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Corps flottants 2 : devenir animal du collectif NEKUIA, avec Chardon et Béatrice Villemant. Espace Ricoeur, Université Paris Nanterre, Nanterre (France), 2020.

Photographie de Romain Pichon-Sintes.

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À quoi peut servir le théâtre si ce n’est à témoigner d’une réalité qui échappe aux mots? […] Il n’y a pas de mot dans la langue française pour identifier un parent endeuillé. En évitant de nommer cette réalité, on souhaite peut-être s’en prémunir. Ce qu’on ne peut nommer existe-t-il vraiment? Malheureusement, il semble que oui. Le théâtre est l’outil que nous avons utilisé pour pallier cette absence de mot.

Nini Bélanger et Pascal Brullemans, « L’enfant se meurt »

Corps flottants 2 : l’étrangeté du collectif NEKUIA, avec Mathilde Garcia. Espace Ricoeur, Université Paris Nanterre, Nanterre (France), 2019.

Photographie de Romain Pichon-Sintes.

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On dénombre vingt-trois-millions de grossesses arrêtées par année dans le monde, ce qui représente quarante-quatre grossesses perdues chaque minute. Selon l’étude « Misacarriage Matters: The Epidemiological, Physical, Psychological, and Economic Costs of Early Pregnancy Loss » (2021), publiée par The Lancet et menée par la professeure Siobhan Quenby et son équipe de l’Université de Warwick, la fausse couche est généralement définie comme la perte ou l’arrêt d’une grossesse avant la viabilité de l’enfant à naître. Parmi les arrêts naturels de la grossesse, on distingue les fausses couches dites précoces, qui interviennent avant quatorze semaines d’aménorrhée, ou dites tardives, qui se produisent jusqu’à vingt-deux semaines d’aménorrhée. Si la grossesse cesse d’évoluer après ce stade, on ne parle plus de fausse couche, mais de mort foetale in utero.

Rouge est la couleur (2019) est un projet de recherche-création porté par le collectif NEKUIA qui s’intéresse au deuil périnatal en général et aux grossesses arrêtées en particulier. Le projet hybride, entre danse, arts visuels et théâtre d’objets, porte d’abord l’ambition de rendre visible ce fait de société qui concerne aujourd’hui 15,3% des grossesses reconnues dans le monde (Quenby et al., 2021).

Il s’agit ici d’évoquer les questionnements que ce projet en cours de développement soulève, exposant quelques-uns des premiers jalons théoriques et éthiques de cette recherche-création. Il s’agit aussi et surtout de s’interroger sur la pertinence de porter un tel sujet au plateau, de le défendre sous une forme plastique et poétique autant que documentaire. Puisque c’est un sujet dont les données scientifiques échappent au grand public, nous nous proposons de commencer par donner quelques éléments concrets et chiffrés sur la réalité des grossesses arrêtées. Ensuite, nous prendrons quelques exemples issus des arts de la représentation (théâtre, arts visuels) pour tenter d’en saisir les enjeux esthétiques. Enfin, nous exposerons nos premiers partis pris artistiques.

« Miscarriage Matters »

Libérer la parole

Après avoir redéfini les facteurs de risque, l’étude publiée par The Lancet s’intéresse prioritairement aux effets physiques (saignements hémorragiques ou infections, complications à plus long terme comme des risques cardiovasculaires plus élevés que la moyenne), aux périls psychologiques (augmentation du niveau d’anxiété, dépression, trouble de stress post-traumatique, suicide), mais aussi aux conséquences sociétales, en termes financiers et économiques. Au Royaume-Uni, on estime par exemple à 471 millions de livres sterling par an les coûts liés à la fausse couche.

L’étude insiste : puisque la morbidité psychologique est courante après une perte de grossesse, et tout particulièrement dans le cas des fausses couches à répétition (à partir de trois occurrences successives), ses auteur·trices recommandent que des instruments de dépistage et des options de traitement efficaces pour les conséquences sur la santé mentale des femmes concernées soient disponibles et que les grossesses ultérieures bénéficient d’un suivi dit « de haut risque ».

Or ces risques sont réduits au silence : un silence de mots, un silence d’images. On n’en parle pas, comme pour prévenir le mauvais sort, pour ne pas gêner son interlocuteur·trice et ne pas révéler ce qui pourrait être considéré comme trop intime, en vertu de la pudeur donc, ou de la honte. C’est ce que décrit Judith Aquien dans son ouvrage Trois mois sous silence : le tabou de la condition des femmes en début de grossesse, paru en 2021. Ce livre dénonce la non-prise en charge des femmes – sur les plans professionnel, médical et psychologique – pendant le premier tiers de la grossesse, à la faveur de l’injonction à ne pas en parler. L’ouvrage consacre un large chapitre aux grossesses arrêtées et invite à prendre en compte les conséquences de ce silence : « Si l’on ne parle pas de la fausse couche, la fausse couche n’existe pas. Si un fait, même partagé par une immense partie de la population, n’est pas inscrit dans le récit collectif, il n’y a pas sa place » (Aquien, 2021 : 103).

