Résumés
Résumé
Dans l’histoire de la musique occidentale, le statut de l’atelier – comme lieu du faire et lieu de transmission – semble inexistant. À première vue, il n’y a pas d’équivalent en musique des ateliers de sculpture et de peinture de la Renaissance, du baroque ou du XIXe siècle qui, progressivement, deviendront à la fois des lieux d’exposition et de fabrique de l’oeuvre. Cette histoire des ateliers d’artistes ne traverse pas de façon aussi visible celle de la fabrique des oeuvres musicales. Notre hypothèse est que cette histoire invisible de l’atelier musical est en partie due à la nature même de la musique, éclatée en plusieurs lieux et points d’écoute.
Mots-clés :
- musique,
- atelier musical,
- atelier éclaté,
- points d’écoute
Abstract
In the history of Western music, the status of the workshop – as a place of making and a place of transmission – seems non-existent. At first glance, there is no equivalent in music to the sculpture and painting workshops from the Renaissance, Baroque and XIXth century, which gradually became both exhibition spaces and places of artistic creation. This history of artists’ workshops is not as visible as the history of the production of musical works. Our hypothesis is that this invisible history of the musical workshop is partly due to the very nature of music, which is spread across multiple locations and listening points.
Corps de l’article
Dans l’histoire de la musique occidentale, le statut de l’atelier en tant qu’espace physique réservé et consacré à la création d’un·e seul·e artiste – tel que l’histoire de l’art nous l’a transmis – semble inexistant. L’atelier est, en effet, moins nommé dans le champ de la composition et de l’interprétation musicales que dans celui des arts visuels. À première vue, il n’y a pas d’équivalent en musique des ateliers de la Renaissance et du baroque (Fra Filippo Lippi, Antonio Pollaiuolo, Andrea di Michele di Cione dit Le Verrocchio, Artemisia Gentileschi…) ou des ateliers de peinture et de sculpture des XIXe et XXe siècles – pensons à ceux d’Antonio Canova et d’Adamo Tadolini à Rome, de Paul Cézanne au pied de la Sainte-Victoire ou de Salvador Dalí à Cadaqués. Ces espaces physiques deviendront à la fois des lieux d’exposition et de fabrique de l’oeuvre, comme le révèle, par exemple, le documentaire Le mystère Picasso (2007 [1955]), mais aussi les emblèmes d’un style de vie (Charpy, 2009). D’ailleurs, Isabelle Ewig, dans son texte sur Hans Arp, rappelle l’étymologie du mot « atelier » : en 1332, « atelier » (astelier) signifiait « tas de bois », puis en 1362, il désignait le « lieu de travail du bois (tonnellerie, menuiserie…) et enfin (au début du XVe siècle) tout lieu de travail artisanal – avant même de s’attacher aux activités des beaux-arts » (Ewig, 2011 : 193). Progressivement réinventés à la fin du XXe siècle, les ateliers accompagnent à l’heure actuelle la figure de l’artiste dans notre société contemporaine, située au plus près des tissus urbains (Marrey, 1974), dans leurs marges comme dans leurs hypercentres, mais aussi des logiques esthétiques de l’art contemporain contextuel. Citons en exemple le duo Vincent + Feria, qui avait forgé à la fin des années 1990 un concept lié aux performances in situ, celui de casa T tel que déployé dans la casa T Caracas ou la casa T Paris :
casa T Paris est une installation évolutive qui expose une proposition, intervention ou action visuelle, sociale, esthétique, plastique, ludique, gastronomique, festive, chaque jour du mois de juin 1998, de V + F et leurs invités. Cette expérience permet d’intervenir cette fois-ci sur un terrain vague et d’interroger l’acte d’exposer pour ce qu’il est : une forme particulière de communication. casa T Paris relève de la volonté de décloisonnement et est à la fois un lieu de production, d’échange et d’exposition
(Vincent + Feria, 1998).
