Notes de lecture

NOLETTE, Nicole, Traverser Toronto : récits urbains et culture matérielle de la traduction théâtrale, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « Espace littéraire », 2024, 235 p.[Notice]

  • Lucie Hotte

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  • Lucie Hotte
    Université d’Ottawa

Les travaux de Nicole Nolette sur la traduction théâtrale font date depuis la parution de Jouer la traduction : théâtre et hétérolinguisme au Canada francophone en 2015 et ce nouveau livre ajoute une brique à l’édifice qu’elle construit patiemment. Traverser Toronto : récits urbains et culture matérielle de la traduction théâtrale présente les résultats d’une recherche originale qui a pour objectif d’analyser les processus interculturels et interlinguistiques dans le milieu théâtral de Toronto, avec le français tant comme langue de départ que comme langue d’arrivée. Plus précisément, Nolette se penche sur les « opérations de médiation que sont le théâtre et la traduction » (18). Cette étude lui permet de s’interroger sur la culture matérielle de la ville reine. Elle s’inscrit donc dans les travaux récents sur la traduction dans les espaces urbains, souvent multiculturels et multilinguistiques. Le théâtre, en raison de ses publics variés, s’avère un lieu privilégié d’exploration des contacts interculturels grâce à la traduction. Il favorise ainsi une meilleure compréhension de l’autre. Nolette conçoit, avec raison, la traduction comme une pratique de médiation culturelle qui « réassemble le social, construit un public hétérogène interpellé et regroupé dans un espace hétérotopique » (20). Son analyse porte autant sur la traduction théâtrale en vue d’une production d’une pièce dans la deuxième langue officielle que sur la pratique du surtitrage. Cette innovation technologique et médiatique transforme radicalement le monde de la traduction théâtrale, qui passe de la traduction dramatique, sur papier et destinée à la publication, à la traduction scénique, uniquement projetée sur scène. Ainsi, l’ouvrage présente, outre une analyse de la traduction comme médiation culturelle, une réflexion sur l’évolution de la pratique de la traduction à Toronto de 1970 jusqu’au début des années 2020. Afin de rendre cette évolution plus visible, Nolette opte pour une organisation chronologique de ses travaux sur les principaux·ales traducteur·trices de théâtre à Toronto. Le premier chapitre porte sur l’oeuvre de John Van Burek, précurseur en matière de traduction théâtrale. John Van Burek est surtout connu pour ses nombreuses traductions des pièces de Michel Tremblay, pièces qui posent bien évidemment le problème de la traduction du vernaculaire. Il s’agit là d’un fil conducteur tout au long de l’étude : quels choix font les traducteur·trices face à une langue très marquée culturellement? Certain·es la gomment complètement pour inscrire le texte dans la réalité canadienne-anglaise, d’autres cherchent un équivalent du niveau de langue en anglais, d’autres encore optent pour le respect de la classe sociale connotée par l’idiolecte utilisé par les personnages. À ce sujet, John Van Burek et son collaborateur Bill Glassco ont de nombreuses discussions dont fait état Nicole Nolette. La question du passage d’une culture à une autre, davantage que d’une langue à une autre, s’avère cruciale. Les fonds d’archives que Nolette a consultés fournissent matière à réflexion et l’analyse se révèle particulièrement intéressante. Cela contribue grandement à la qualité de cette étude. Le deuxième chapitre porte sur le travail de traductrices, mais aussi d’autrices bilingues (ou trilingues) dont les oeuvres sont souvent tout aussi bilingues : Marie-Lynn Hammond, Lina Chartrand et Anne Nenarokoff-Van Burek. Chartand est certainement la mieux connue des trois, surtout grâce à sa pièce La p’tite Miss Easter Seals (1991) qui a été publiée aux Éditions Prise de parole. Une bonne partie de son oeuvre est cependant inédite ou en anglais et échappe, pour cette raison, aux regards des littéraires, dont les travaux sont le plus souvent limités à une seule langue d’écriture. L’intérêt de Nolette pour la traduction lui permet de faire une traversée entre les deux versants de l’oeuvre de l’autrice : le versant francophone, marqué par l’anglais, …

Parties annexes