La fausse couche du premier trimestre reste encore un irreprésentable : sans forme, sans contour, sans matérialité, sans durée, sans mot. Elle intervient au coeur d’un vide : médical, juridique, sociétal. Au risque d’une perte de grossesse, celle-ci n’est validée qu’après l’échographie dite du premier trimestre. Ce n’est qu’à l’issue de cet examen qu’est délivré en France le certificat de grossesse, un document officiel attestant de la réalité de la grossesse. Entre les premiers tests positifs (urinaire, puis sanguin) et cet examen obligatoire, il peut s’écouler environ six semaines. Durant ces six semaines, la femme enceinte, sujette à d’importantes modifications hormonales, à d’éventuelles douleurs physiques ou à des nausées plus ou moins invalidantes, n’est pas encore complètement reconnue comme telle.

Alors, lorsque la perte intervient durant ce laps de temps, le deuil reste indicible, parce que socialement nié, sans objet, sans droit, sans accompagnement, sans cérémonie. Si la grossesse n’existe pas, comment le deuil pourrait-il être nécessaire? Devant le traumatisme réel, évalué par des études scientifiques, on oppose que « la nature est bien faite ». Restent deux options : le médicament ou l’opération. L’ouvrage d’Aquien reprend un certain nombre de témoignages de femmes confrontées à cette expérience. Les situations décrites, d’une grande brutalité, font apparaître le gouffre immense qui oppose la sphère médicale et celle, intime, où se vit une perte profonde, douloureuse et inexprimable. « Vivre une fausse couche en France aujourd’hui, c’est faire l’expérience du vide : la médecine n’a qu’une hâte, celle de vider l’utérus (on parle d’“expulsion”, d’“aspiration”, de “curetage”) » (ibid. : 111). On risque l’infection, l’hémorragie, la mort. Il faut évacuer la grossesse. Le vocabulaire change. Là ce n’est pas un bébé, c’est à peine un embryon; c’est plutôt un résidu, un débris qui menace l’intégrité du corps. Ça doit sortir.

Aquien rapporte également le récit de cette femme qui ne parvenait pas à dire « fausse couche » et qui pointait le fait que les mots lui manquaient. Elle disait explicitement qu’elle ne savait pas quels mots choisir, qu’elle avait vécu une « grossesse arrêtée », qu’elle ne savait pas ce qu’était un « oeuf clair », et qu’après des protocoles qui l’ont « baladée pendant trois semaines » (ibid. : 113), au cours desquels les internes ne pouvaient pas d’eux·elles-mêmes poser le diagnostic, les chef∙fes de service étant absent∙es, elle avait dû prendre ce fameux médicament pour expulser la poche où se trouvait l’oeuf, seule chez elle dans ses toilettes, et que le pire avait été de devoir tirer la chasse d’eau, que cet épisode venait la hanter sans cesse. En France, en 2020, on laisse des femmes tirer la chasse sur leur embryon à peine expulsé. Les médecins ne les appellent pas après. C’est à elles de demander de l’aide (idem).

Libérer l’image

Fausse couche, vrai vécu, image pour la campagne de sensibilisation et la pétition en ligne. France, 2022.

Image de Mathilde Lemiesle.

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« RIEN N’EST FAUX DANS LA FAUSSE COUCHE », scandent aujourd’hui les femmes qui en ont fait l’expérience et qui ont décidé de se faire voir et entendre par le biais d’une pétition relayée sur Internet et qui suit la mouvance salvatrice de la dénonciation des violences sexistes, sexuelles et obstétricales. La charte graphique reprend d’ailleurs cette couleur violette qu’arborent les militantes et sympathisantes du mouvement depuis de nombreuses années.

Parmi les autrices du texte de cette pétition, on retrouve les principales figures qui s’érigent publiquement contre les violences liées à ce tabou : Judith Aquien, bien sûr, mais aussi Mathilde Lemiesle qui en signe le visuel. Autrice et illustratrice, Lemiesle est elle-même survivante de quatre fausses couches successives et mère d’une petite fille née d’une cinquième grossesse à l’issue enfin heureuse. Elle retrace son parcours dans une bande dessinée aussi brillante que nécessaire, Mes presques riens, parue également en 2021.

Mes presques riens (2021), couverture de l’ouvrage paru aux éditions Lapin.

Image de Mathilde Lemiesle.

