Comptes rendus

Monique Canto-Sperber, Éthiques grecques, Paris, Presses Universitaires de France, collection Quadrige, 2001, 456 pages.[Notice]

  • Benoît Castelnérac

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  • Benoît Castelnérac
    Université de Montréal

Avant d’aborder les enjeux et les problèmes philosophiques de ce livre, disons tout d’abord ce qu’il n’est pas et ce qu’il ne fait pas. Il n’est ni une thèse ni une monographie. Entendez par là qu’il ne se consacre pas à un problème circonscrit de la morale antique, ni à un auteur particulier. On n’y trouve pas à proprement parler d’introduction problématique dont les termes seraient débattus dans le corps de l’ouvrage ; il n’y a pas non plus de conclusion explicite dans laquelle un auteur rassemble habituellement les résultats de ses recherches. La table des matières annonce une progression chronologique des thèmes abordés, allant des « figures du socratisme » aux « thèmes antiques dans la philosophie contemporaine » ; pourtant, on ne saurait y trouver une quelconque description des outils théoriques et des courants historiques qui peuvent expliquer l’influence de l’Antiquité sur les éthiques modernes. Il ne faut donc pas se méprendre sur la nature de ce livre. Il traite d’histoire de la philosophie, mais aborde cette discipline d’une manière personnelle, voire distante, car il se présente comme un essai. En soi, ce n’est pas une tare (il serait ridicule de limiter la philosophie à un genre littéraire), et la qualité de ces pages est indéniable, mais le lecteur doit être prévenu : on y chercherait en vain des index ou des notes bibliographiques complètes ; une présentation plus polémique que théorique des problèmes rend malaisé d’en tirer des conclusions affirmatives. En bref, si Éthiques grecques explique en partie ce que sont pour nos contemporains les éthiques grecques, son enjeu consiste surtout à dire plus clairement ce qu’elles ne sont pas. Le nom « essai » lui convient donc bien ; il pourrait pourtant induire en erreur. Certes, la polémique, la touche personnelle, la méthode soulagée du poids de l’érudition définissent l’essai. Ils conviennent aussi à Éthiques grecques. Mais l’essai est un discours ; ce qu’il perd d’académique et de scientifique par sa méthode, il devrait le gagner en étant persuasif et animé d’un bout à l’autre par le même objectif. Monique Canto-Sperber offre un texte qui communique un message ; il sait convaincre et réfuter, c’est manifeste. Une chose nous empêche cependant de considérer Éthiques grecque comme un essai à part entière. Derrière ce nom se trouve un recueil de textes, composé d’originaux et d’articles dont la rédaction s’étale sur les quinze dernières années. La nature composite de l’ouvrage empêche par conséquent de l’assimiler entièrement à un essai. La qualité de chacune de ses parties n’est pas en cause, mais l’ensemble pâtit du manque d’unité propre à un recueil. On peut supposer le travail de réécriture que suppose la publication d’un tel recueil d’articles ; Éthiques grecques est manifestement le fruit d’un tel travail. Les redites, les ruptures entre les articles, leurs perspectives variées, les différentes méthodes qu’ils mettent en oeuvre gênent toutefois une compréhension d’ensemble aussi immédiate qu’articulée. Il faut donc dire que dans cet essai on trouve de tout. Son introduction lance très bien le débat : « Des critiques prétendument dirimantes sont aujourd’hui adressées à l’idée que ceux que l’on appelle, de manière fort peu obligeante, les « Anciens » ont encore quelque chose à nous apprendre. Ces critiques soulignent que la pensée grecque est solidaire d’un monde révolu et d’idées dépassées. » (p. 17) La nature polémique de ces pages semble parfaitement claire, et on attendrait que s’ouvre ensuite le débat annoncé entre les éthiques grecques et leurs critiques modernes. En vain. Cette introduction est suivie d’un long chapitre « vulgarisateur » de soixante-dix pages, présentation générale « pour aider le lecteur …