FR :
On peut distinguer, dans l'histoire du marxisme contemporain, deux tendances qui n'ont cessé de se confronter sous des formes plus ou moins radicales et qui tiennent à deux lectures apparemment inconciliables de l'oeuvre de Marx. La première, selon laquelle le marxisme se résorbe essentiellement en une théorie scientifique (de l'histoire sociale), en une sociologie (historique). Cette tendance trouve son expression culminante dans l'althussérisme, dans le primat des relations constitutives de la structure sociale sur les individus-sujets. La seconde, qui veut que le marxisme soit d'abord et avant tout un humanisme et/ou une philosophie de la praxis, tout travail théorique se trouvant subordonné à sa visée historico-pratique : celle de l'instauration de rapports sociaux dans lesquels seraient abolis les rapports d'exploitation de l'homme par l'homme. Poser la question de l'existence d'une éthique (et d'une morale) marxiste, c'est tenter de résoudre théoriquement cette épineuse dichotomie entre l'objectivisme des « déterminations » sociales des représentations de conscience morales et la capacité des individus-sujets de produire un ordre social, d'orienter le développement historique conformément à ces représentations (prescriptions). Pour un matérialiste, n'y a-t-il pas là une contradiction (tout au moins apparente) interne au marxisme? L'auteur de l'article a tenté de faire voir, à travers quelques propositions sommaires, comment une telle contradiction peut être dépassée.
EN :
In the history of contemporary Marxism one can distinguish two conflicting tendencies which continue to confront each other in a more or less radical manner, and which give rise to two apparently irreconcilable readings of Marx's work. The first is that by which Marxism is essentially absorbed into a scientific theory (of social history), into a (historical) sociology. This tendency finds its ultimate expression in 'althussérisme', in the primacy of the constituent relations of the social structure involving individual subjects. In the second, which sees Marxism as essentially humanist and/or a philosophy of praxis, all theoretical work is subordinated to the practical-historical aim, that of establishing social relations in which the exploitation of persons by persons will be done away with. To ask whether a Marxist ethic (or morality) exists is an attempt to resolve theoretically this thorny dichotomy between the objectivism of the social determinants of the prescriptions of moral conscience, and the capacity of individual subjects to produce a social order to orient historical development in accordance with these prescriptions. For a materialist, is there not here an apparent contradiction within Marxism? The author has attempted to clarify, by means of a few succinct propositions, how such a contradiction may be resolved.