Si la notion d’atelier en arts plastiques a évolué au cours des siècles, il n’est pas évident de constater une telle évolution dans la pratique musicale. Pourtant, l’atelier conçu comme un lieu clos, privé, où l’artiste musicien·ne travaille de façon isolée, existe bien en musique. Durant des siècles, la figure du compositeur ou de la compositrice solitaire s’impose et fait de l’acte compositionnel une pratique souvent individuelle, reléguée dans l’espace exigu d’une chambre, avec une table et quelques instruments, le plus souvent polyphoniques (luth, théorbe, clavecin, fortepiano, puis piano). Nous ne sommes pas loin de la notion du studiolo comme lieu de réflexion et de création musicales, effectuées dans le silence d’un espace intime. La fabrique des oeuvres est, pendant longtemps, une pratique invisible : l’art musical rime alors avec l’inspiration et le génie quasi sacrés qui entourent la composition musicale. Même dans le cas d’un compositeur comme Beethoven, qui a laissé nombre d’esquisses de ses oeuvres (Cooper, 1991), les documents d’archives ne seront réellement valorisés que dans la seconde partie du XXe siècle. L’histoire occidentale de la musique est, à sa naissance, davantage centrée sur l’histoire des formes, des créateur·trices, sur l’analyse harmonique ou formelle (Bachman, 1992; Meeùs, 2015). L’esquisse ne se montre peu ou pas, et la fulgurance entretient, pendant des siècles, l’image d’une création musicale spontanée : celle du génie. Représentation que déconstruit, par ailleurs, Tia DeNora (1998 [1995]) dans son ouvrage sur Beethoven. Dès la fin du XXe siècle, l’articulation entre théorie et composition s’affirme dans les études musicologiques (Donin et Feneyrou, 2013) et le développement d’une critique génétique engendre de nouvelles dynamiques de recherches collectives sur les processus de création, réunissant musicologues, compositeur·trices et interprètes (Donin, 2019; Donin et Traube, 2016). Par exemple, dans deux longs articles datant du début des années 1990, Salvatore Sciarrino (2001 [1993]; 2001 [1991]) dévoile, grâce à une analyse très fine, le processus de création chez Mozart.
C’est à partir de ces premiers constats que nous avons construit notre réflexion, dont l’objectif est de proposer des pistes épistémologiques, théoriques, pratiques et esthétiques pour localiser ce que nous pourrions concevoir comme l’atelier en musique. En effet, si l’atelier en tant que « lieu de fabrication » et « lieu de transmission » d’un savoir-faire est souvent associé en musique à d’autres termes – par exemple celui de « laboratoire » (qui emprunte à la science le lieu par excellence de la découverte par l’expérimentation), celui de « groupe » ou de « studio » –, une réflexion générale sur ce qui ferait atelier en musique semble nécessaire pour éclairer les enjeux que nous souhaitons soulever dans cette contribution. Loin de vouloir retracer de façon exhaustive une histoire de l’atelier musical[1], nous avons choisi quelques exemples représentatifs de divers lieux dans lesquels se décline l’atelier en musique. Notre hypothèse est que cette histoire invisible de l’atelier musical est en partie due à la nature même de la musique, dont l’existence, a minima, est double. De l’espace mental du compositeur ou de la compositrice (Sciarrino, 2012 [1984]) à l’espace sonore de l’interprète et de l’auditeur·trice (Szendy, 2001; 2002), l’atelier en musique ne peut occuper un seul lieu, géographiquement et physiquement déterminé. La musique comme points d’écoute[2] incarne une spatio-temporalité spécifique et induit ainsi un atelier éclaté. L’atelier en musique se prolonge, en effet, dans les salles de répétition, sous les doigts des interprètes (parfois eux·elles-mêmes créateur·trices comme dans le cas des musiques improvisées, des musiques actuelles, dans diverses dynamiques de groupes-ateliers) ou dans les oreilles et l’imaginaire des auditeur·trices. Cette existence multiplie les niveaux d’instauration et d’actualisation de l’oeuvre musicale en plusieurs espaces-temps : ceux de son écriture, de son interprétation, de son écoute et de son enregistrement (Esclapez et Brétéché, 2020).