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L’artiste est d’abord connue grâce à son compte Instagram (@mespresquesriens) sur lequel elle publie des bribes de son histoire, mais aussi des interrogations importantes et des conseils. Elle est l’une des premières artistes à avoir donné une image aux différentes étapes de l’arrêt de la grossesse. Sensible et bien documenté, son travail dévoile un style immédiatement reconnaissable : du noir, du blanc, du rouge pour le sang. Le trait presque naïf, voire enfantin, dessine le portrait d’une femme qui remet en scène sa propre expérience pour la rendre tangible : incrédulité, sidération, souffrance physique, colère, mépris du personnel soignant, incompréhension de l’entourage. Elle en fait image comme pour combattre l’invisibilité de cette traversée solitaire et silencieuse, pour en révéler les douleurs. L’artiste s’en fait aussi le témoin : l’histoire de l’art est loin d’être riche en représentations de cet évènement traumatique.

Avant ces prises de position permises par les rares vertus des réseaux sociaux et leur capacité à créer des communautés autour d’espaces de parole et de créativité, il existait en effet très peu de témoignages et de représentations de ces grossesses où la « mort saisit le vif » (Bydlowski, 2020 : 127), selon l’expression de la psychiatre et psychanalyste Monique Bydlowski. Retenons-en deux dont le travail, témoignage intime en image ou en mots, est devenu une oeuvre majeure.

En 1932, pour l’autoportrait en peinture à l’huile sur métal Henry Ford Hospital ou Le lit volant, Frida Kahlo se représente gisante et en larmes dans une mare de sang sur le lit d’hôpital où elle subit l’un de ses premiers arrêts de grossesse. Autour d’elle, suspendus dans les airs et accrochés à son corps par des fils rouges dont elle ne peut se défaire, les traces de la douleur, le corps de son foetus mort, un escargot pour signaler la lenteur de la prise en charge et une machine pour souligner son inhumanité. En 1976, Marguerite Duras décrit quant à elle ceci dans la revue Sorcières :

Mon ventre était retombé lourdement sur lui-même, un chiffon usé, une loque, un drap mortuaire, une dalle, une porte, un néant que ce ventre… […] Les gens disaient : « ce n’est pas si terrible à la naissance. Il vaut mieux cela. » Était-ce terrible? Je le crois. Précisément ça : cette coïncidence entre sa venue au monde et sa mort. Rien. Il ne me restait rien. Ce vide était terrible. Je n’avais pas eu d’enfant, même pendant une heure. Obligée de tout imaginer. Immobile, j’imaginais (Duras, 1976 : 31-32).

Pour Kahlo en image, comme pour Duras en mots, les représentations de l’infertilité et du deuil relèvent de l’imaginaire du vide, du gouffre : en témoignent le lit volant qui flotte dans le néant et l’imagination convoquée pour prendre le relais de ce qui n’a pas pu être vécu. Le ventre se dégonfle là où il avait pris le temps de grossir, de se rendre visible. La grossesse était là, bien réelle, bien ronde, avant de s’effondrer. L’image convoquée, douloureuse et difficile, reste lisible. Ici, la forme laisse place à l’informe; mais qu’en est-il lorsque le corps n’a pas encore eu le temps de révéler la grossesse au monde? Qu’en est-il des oeufs clairs, des grossesses molaires, extra-utérines, des interruptions médicales de grossesse (IMG), ou des avortements volontaires (IVG)? Comment les rendre perceptibles?

Ce qui réunit ces expériences, c’est sans doute ce même état limite, liminal, intermédiaire, cette zone d’indiscernabilité où la perspective de donner vie échoue, quel que soit le stade de la grossesse. C’est cette zone où elle rencontre la cruauté de la mort, du sang, de la douleur, des larmes, des salles d’attente, des pilules abortives, des blocs opératoires ou de la cuvette des toilettes où souvent tout s’effondre mais ne se termine pas. Parce que ça peut être long, une grossesse qui s’arrête ou qu’on fait s’arrêter : entre la phase diagnostique, l’expulsion proprement dite de l’embryon ou du foetus, les éventuelles séquelles et complications et la phase de reconstruction physique et psychique. Chacun de ces lieux, de ces objets, de ces fluides et de ces états de corps donne chair et matière à l’évènement. Ce sont des sons et des odeurs, des ambiances lumineuses, des bribes de phrases qui reviennent comme des formules toutes faites. Toute cette matière vivante peut devenir une matière de théâtre.

Le théâtre a les moyens de donner forme à ce réel dérobé à la sphère publique, à ce qui se tait et se cache. Il est une prise de parole singulière, qui intervient dans un espace de monstration. C’est une parole adressée à une communauté réunie pour l’entendre. À ce titre, le théâtre est peut-être l’endroit le plus adéquat pour faire l’expérience de ce réel traumatique, pour le donner à percevoir, entendre, comprendre.

