Cahier de traductions

Sauter à pieds joints dans la « vase » : approches courageuses pour l’aménagement d’espaces de création (plus) sécuritaires[Notice]

  • Julie Burelle et
  • Jill Carter

…plus d’informations

  • Julie Burelle
    Université de Californie à San Diego

  • Jill Carter
    Université de Toronto

Aaniin! Kwei! Tanshi! Way’! Hello! Bonjour! Le moment est venu. L’heure du bilan a sonné. Les artistes avec qui vous vous engagerez dans ces pages numériques ont lancé un appel. Par quelles actions répondrez-vous? Certes, les participant·es à cet événement sont arrivé·es « en retard à la table », après avoir été témoins et, peut-être, avoir retweeté les expressions d’indignation du mouvement Black Lives Matter, qui a pris de l’ampleur depuis sa création en 2014; de la campagne #OscarSoWhite d’April Reign en 2015; de la croisade We See You, White American Theater en 2020; du gant numérique jeté au visage des dirigeant·es artistiques canadien·nes en juin 2020 par Harvey; et des expressions de plus en plus urgentes de refus institutionnel de la part des personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) et des artistes autrement marginalisé·es ou en formation. L’ACRT aborde donc ces conversations tardivement, mais pas plus tard en fait que les compagnies de théâtre et les établissements de formation professionnelle dans lesquels ses chercheureuses travaillent et au sujet desquels iels écrivent. Les éducateurices et les compagnies de théâtre ont tenté de « diversifier » leurs programmes en bonifiant leur offre culturelle et scolaire de pièces jouées par des artistes PANDC ou en recourant occasionnellement à une distribution « daltonienne » (colour-blind casting). Il s’agit peut-être d’un début bien intentionné. Mais les conversations à ce sujet durent depuis bien trop longtemps. Et à quelle fin? Les intentions de ces artistes qui en forment d’autres étaient indéniablement louables. Iels espéraient subvertir un canon oppressif. Iels espéraient ouvrir des espaces qui permettraient aux histoires des autres de vivre et de respirer. Mais qu’est-ce que ces gestes allaient réellement changer dans le domaine du théâtre? Quels changements se sont produits depuis ce rassemblement de 2016? Trop peu, à mon sens, et comme le montrent les événements et les activations récentes. Sur l’Île de la Tortue, les espaces de formation des acteurices sont encore terriblement peu sûrs pour les étudiant·es racisé·es et autrement marginalisé·es. Et encore faut-il qu’iels parviennent à être admis·es dans ces espaces... Bien qu’un changement progressif se soit amorcé, les conditions d’entrée dans un programme d’études en théâtre et performance, où une formation pratique est proposée, restent à peu près inchangées : par voie d’auditions, un groupe sera peut-être invité à participer à des jeux théâtraux. Mais que se passe-t-il si vous n’avez jamais participé à de tels jeux auparavant? Et si les traumatismes que vous portez vous empêchent de prendre part à des exercices de « confiance » ou vous réduisent au silence face à des voix fortes ou à un langage agressif (incarné ou vocal)? Que se passe-t-il si l’on vous demande quelle est la meilleure production à laquelle vous avez assisté au cours des huit derniers mois? Et si vous n’êtes jamais allé·e au théâtre de votre vie? Vous ne pouvez peut-être pas nommer une pièce ou un spectacle préféré bien que vous ayez la certitude de vouloir raconter des histoires et que vous ayez participé à des cérémonies performatives depuis votre naissance et que vous soyez prêt·e à lire, à travailler, à visiter, à témoigner, à essayer... Et si votre corps ne fonctionne pas comme celui des autres? Et si vous avez besoin d’une forme de soutien, contrairement à d’autres personnes présentes dans la salle? Que se passe-t-il si la personne qui juge l’audition ne peut tout simplement pas vous imaginer dans la représentation finale à cause de la couleur de votre peau, de la façon dont votre corps prend (ou non) de l’espace, ou parce qu’elle ne peut pas lire la signification de …

Parties annexes