S’il nous est impossible de parcourir ici l’histoire de la musique occidentale afin de reconstituer une probable histoire de l’atelier, nous tenterons dans ce texte de cibler quelques points de repère qui signent l’évolution de la notion d’atelier, de les analyser, de les comparer et de les interroger pour tenter de proposer ce qui caractériserait la spécificité du « faire » en musique et de son lieu d’émergence. L’atelier nous apparaît comme lieu de création (composition, improvisation, interprétation), lieu de transmission et lieu d’expérimentation. De cette typologie, à première vue circonscrite à ces trois espaces, se dégagera une autre typologie, poreuse, dynamique, en réseau, que nous proposons de nommer l’atelier éclaté.
Pour une typologie de l’atelier en musique
Création – transmission – expérimentation : ces trois lieux nous permettent de révéler trois conditions de l’atelier en musique, spécifiques mais complémentaires, car inhérentes à la nature multiple de la musique.
L’atelier comme lieu de création
L’atelier comme lieu de création, entendu ici comme lieu de la fabrication de l’oeuvre[3], renvoie à une diversité d’espaces, privés ou collectifs, dont l’identité se modifie inévitablement au fil des époques. L’utilisation du terme « atelier », dans l’esthétique de la musique contemporaine, est circonscrite en France[4] à quelques cas exemplaires. En tant que lieu de création, le studio-atelier de Pierre Henry marque toute une époque et témoigne d’une « pratique concrète » (Battier, 2013 : 701). Marc Battier précise :
[C]’est le studio qui tente avant tout le jeune Henry, qui trace ainsi une voie nouvelle à la pratique concrète. Pour lui, la musique électro-acoustique est affaire de geste et d’invention, et il restera fidèle à ses intuitions premières. Et Pierre Henry d’écrire en 1970 : « Quelqu’un qui pratique la musique électro-acoustique invente sa musique, la fait, la réalise avec ses doigts »
(idem).
C’est dans sa maison-studio-atelier, située dans le 12e arrondissement de Paris, qu’Henry a conçu, composé et archivé ses oeuvres à partir de 1971[5], grâce à tout un dispositif technologique. Les murs de sa maison abritaient également, tel un musée, ses créations plastiques qu’il avait nommées « peintures concrètes » (assemblages d’objets, d’instruments, de pièces électroniques, etc.). En ce sens, son atelier était unique. À la fois lieu de création sonore et visuelle, sa maison-studio est ouverte pour des concerts publics en 1996 (et jusqu’en 2010), à l’occasion du Festival d’Automne[6]. En 2018, un an après le décès du compositeur, la maison est rachetée par un promoteur immobilier et le studio-atelier d’Henry est complètement démantelé et reconstruit à l’identique dans les lieux du Musée de la musique[7] (à la Cité de la musique – Philharmonie de Paris). Grâce au don de ses ayants droit, la Bibliothèque nationale de France (BnF) a procédé à l’archivage complet des milliers de sons conservés chez Henry, des oeuvres, des concerts enregistrés sur des bandes magnétiques, ainsi que des pages d’annotations accompagnant les oeuvres[8]. Si le dispositif est aujourd’hui reconstitué fidèlement, l’identité de l’atelier – sa résonance, la présence des lieux, l’espace de la maison – a quant à elle complètement disparu.
Dans un cadre plus institutionnel, la dénomination « atelier » est aussi empruntée par l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique / Musique (Ircam) au sein de l’académie pluridisciplinaire organisée durant le Festival ManiFeste / Ircam[9], qui est l’un des plus importants festivals de musique contemporaine en France. À cette occasion, plusieurs ateliers de composition (ateliers pour ensemble dirigé, ateliers pour musique de chambre) permettent à de jeunes compositeur·trices de travailler sur une nouvelle oeuvre avec des interprètes et des artistes créateur·trices de renommée mondiale, en bénéficiant de leurs conseils et de leur expérience. L’atelier est ici un lieu où la création, si elle n’est pas « collaborative », s’appuie tout de même sur la dynamique du collectif (Passeron, 1989 [1981]) entre compositeur·trices et interprètes, et permet la réalisation d’une production musicale inédite.