Du geste de témoigner à la pulsion de témoignage

Faire deuil, collectivement

Isabelle Ligier-Degauque et Anne Teulade (2018) rappellent que la vertu cathartique, voire thérapeutique du théâtre comporte deux risques : d’une part, la complaisance égocentrique et même narcissique dans une forme d’exhibition de la victime et, d’autre part, comme l’écrivait déjà Paul Ricoeur (2000), que le théâtre ne soit que prioritairement le vecteur d’une parole politique, militante, auquel cas il encourrait le risque (risque qu’il faudrait mesurer) de devenir propagandiste. Bien sûr, Ricoeur, et à sa suite Ligier-Degauque et Teulade, évoquent des oeuvres qui traitent d’autres types de blessures traumatiques, notamment Rwanda 94 (2000) du Groupov et 11 septembre 2001 (2005) de Michel Vinaver. Bien que chacun de ces deux spectacles embrasse la parole d’individus témoins, singularisés, voire nommés, ils évoquent des évènements collectifs et historiques qui ont transformé le monde. Ces évènements sont sans commune mesure avec les témoignages intimes et individuels relatifs à une expérience comme la fausse couche ou le deuil périnatal.

Pourtant, si l’on peut, dans ce contexte, convoquer ces exemples, c’est parce que dans l’histoire récente du théâtre, ce sont bien les évènements traumatiques collectifs qui ont permis de porter les témoignages au plateau et d’engager les démarches de théâtre documentaire (d’Erwin Piscator à Peter Weiss). Ainsi, là où la question posée par Ligier-Degauque et Teulade paraît particulièrement intéressante, c’est qu’elle s’interroge sur la manière dont le théâtre peut apporter un surcroît de réflexivité au sujet traité et libérer les mémoires. Elle met en avant une vertu propédeutique de la blessure révélée qui suppose que le théâtre, à sa manière, pourrait aider à comprendre et à percevoir ce qui ne trouve pas de réponse. De fait, le « geste de témoigner » (Sarrazac, Naugrette et Banu, 2011 : 51-52) est devenu un dispositif théâtral primordial de l’après-guerre, répondant à la violence et au caractère sidérant des catastrophes du XXe siècle. Ce geste donne naissance à une véritable « pulsion de témoignage » qu’évoque à son tour Catherine Coquio tout en la rattachant à la « bataille pour le sens » qui caractérise cette époque : « le désir d’instruire le crime et de prouver l’événement, le désir de penser la Catastrophe et de pleurer les morts »; des tâches qui sont, précise-t-elle, « inachevables » (Coquio, 2015 : 116).

Deux moyens seraient donc à envisager ou à interroger pour faire entendre la parole des femmes qui ont traversé l’expérience de la perte périnatale. D’une part, se servir de l’espace scénique pour retracer l’évènement traumatique, son contexte, ses enjeux (même sur un plan scientifique), pour les mettre à distance de soi et les interroger collectivement. D’autre part, faire du lieu théâtral celui où peut s’organiser le rituel de deuil, surtout lorsque celui-ci a été rendu impossible par les circonstances.

C’est ce que proposent d’autres écritures théâtrales comme Un sacre de Guillaume Poix et Lorraine de Sagazan (compagnie La Brèche, chorégraphie de Sylvère Lamotte, spectacle créé le 28 septembre 2021 à la Comédie de Valence, Centre Dramatique National Drôme-Ardèche). Conçu pendant les confinements, alors que les deuils, rappelons-le un instant, ont été parfois privés de cérémonie, Un sacre est né de rencontres avec plus de trois-cents personnes qui ont chacune évoqué avec l’équipe artistique la disparition d’un être cher et l’insuffisance de la prise en charge collective de leur expérience de deuil. Au-delà de la crise sanitaire, les artistes se sont retrouvé·es confronté·es au tabou de la mort, mis hors champ par nos sociétés positivistes. De façon assez surprenante, Poix et de Sagazan revendiquent le choix de s’écarter de la démarche documentaire et d’embrasser une dimension fictionnelle, quitte à s’éloigner du témoignage initial. La représentation théâtrale ne cherche pas à donner une version exacte de la personne défunte, mais plutôt, comme l’écrivent la metteure en scène et l’auteur dans le dossier de présentation du spectacle, à investir l’espace existant entre cette personne et l’acteur ou l’actrice qui a la charge de lui donner corps et voix sur scène. Elle cherche à approcher l’invisible, l’informulé, tout ce que la rencontre induit et ce que la fiction aide à penser, à déployer, à célébrer. C’est là une manière de réaffirmer l’essence même du théâtre, son besoin de l’autre pour advenir, pour lui permettre de revêtir tous ses pouvoirs en matérialisant un espace de deuil.

Un sacre repose également sur une trajectoire dansée chorégraphiée par Sylvère Lamotte (compagnie Lamento) qui vient asseoir la cérémonie funéraire à laquelle le public est convié. Chaque phrase chorégraphique effectuée sur scène par le groupe d’acteur·trices revêt un sens et permet au rituel de deuil d’être performé. Parmi ces gestes, un effleurement de la clavicule, par exemple, manifeste le sillon des larmes et la nécessité de pleurer les mort·es. Grâce à cette coexistence des langages (textes, mouvements), le public conserve la liberté de choisir son entrée dans le spectacle : réel, fiction, ou cérémonie rituelle.

