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Introduction[Notice]

  • Dominique Leydet

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La démocratie délibérative est une théorie normative de la légitimité démocratique développée dans les années 1980 en opposition aux conceptions de la démocratie mettant à l’honneur le marchandage ou l’agrégation des préférences. Ce qui oppose fondamentalement la démocratie délibérative à ces théories c’est la place qu’elle réserve à la notion de bien commun. En effet, que l’on prenne la théorie économique de la démocratie développée par Anthony Downs et ses successeurs à partir des années 1950 ou encore la théorie pluraliste proposée par Robert Dahl dans les années 1970, ces conceptions pensent le politique essentiellement comme un lieu dans lequel les intérêts particuliers des individus et des groupes entrent en compétition. Le rôle du système politique est alors de permettre la médiation et/ou l’agrégation de ces divers intérêts, d’où l’importance centrale accordée aux processus électoraux ainsi qu’au marchandage. Ces théories de la démocratie ont, par conséquent, une conception limitée de la citoyenneté dans laquelle le citoyen apparaît comme un individu rationnel et calculateur ne visant que la satisfaction optimale de préférences formées pré-politiquement. Le rapport du citoyen aux institutions politiques est pensé ici de façon strictement instrumentale. La théorie délibérative, comme du reste les théories participatives qui l’ont précédées dans les années 1970, a, en revanche, une conception beaucoup plus ambitieuse du citoyen et de la communauté politique. Elle considère, en effet, que la notion de bien commun a un sens au delà de la simple sommation des intérêts particuliers et que les citoyens des démocraties ont la capacité de rechercher et de formuler ensemble ce qu’il pourrait être dans chaque cas. Mais comment cette recherche collective du bien commun peut-elle se faire ? Comme son nom l’indique, la démocratie délibérative a pour centre de gravité la notion de délibération publique. Son intuition fondamentale est que la délibération, à la différence d’autres procédures de décision collective, est une méthode qui engage ses participants à poser ensemble la question de leur bien commun. Si certaines conditions sont satisfaites, elle peut produire des décisions que les citoyens eux-mêmes reconnaîtront comme légitimes, parce qu’ils les jugeront correctes/meilleures/plus justes ou raisonnables. La délibération publique est ainsi le concept charnière qui permet de lier bien commun, justification et légitimité. Cette théorie a un but éminemment pratique. Il ne s’agit pas de penser le fondement à partir duquel les institutions sociales composant la structure de base sont justifiées. Il s’agit plutôt de concevoir une procédure de décision collective devant servir de modèle aux institutions démocratiques existantes. En ce sens, la procédure délibérative idéale se distingue fondamentalement de la situation originelle telle que conçue par John Rawls dans sa Théorie de la justice de 1971. Le modèle de délibération qu’elle propose ne doit pas être compris, en effet, comme un procédé hypothétique auquel on a recours individuellement afin de se contraindre à un raisonnement impartial ; il s’agit plutôt de montrer l’idéal qu’une délibération publique effective doit viser. Pour satisfaire cette ambition, toutefois, la démocratie délibérative se doit d’intégrer les données fondamentales de nos sociétés que nous ne saurions modifier sans nous renier nous-mêmes. Pensons notamment aux faits du pluralisme et de la complexité sociale. Depuis ses premiers énoncés, la démocratie délibérative a suscité un intérêt important tant chez les philosophes que chez les politologues. On peut distinguer, de façon schématique, deux types différents de débat auquel cette théorie donne lieu : d’une part, il existe d’importantes discussions au niveau strictement théorique concernant la formulation de l’idéal proposé. À ce niveau, on peut regrouper les différentes variantes de la démocratie délibérative en deux grandes familles : d’un côté, Jürgen Habermas et ceux qui lui sont proche, de …

Parties annexes