Cette première catégorie localise l’atelier en musique comme un lieu de création. Elle interroge la fabrique de l’oeuvre et correspond à l’élargissement de la musicologie historique au début du XXIe siècle. En effet, les études musicologiques s’orientent depuis quelques décennies vers l’analyse des processus de création, notamment à partir des études génétiques[10]. Les écrits de compositeur·trices – pensons à ceux de György Ligeti, Salvatore Sciarrino, John Cage, Morton Feldman, Karlheinz Stockhausen, Luigi Nono, Gérard Grisey, et plus récemment Frédéric Durieux ou Stefano Gervasoni, disponibles grâce à toute une génération de musicologues[11] qui ont permis le développement de cette littérature – offrent également des outils indispensables pour approcher leurs choix esthétiques ainsi que leurs processus de composition. Il faut aussi rappeler que, pour la plupart des compositeur·trices, l’atelier est un espace qui n’est pas forcément partagé. C’est le cas, par exemple, de Sciarrino pour qui l’atelier est le lieu de l’intime, du secret, et où ses esquisses, ses diagrammes, n’ont pas vocation à être dévoilés. Il écrira d’ailleurs que c’est la raison pour laquelle il oublie ses cartes dans son laboratoire ou sur la table des apprenti·es (Sciarrino, 2001 : 254).
Enfin, d’autres ateliers en musique comme lieux de création restent intimes ou réservés : pensons aux lieux privés des compositeur·trices, improvisateur·trices ou interprètes (leurs lieux de vie et de création). Ce qui n’est pas tout à fait le cas dans les arts plastiques, où l’atelier était et reste encore aujourd’hui un lieu de création et d’archivage de matériaux épars ou d’exposition des oeuvres, voire un lieu d’apprentissage pour les jeunes artistes. Comme nous l’avons vu précédemment, en musique, le cas d’Henry est rare, mais reste néanmoins représentatif (Chion, 2003; Henry, 2004).
L’atelier comme lieu de transmission
Les enjeux et les dynamiques de transmission en arts ont fait l’objet de plusieurs recherches durant les dernières années (Gosselin et St-Denis, 2011; Kihm et Mavridorakis, 2013; Stévance et Lacasse, 2013; ARFAE, 2018). Ces enjeux ne sont pas extérieurs au processus de création artistique, ils y sont intimement liés. En musique, les écrits de compositeur·trices représentent des témoignages sensibles de première importance sur la question de la transmission. Si Sciarrino oublie ses cartes dans l’intimité de son laboratoire, son questionnement sur la manière d’aborder l’enseignement de la composition reste exemplaire. Nono (2017) s’exprime dans ses écrits sur le rôle des ateliers de composition de Kranichstein en 1958. L’intérêt pour l’écriture pédagogique est aussi un point central de l’esthétique de Paul Méfano (Giacco, 2017). De son côté, Ligeti (2014) s’interroge sur la nature de l’enseignement de la composition et sur le rapport entre la transmission de nouvelles techniques et l’héritage légué par la tradition[12]. Ces brefs exemples sont représentatifs de l’importance que les compositeur·trices contemporain·es accordent, de façon personnelle, à l’enseignement et à l’accompagnement des jeunes artistes.
Dans certaines institutions d’enseignement supérieur, on retrouve le terme « atelier » pour désigner à la fois un lieu de transmission et de rencontre. C’est le cas par exemple du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris qui, dans sa mission de formation, s’engage dans la mise en place d’ateliers de composition pour favoriser la rencontre entre instrumentistes et compositeur·trices, ainsi que la collaboration entre ces musicien·nes et des chef·fes d’orchestre. Ces ateliers sont aussi l’occasion, lors de la création des oeuvres[13], de clore ce cercle poïétique grâce à la rencontre avec le public. À la Philharmonie de Paris, les ateliers de création en studio, coordonnés depuis la fin des années 1998 par Christophe Rosenberg (Giacco et Rosenberg, 2021), montrent la volonté institutionnelle d’ouvrir la création au plus grand nombre, musicien·nes professionnel·les ou amateur·trices. Côté universitaire, le Département de musique de Paris 8 se distingue par l’organisation d’un atelier de composition accessible aux étudiant·es de licence (3e année), de master et de doctorat[14].
