Créer et témoigner, en dépit de tout

L’équipe éditoriale de Percées est très fière de publier ce numéro, car c’est à l’issue d’un processus semé d’embûches – pandémie mondiale, séismes en Turquie et en Syrie, conflits guerriers – qu’y paraît un dossier entièrement consacré aux performances du Moyen-Orient au XXI^e siècle. Dirigés par Yassaman Khajehi (Université Clermont Auvergne), les articles qui le composent esquissent un portrait de la scène théâtrale de cette partie du monde à travers des figures d’artistes engagé·es qui portent un regard affûté sur la situation politique et sociale qui prévaut dans les pays dont il·elles sont issu·es (Liban, Syrie, Koweït, Turquie, Iran et Afghanistan). Par une approche qui s’est avérée particulièrement fructueuse pour la « saisie » et la compréhension de cet objet d’étude (et qui déroge un tant soit peu aux pratiques habituelles de la publication savante), les contributions de ce dossier proposent un dialogue riche et fécond entre chercheur·euses et créateur·trices, dans des textes qui combinent à la fois présentation biographique d’artiste, analyse de performance, témoignage et entretien, le tout complété par des extraits d’oeuvres diverses, ouvrant ainsi une fenêtre sur une activité théâtrale que l’Occident connaît malheureusement fort peu. Qu’il s’agisse du travail d’Hisham Jaber au sein de l’espace Metro Al Madina à Beyrouth, des activités du metteur en scène iranien Hamid Pourazari avec le collectif Pāpatihā (les Pieds nus) ou encore des pièces de la dramaturge et metteure en scène d’origine turque Ceren Ercan, les articles de ce dossier mettent en relief des propositions artistiques diverses et originales, à vocation souvent documentaire car faisant écho aux événements et mouvements politiques qui marquent l’actualité. La richesse et la pertinence des oeuvres convoquées, de même que les témoignages des artistes sur leur démarche de création, font de ces contributions un apport inestimable et précieux à la recherche sur le théâtre qui se crée et qui se joue sur les scènes moyen-orientales actuelles, en dépit de tout.

Aussi dans ce numéro

Ce numéro comprend aussi, dans la section « Parcours critique », un texte de Claudia Blouin qui propose un point de vue « de l’intérieur », à titre à la fois de spectatrice et d’autrice invitée, sur le Festival du Jamais Lu Québec, événement annuel qui célèbre la dramaturgie francophone dans toute sa variété par de multiples mises en lecture de textes inédits.

Enfin, les quatre notes de lecture qui complètent le numéro, signées par Luc Vaillancourt, Hélène Jacques, Lucille Toth et Lucie Hotte, font la recension d’ouvrages récemment publiés par des chercheur·euses d’universités québécoises et canadiennes : Sébastien Côté, Hervé Guay, Jean-Marc Larrue, Nicole Nolette, Andrée Martin et Dominique Malaterre. Leurs ouvrages portent sur des sujets aussi variés que la représentation de la Nouvelle-France dans le théâtre parisien du XVIII^e siècle, les Nouveaux matérialismes au théâtre, les rapports entre danse et réflexion théorique et la traduction théâtrale à Toronto, témoignant ainsi du dynamisme de la recherche sur les arts de la scène au Québec et au Canada francophone.

Bonne lecture!

Louise Frappier