pour la collection Noesis. Voilà plus d’une dizaine d’années que cette collection n’avait plus fait paraître de nouveaux titres. Autrefois accueillie aux maisons d’édition Bellarmin (Montréal) et Belles Lettres (Paris), elle est maintenant éditée chez Fides (Montréal) sous la direction de Catherine Collobert. Ce changement de maison d’édition et de directeur pourrait marquer un tournant dans l’approche philosophique et l’orientation méthodologique des ouvrages publiés dans cette collection. En effet, tous les ouvrages précédents étaient des monographies portant sur des sujets pointus de la recherche en histoire de la philosophie. La collection publiait surtout des bibliographies, des thèses de doctorat ou des traductions de traités difficiles d’accès. L’Avenir de la philosophie est-il grec ? propose pour sa part un recueil d’articles qui interrogent tous à des degrés divers la possibilité de tirer profit de l’étude érudite des philosophes de la Grèce antique. Ce recueil semble s’être donné pour objectif de justifier la nouvelle direction de la collection Noesis. Comme le montre sans ambiguïté son titre interrogatif, il propose de mener un double examen : de quelle manière la pensée des philosophes de l’Antiquité grecque pourrait-elle nous être profitable ? et, ces philosophes, qu’ont-ils à nous apporter ? Ces deux questions sont débattues dans deux sections qui divisent le recueil. La première, « Interpréter les Grecs : pourquoi et comment ? », regroupe les textes qui traitent des questions fondamentales portant sur les principes théoriques à suivre si l’on veut adopter une bonne attitude méthodologique afin de tirer partie de la pensée des Grecs compte tenu de tous les obstacles qui nous en empêchent (traduction, interprétation, « réappropriation » plus ou moins déformante). Les auteurs de la seconde section intitulée « Conjuguer le futur au passé : retours et détours grecs » tissent des liens entre la philosophie grecque antique et les grands courants de la philosophie contemporaine. Ces sections sont relativement indépendantes et nous les traiterons l’une à la suite de l’autre, en commençant par la deuxième. Françoise Dastur (« La Pensée à venir : une phénoménologie de l’inapparent ? ») rappelle les éléments proprement grecs dans la philosophie de Husserl et de Heidegger. La phénoménologie chère à Husserl, de même que son utilisation des concepts hulè, noûs et noèma, bien que résolument modernes, ne sont pas entièrement étrangères à la manière grecque de philosopher. Mais l’originalité de Husserl tient surtout au concept de réduction (epokhè), qu’il emprunte à la philosophie hellénistique, et à celui d’eidos qui remonte directement à la philosophie de Platon. S’il y a bien chez Husserl un souci de faire apparaître la relation qui unit eidos et réel, on peut effectivement parler du platonisme de Husserl. Par ailleurs, la transition que ménage F. Dastur entre la philosophie de Husserl et celle de Heidegger lui permet de montrer comment ce dernier continue ce travail de lecture des Grecs. On connaît l’utilisation propre à Heidegger des concepts de phusis, idea, alètheia. Heidegger manifeste d’abord son hellénisme en cherchant chez les Grecs le cheminement même de la philosophie, son commencement et sa fin, mais surtout, comme le souligne l’auteur, en voulant penser « de façon encore plus grecque ce qui a été pensé de façon grecque » (M. Heidegger, Acheminements vers la parole, Gallimard, 1976, p. 125). L’article de Gérard Guest (« “ Au-delà des Grecs et plus outre… ” L’égard aux Grecs et l’avenir de la pensée »), au style inspiré et tout empreint de modernité, poursuit dans la même veine en glosant les écrits de Heidegger …
Catherine Collobert dir., L’Avenir de la philosophie est-il grec ? Textes présentés lors d’un colloque tenu à Ottawa, dans le cadre du 67e Congrès de l’Acfas (mai 1999) ; Montréal, Fidès, Collection Noesis, 2002, 236 pages.[Notice]
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Benoît Castelnérac
Université de Montréal