Les lieux de répétition (dans les studios, les conservatoires, les salles de spectacles, les salles de classe…) constituent alors pour les musicien·nes et compositeur·trices, amateur·trices, professionnel·les, improvisateur·trices, des lieux de formation, d’enseignement et d’apprentissage, mais aussi de construction de l’identité de l’élève musicien·ne, de l’étudiant·e compositeur·trice. Ce profil d’atelier est le lieu du « faire » et du « faire ensemble », en particulier au moment des répétitions, où les musicien·nes « forgent » leur interprétation et où la pédagogie laisse place à la transmission et au partage avec le public. Dans la lignée de l’étude des processus de création, cette autre localisation de l’atelier musical ouvre les études musicologiques à l’analyse des pratiques musiciennes – composition, improvisation et interprétation –, de leur enseignement à leur diffusion. Parallèlement à l’analyse des processus de création se développe, depuis moins d’une dizaine d’années, celle des processus d’interprétation ou d’improvisation[15] (Canonne, 2016). À partir d’une méthodologie de type ethnographique et anthropologique, il s’agit alors d’observer in vivo la musique en train de se faire ou d’être faite, de collecter des données et de constituer des corpus quasi écologiques en observant les gestes musiciens individuels, mais aussi les interactions collectives qui fondent le jeu musicien. Cette seconde localisation a également permis l’évolution de la structuration des études supérieures en musique : les classes de maître et le doctorat en interprétation et composition sont autant d’implications de l’importance donnée à l’atelier comme lieu de transmission d’un savoir-faire et d’une pratique créative. Il s’agit, de fait, d’une orientation qui, depuis quelques décennies et grâce au développement de l’art research ou de la recherche-création, a trouvé sa place dans les programmes de recherche doctorale, au niveau international et selon diverses approches et dispositifs (Gosselin et Le Coguiec, 2006; Bruneau et Villeneuve, 2007; Borgdorff, 2012; Barrett, 2014; Giacco, 2018). Cette dimension permet ainsi de relativiser la figure de l’interprète virtuose, issue elle aussi de l’idéologie esthétique dix-neuviémiste. Le travail de l’interprète ou de l’improvisateur·trice se montre. Il peut être étudié, analysé, commenté et théorisé.
L’atelier comme lieu d’expérimentation
Le lieu de production et de création des oeuvres de musique concrète[16] puis électroacoustique, le « studio » du Groupe de recherches musicales (GRM) fondé en 1958 et précédé en 1951 du Groupe de recherches de musique concrète (GRMC) (Gayou, 2007), peut être considéré comme un atelier où se sont succédé·es plusieurs compositeur·trices et technicien·nes du son autour de Pierre Schaeffer. N’oublions pas que les avancées technologiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle (sur le plan de l’électronique et des dispositifs de diffusion radiophonique) révolutionnent non seulement la production de la musique, mais également sa diffusion dans l’espace (Stockhausen, 1988 [1959]) et son écoute. Par ailleurs, comme le précise très justement Battier, « Schaeffer revendique le pouvoir créateur de l’oreille : c’est par l’écoute attentive, scrutatrice, des enregistrements que le musicien repère les caractères musicaux qui permettront d’assembler les fragments sonores. L’outil sur lequel l’écoute s’appuie est donc d’abord le microphone » (Battier, 2003 : 560). À la même époque, au début des années 1950, la naissance d’un autre laboratoire, le Studio de musique électronique de Cologne (Studio für Elektronische Musik), au Nordwestdeutscher Rundfunk, à