Presque à rebours, ou à l’inverse, Beauté, chaleur et mort de Nini Bélanger et Pascal Brullemans, créé à Montréal au théâtre La Chapelle en 2011, qui met en scène le deuil tout particulier qu’est le deuil périnatal, fait le choix de l’hyperréalisme. Ce premier volet d’un diptyque intitulé Le cycle de la perte est motivé par l’expérience traumatique de la perte d’une enfant âgée de quelques jours seulement. Le couple se met en scène lui-même pour raconter sa propre histoire, approcher cette « zone trouble qui existe entre la représentation et l’intime, explorer le malaise que crée cette impudeur au théâtre » (Bélanger et Brullemans, 2012a : 108). Au plateau, l’un et l’autre se partagent les tâches d’incarner leur mémoire commune. Il s’agit de fixer le souvenir de cette enfant prénommée Fée que l’on découvre sur une photographie polaroïd que les parents ont prise à l’hôpital dix ans auparavant, au moment du drame. L’image arrachée à la tourmente du réel est difficile à regarder. On la sait issue du protocole hospitalier, mais les artistes-parents ont choisi de la rendre incontournable en en faisant l’affiche même du spectacle. Sur scène, Bélanger et Brullemans rejouent la scène de la mort de leur enfant. Il·elles répètent aussi la capture de cette image. On ne peut plus détourner le regard :

En voyant le spectacle, on comprend l’origine de cette photo, sa nécessité. Après, c’est au spectateur de décider si nous avons été trop loin. Chacun a droit à sa réponse. Mais le fait de tenir le programme, où apparaissait la photo, a sans doute dû contribuer à rendre extrêmement concrète la représentation de l’enfant pour chaque spectateur (ibid. : 58).

Loin du débordement pathétique, le spectacle ménage même des moments d’humour, de mise à distance entre l’acteur·trice et son personnage – même s’il·elle se joue lui·elle-même. Puis la pièce progresse méthodiquement vers l’inclusion du public dans l’espace intime du couple. L’espace théâtral et l’espace intime débordent sur l’auditoire. Dans le dernier tableau, le couple semble prendre part à une séance de thérapie collective destinée aux parents endeuillés. Il s’adresse alors aux spectateur∙trices, chacun·e se voyant attribuer le rôle de participant·e au groupe de soutien et se trouvant nécessairement appelé·e à porter le deuil avec le couple en scène :

Je suis contente d’être ici, de pouvoir en parler. Je la porte tout le temps, partout où je vais. Ces temps-ci, je marche beaucoup, dans la ville, ça me fait du bien. Ça m’aère la tête, ça m’apaise. Mais en marchant comme ça, à travers les gens, je me dis souvent que personne ne voit la peine que je porte en dedans, au fond de moi, pis des fois j’ai le goût de crier : « J’ai une fille… mais elle est morte! » Je ne le fais pas. On fait pas ça (Bélanger et Brullemans, 2012b : 52).

Cette hypersollicitation de la sensibilité du public doit être interrogée. Comment ne pas prendre en otage le public? Faut-il blesser, heurter pour évoquer la douleur? Faut-il choquer pour défendre? Comment conserver une distance réflexive? Faut-il choisir entre vertu propédeutique et vertu cathartique? L’espace du théâtre est-il celui de la thérapie?

Guérison et autre zone grise

Pour Bélanger, la zone grise, c’est la question de la guérison. Il est là, explique-t-elle, le malaise : « Et si la guérison ne venait jamais, serions-nous obligés de nous taire pour toujours? » (Bélanger et Brullemans, 2012a : 110). Il ne s’agit pas de faire une thérapie, ni pour les un·es ni pour les autres, de part et d’autre de l’espace scénique. Il s’agit de raconter une histoire vraie, une histoire vécue. Pour Brullemans, auteur, c’est justement parce qu’il l’a vécue qu’il a pu trouver un angle intéressant pour raconter cette histoire : « d’un point de vue dramaturgique, notre histoire relevait plutôt de l’anecdote, du fait divers » (idem). Ce qui intéresse le couple est bien de faire oeuvre de cet hyperréalisme, d’interroger ces frontières poreuses de l’éthique, de l’intime et du deuil sur un plateau de théâtre :

L’oeuvre se veut […] une réappropriation à la fois de l’événement, de l’acte créateur et du langage théâtral : répéter, redire, transformer et faire de l’autre le porteur de sa souffrance. Transcender la mort de l’enfant en un projet qui réponde à la fois à la pulsion viscérale de l’intime, au devoir éthique de commémoration, au désir d’expérimentation théâtrale et à l’aspiration à l’immortalité par l’art (Laflamme et Ménard, 2011 : 78-79).

Il paraît alors nécessaire que la scène joue à son tour son rôle d’espace réel, concret, matériel. Il semble salvateur – éthiquement, politiquement – qu’elle propose des images, des matières, qu’elle donne à percevoir des situations qui permettent d’accéder à la dimension sensible de l’évènement, à sa part physique et physiologique, à sa réalité. Or, comme le soulève Véronique Perruchon à propos de la mort de l’enfant, « [s]’arrêter aux circonstances sans creuser les enjeux serait vain, car au théâtre les motifs ont certes une portée symbolique qui donne du sens mais ils ont surtout une dimension esthétique et poétique » (Perruchon, 2010 : 19). Il faut alors trouver un langage scénique qui tienne compte des aspects tant psychiques que physiques de l’évènement. Les écueils sont bien sûr nombreux : la vanité ou la vacuité d’un pathos mal dosé, l’abject d’une colère non maîtrisée, le voyeurisme clinique ou l’un de ses revers, l’apathie.

Une donnée poétique

Représenter l’enfant mort

Dans l’ouvrage qu’il dirige et qu’il consacre à cette question, Georges Banu considère la mort de l’enfant au théâtre comme un centre rayonnant, un motif récurrent, « avec variations » (Banu, 2010). Pour lui, l’enfant y est « toujours défini par son âge, sans identité propre, sans biographie » (ibid. : 10), mais sa mort cristallise un rapport au monde, révèle des stratégies de pouvoir et concentre les peurs d’une époque. Elle est révélatrice d’un Zeitgeist, d’un esprit du temps, dont elle se fait le symptôme diffus. La mort de l’enfant « donne à lire la relation qu’entretient une société à sa régénération possible et à ses perspectives » (ibid. : 11).

L’histoire du motif, rappelle Banu, commence bien sûr avec l’emblématique Médée. La mythologique mère infanticide est piégée, fixée dans le présent de son geste. Alors qu’elle avait rompu ses liens avec le passé, elle se prive aussi de son futur. L’histoire se poursuit avec les morts politiques qui assèchent les filiations ennemies pour renverser ou pérenniser le pouvoir. Au tournant du XXe siècle, la mort de l’enfant est plutôt le fait du hasard, d’un destin tragique qui s’abat sur une famille ou un groupe. Elle se fait présage d’un arrêt du progrès et des certitudes qui l’accompagnent. Le malheur frappe et les petits corps tombent. L’accident terrible survient, la maladie accable. Les Tintagiles du symbolisme meurent pour dire l’inquiétude d’un monde en profonde mutation.

Puis Banu revient sur le fait qu’à la période à laquelle il écrit, la question du meurtre délibéré de l’enfant a depuis plusieurs décennies refait surface. Les nouvelles Médée s’infligent la plus violente des douleurs, comme rempart au suicide ou comme hybris suprême, dernier acte libérateur. C’est un excès de souffrance qui pousse au geste d’infanticide, ou à celui d’empêcher les naissances. Banu remarque ainsi que le motif de l’avortement se fait de plus en plus récurrent. Au cours des années 1970, dans les oeuvres de Franz Xaver Kroetz – Heimarbeit (Travail à domicile) (1971) ou Oberosterreich (Haute-Autriche) (1972) – ou de Michel Deutsch – La bonne vie (1975) –, qu’il cite à titre d’exemples, les mères dont la vie quotidienne est devenue insupportable décident de « rendre le monde infécond », faisant alors motif d’un « interdit de l’avenir » (ibid. : 16) en annulant la venue au monde d’un enfant non désiré. La vie et la mort de l’enfant in utero commencent à être interrogées par le texte dramatique. Dès 1889, dans Vor Sonnenaufgang (Avant l’aube), le naturaliste allemand Gerhart Hauptmann imagine le personnage de Martha, une alcoolique enceinte qui serait responsable, à cause de sa pathologie, de plusieurs fausses couches antérieures. Le tragique est quotidien, le drame est social, et la femme, alitée durant toute sa grossesse et restée invisible du public, accouche hors scène d’un enfant mort-né dont « la vie impossible […] préfigure l’impossibilité de renaitre de l’adulte » (Paul-Harang, 2010 : 189). L’évènement se joue sans être vu, à la lisière de la scène, du visible. Seuls des gémissements, des plaintes, quelques rares sons avant et pendant la mortinaissance restent perceptibles du public. La mort de l’enfant à naître, ou à peine né, relève d’un irreprésentable. Elle est l’un des symptômes du mal, sans en être le coeur.