l’initiative du compositeur Herbert Eimert, marque l’esthétique musicale contemporaine par les « moyens offerts par la synthèse électronique du son » (ibid. : 561) et par l’utilisation des connaissances développées auparavant dans le champ scientifique – physique, phonétique, science de la communication (Hermann von Helmholtz, Franz Beyer, Werner Meyer-Eppler). L’atelier perd son rôle unique et symbolique de lieu artistique pour devenir le milieu des confluences entre art et science : « le vieux rêve de Varèse », écrit Battier, « trouve enfin une incarnation » (idem). Ces deux références exemplaires dans l’histoire de la musique électronique et électroacoustique encouragent le développement d’autres laboratoires au niveau international : parmi ceux-ci, nommons, en 1951, le Project of Music for Magnetic Tape (New York, fondé par John Cage et David Tudor) et le groupe Atelier expérimental à Tokyo, porté par Tōru Takemitsu et réunissant « des interprètes, des artistes et des techniciens » (ibid. : 563); puis, en 1955, le Studio di fonologia musicale à la RAI-Radio-télévision italienne de Milan, fondé par Luciano Berio et Bruno Maderna, avec le soutien technique d’Alfred Lietti et Marino Zuccheri. Ces derniers garantissent l’appui scientifique aux créations de musique électronique et électroacoustique, et grâce à de multiples expérimentations, dont le développement des filtres électroniques, ouvrent la voie à ce qui deviendra la live electronic music. En parallèle des mouvements liés à l’art conceptuel, à la performance, à l’installation, à l’approche du mouvement Fluxus dans les années 1960 (Lussac, 2013), la musique électronique sort du studio pour territorialiser d’autres espaces de création interartistique, souvent marqués par des approches expérimentales et improvisées (comme le Gruppo di Improvvisazione Nuova Consonanza, à Rome, avec Franco Evangelisti, ou le Theatre of Eternal Music, à New York, autour de La Monte Young). C’est donc en raison de la perméabilité des gestes artistiques que s’effectue une mobilité des espaces de création, nomadisme rendu possible par le développement des outils technologiques.
Vers un espace critique de la typologie
À partir de cette première typologie, nous pouvons constater que la particularité de l’oeuvre musicale réside, comme le souligne d’ailleurs le compositeur György Ligeti, dans un « partage du travail » (Ligeti, 2001 [1966] : 158) qui sera de plus en plus effectif au XXe siècle, période durant laquelle l’atelier musical se décloisonne et devient un espace hors les murs. C’est également à cette époque que l’atelier en musique est fréquemment associé à la notion de laboratoire. Le compositeur ou la compositrice ne détient plus la clé de l’atelier : il·elle la partage avec les interprètes, les technicien·nes dans les studios, mais aussi avec les auditeur·trices et le public. Pour Ligeti,
[l]’importance dans la répartition du travail s’est déplacée au profit de la pré-organisation, qui prit un tel poids qu’elle tendait à absorber la composition « proprement dite » : ce qui restait de celle-ci se fondait alors avec l’interprétation. Ce qui veut dire que l’intention compositionnelle, et avec elle, la formation des relations internes, se concentrait de plus en plus sur la pré-organisation généralisée, délaissant toujours plus le résultat musical, surtout lorsque ce résultat était obtenu aussi par le « deuxième » compositeur, l’interprète, dans une plus ou moins grande dépendance du « premier » compositeur. Le partage du travail qui se manifestait tout d’abord à l’intérieur du processus de composition fut ensuite logiquement distribué à des personnes différentes
(idem).