Lors de l’autoentretien auquel Bélanger et Brullemans se livrent pour la revue Jeu, le couple repousse à plusieurs reprises la question inéluctable de la représentation. « Comment avez-vous représenté l’enfant? » (Bélanger et Brullemans, 2012a : 110.) Comment représenter cet enfant d’abord non né, puis vivant, puis malade, puis mort, tout cela en si peu de temps? Comment représenter un enfant mort? Comment représenter son propre enfant mort? Banu, déjà, posait cette question : « que peut-on montrer? » (Banu, 2010 : 17.) Peut-on faire le choix d’un substitut, d’un pantin, d’un mannequin, d’une poupée bricolée? Peut-on se satisfaire d’un pseudo-enfant? Véronique Perruchon le résume très bien :

La représentation des enfants vivants ou morts reste une donnée essentiellement poétique. […] Tout est une question de mise en scène. […] L’affect peut entrer en jeu par le principe de construction d’une illusion théâtrale […] [et] l’enfant de chiffon peut se révéler plus probant émotionnellement qu’un baigneur hyper réaliste (Perruchon, 2010 : 23).

Lorsqu’il·elles finissent par répondre à leur propre question, Bélanger et Brullemans l’admettent : la couverture, c’était trop simple, trop banal, presque cliché. Ce cliché-là, pourtant, est le seul qui leur a paru juste :

Nini : Pliée sur une table, c’est un objet qui n’a aucune présence. Cela convenait à la première partie qui raconte la naissance du bébé. Ensuite, lorsque l’enfant est transporté à l’hôpital et qu’on interdit à ses parents de le toucher, la couverture blanche, posée à plat sur le lit de métal représentait parfaitement en même temps la présence de l’enfant et le côté froid et ascétique de l’institution. Au moment de la mort, lorsque le couple peut enfin prendre l’enfant dans ses bras, la couverture mise en boule prenait une forme organique et passait instantanément du vide au plein (Bélanger et Brullemans, 2012a : 112).

Cette couverture blanche, à la lisière du vivant et du mort, n’enveloppe plus l’enfant, mais dévoile son vide, son creux, son absence. Elle est symptôme de la disparition de la petite fille à laquelle elle était destinée. Elle exhibe cette disparition. L’enfant ne peut y être rendue visible que par « son empreinte » (Didi-Huberman, 2008), selon le terme de Georges Didi-Huberman dans La ressemblance par contact que reprennent Catherine Cyr et Jennifer Bélanger (2019) dans leur analyse du spectacle. Ainsi, la posture de Beauté, chaleur et mort est, selon les deux autrices, celle d’une (re)mise au monde. Elles s’interrogent : comment rendre visible et partageable la paradoxale persistance de ce qui n’est plus, et qui n’a presque pas été? La justesse du recours à l’objet s’explique en effet par ce jeu de flottement entre la présence et l’absence qui sous-tend l’ensemble de ce projet :

Pascal : En prenant cette couverture comme trésor précieux, elle devenait notre enfant. Nous pouvions alors reproduire l’accompagnement et surtout l’immense difficulté de laisser le corps de l’enfant après sa mort. À la toute fin, nous n’avions qu’à replier doucement la couverture, puis la ranger dans un tiroir pour expliquer que le jeu était terminé. Dans la dernière partie qui explore le deuil, nous nous servions de la couverture comme nappe, pour souligner que la vie continue malgré la perte (Bélanger et Brullemans, 2012a : 112).

La fausse couche, si elle est précoce, échappe encore plus radicalement aux images, au tangible du plateau. « Là où le concret se dérobe, l’imaginaire se déploie » (Banu, 2010 : 18); or dans le cas de la grossesse arrêtée au premier trimestre, une part de l’évènement lui-même se dérobe déjà. Comme la grossesse qui s’arrête est vécue dans l’intimité d’un corps duquel s’échappe l’avenir, sa mise en scène et son récit ont-ils leur place sur un plateau de théâtre? De nouveau, comme au temps du symbolisme, le destin frappe, le couperet tombe et le coeur à peine formé arrête de battre. Négligée par le corps médical, parce que trop banale, autant que par la société, parce que trop tue, trop taboue, pas assez visible, la fausse couche est un impensé ou un repoussoir. Elle échappe à la question de la représentation. Pourtant, la rendre aussi audible que visible semble répondre à une exigence, voire à une urgence politique. Au théâtre ou dans les écritures tourmentées du XXe siècle, l’avorton, le·la non né·e, l’homoncule et le foetus sont les incréés d’Antonin Artaud ou de Samuel Beckett (Grossman, 2004) dont ils figurent et défigurent les recherches poétiques et les questionnements sur les origines et la fin (du texte, de la voix, du corps, du lieu). Ils sont les avatars d’un sujet qui s’enlise entre naissance et mort, et que « le narrateur tente de concevoir pour parler à sa place » alors que « rôde l’angoisse de la déshumanisation » (ibid. : 56).

Essai d’une petite figure d’homoncule en marge d’une représentation de La messe de l’âne d’Olivier de Sagazan. Centre Dramatique de Rouen, Rouen (France), 2023.

Photographie de Shirley Niclais.

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Corps flottants

Cette angoisse de la déshumanisation propre aux artistes du XXe siècle a peut-être laissé place à une angoisse de l’infertilité, dont on ne cesse de répéter combien elle est grandissante aujourd’hui. Cette angoisse irrigue, par exemple, l’oeuvre de la plasticienne franco-américaine Louise Bourgeois. Or c’est bien à cette singulière artiste que le projet Rouge est la couleur doit son titre, et à ce poème qu’elle écrit, en anglais et en français, et qu’elle ressasse, dessine, brode ou grave sur de nombreuses oeuvres : « Rouge est la couleur du sang, de la douleur, de la violence, du danger, de la honte, de la jalousie, des reproches, des ressentiments » (Bourgeois, citée dans Musée d’art moderne de la ville de Paris, 1995 : 213).

La grossesse, la naissance et la maternité, dans l’oeuvre de Bourgeois, sont liées à des émotions contraires, sources à la fois d’anxiété et de fantasme. Elles peuvent être tout aussi tranquilles que terribles et menaçantes et sont porteuses d’une mélancolie liée à une angoisse de tomber (enceinte, malade, morte) ou d’échouer, de rater, de s’effondrer. Bourgeois est pourtant mère trois fois. Une première fois avant son exil aux États-Unis en adoptant Michel, un orphelin français né en 1936, alors qu’elle craignait de ne jamais connaître la maternité. À New York, elle donne aussi naissance à Jean-Louis, en 1940, qui naît de façon prématurée. Son troisième fils, Alain, auquel elle consacre son cycle The Reticent Child (2003-2004), vient difficilement au monde l’année suivante.

La maternité reste un motif aussi puissant que récurrent de son oeuvre. Bourgeois présente de nombreux corps en apparence sans vie, accrochés par le nombril. Ces figures suspendues, oscillatoires, sont comme permutées, comme si l’espace lui-même accouchait de ces nouvelles oeuvres dont certaines prennent justement la forme d’accouchements suspendus, interrompus en cours de route ou volontairement laissés en suspens. Le cordon ombilical peut se faire autant le fil qui prévient la chute que la corde d’un·e condamné·e : séparation, déracinement, douleur et chute dans la dureté du monde.

Do Not Abandon Me, réalisé en 1999, relève de cette ambivalence. Bien que la figure ne soit pas à proprement parler suspendue, le cordon ombilical qui retient le foetus désormais nouveau-né se refuse à être coupé. S’installe alors une relation d’interdépendance entre la mère et l’enfant, puisque curieusement le cordon ombilical est directement rattaché au corps de la mère par son propre nombril. Il est tout autant le créateur que le créé, le nouveau-né autant que celui qui donne la vie. Les figures suspendues de Bourgeois sont toutes liées à la zone ambiguë et réversible entre la naissance et la mort. Elles flottent comme des suicidées ou comme des noyées – une autre image qui traverse l’oeuvre de l’artiste. Bourgeois nous apprend à naître par le plafond et cette relation à l’espace devient organique, naturelle, essentielle. L’espace accouche d’une fiction pétrie de réel, d’expérience, de terreur, de sensible, s’offre en suspension au public venu lui rendre visite et qui choisira de l’investir à sa guise.

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C’est autour de cette idée de « corps flottants » et d’espaces liminaires que se sont rencontrées les membres du collectif NEKUIA qui travaillent à la réalisation de Rouge est la couleur. Il s’agit d’un groupe exclusivement féminin que j’ai formé pendant trois ans au théâtre d’objets, ce médium qui permet à l’objet brut, concret, de convoquer les souvenirs sous leur forme primaire, mais aussi de revêtir d’autres images et d’autres réalités. Certaines membres du groupe ont connu l’expérience de la maternité, d’autres pas encore. D’autres aussi, comme l’autrice de ce texte et porteuse de ce projet, ont traversé les douleurs de la grossesse arrêtée et des violences médicales, sociales et professionnelles qu’elles supposent bien trop souvent.

C’est tout cela que Rouge est la couleur cherche à convoquer, tissant témoignages et objets arrachés au drame ou aux états de corps. C’est l’histoire de Fadila, hôtesse de caisse de vingt-trois ans au magasin Auchan City de Tourcoing en 2016 qui se vide de son sang à son poste de travail, sous les yeux de ses clients. C’est l’histoire de Kalho, de Duras, d’Aquien, de Lemiesle et de tant d’autres encore. C’est l’histoire de corps qui souffrent en silence et dont l’espace théâtral pourrait enfin circonscrire l’expérience, accoucher la présence et faire entendre la voix.

Corps flottants 2 : devenir animal du collectif NEKUIA. Espace Ricoeur, Université Paris Nanterre, Nanterre (France), 2020.

Photographie de Romain Pichon-Sintes.

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