On remarque ainsi que la notion de laboratoire pour déterminer le lieu de l’atelier en musique est contemporaine de la naissance historique des musiques concrète et électroacoustique ainsi que de l’ouverture vers les arts sonores. Ces nouvelles perspectives esthétiques transforment les rôles de toutes les instances engagées dans la fabrique et la réception de l’oeuvre. D’une part, le processus de création dépend des nouveaux outils de production du son et des techniques d’enregistrement; d’autre part, le rapport entre compositeur·trice et interprète est substantiellement modifié[17]. En effet, avec la musique électronique, c’est une autre étape qui s’instaure : l’interprète semble disparaître au profit d’un dispositif de diffusion du son à chaque fois spécifique (haut-parleurs et spatialisation). Si l’atelier en musique pouvait jusque-là envisager ce rapport en binôme (compositeur·trice / interprète), avec la musique électroacoustique, le compositeur ou la compositrice est seul·e face à la création. D’une certaine manière, cette nouvelle disposition est semblable à l’atelier tel qu’on se l’imagine au sens classique, c’est-à-dire un espace dans lequel l’artiste est seul·e devant le matériau et le support pour concevoir l’oeuvre plastique. N’oublions pas d’ailleurs que la musique concrète a ouvert la porte de son atelier à des éléments sonores variés. Comme le rappelle Alvise Vidolin, « [p]our Schaeffer, il était nécessaire d’ouvrir la musique à tout élément sonore. […] [D]ans les cinq Études de bruits, nous trouvons des sons de chemins de fer, de tourniquets, de casseroles, mais aussi des fragments musicaux, des voix, des instruments et leurs altérations » (Vidolin, 2013 : 673). Ne devrions-nous pas alors apercevoir, derrière ce qui nous apparaît à première vue comme une disparition, plutôt une fusion des rôles où le compositeur ou la compositrice serait l’interprète de ses propres oeuvres? Si l’on pousse plus loin encore la réflexion autour des changements du rapport entre créateur·trice et oeuvre musicale, ne devrions-nous pas ajouter, dans ce binôme – désormais fusionné – un·e troisième acteur·trice qui serait l’auditeur·trice? Ce qui ferait atelier, dans ce cas précis, ce serait un espace et un temps, in situ ou virtuels, où les frontières entre les différentes personnes s’effacent – en quête d’auteur·trice, expression évoquée ici en référence à Luigi Pirandello (1921). L’auditeur·trice s’écoute en même temps qu’il·elle écoute; il·elle participe ainsi activement à l’émergence d’une réalité sonore, désormais en résonance avec le monde. À partir de cette reconnaissance de l’importance de l’écoute partagée, la socialité de l’instant musical devient progressivement l’une des caractéristiques de l’atelier en musique, notamment dans le champ des musiques improvisées. À titre d’exemple, citons le travail que conduit depuis plusieurs années le compositeur Benjamin Dupé autour de l’improvisation dans différentes structures d’enseignement de la musique, en direction d’amateur·trices ou de professionnel·les. L’atelier d’invention musicale et d’improvisation libre est conçu par Dupé comme le lieu de l’invention qui est un travail sur le vivant et l’écoute, comme « [l]a découverte d’un ici et maintenant où il s’agit de sonner par soi-même » (Dupé, s.d.; souligné dans le texte). Dupé ajoute : « la prise de conscience des possibilités expressives du sonore, sans barrières esthétiques, enfin l’attention à l’autre, non pas générale mais animée par des outils précis d’écoute, en sont les enjeux fondamentaux » (idem). L’atelier tel qu’il est conçu par Dupé est également le lieu d’une réflexion sur le métier de musicien·ne et sur la place de la pratique musicale dans la société (Marcel, 2021).
Après ce premier tour d’horizon, nous pouvons noter que l’atelier en musique existe bien, même s’il prend parfois d’autres noms, décrit d’autres réalités et ne se réduit pas au seul lieu physique, cette « chambre à soi » où le musicien ou la musicienne se confronterait en solitaire à la matière sonore et musicale. Nous pouvons également remarquer que l’atelier en musique est souvent lié à la question de la composition, c’est-à-dire au lieu du faire. L’évolution du langage musical moderne et contemporain n’a pas totalement effacé la détermination de l’atelier telle qu’elle a été conçue depuis le XIXe siècle, même si elle a bien entendu permis l’existence d’autres formes d’ateliers en musique (notamment les ateliers comme lieux de transmission). La cartographie que nous venons d’esquisser n’est qu’une première étape d’une étude approfondie à laquelle nous nous consacrerons prochainement. Il s’agira, d’une certaine manière, de créer un atelier collaboratif et interdisciplinaire de réflexion, qui prendra aussi en compte les enjeux de fabrication des instruments eux-mêmes (acoustiques ou électroniques[18]). Cette première cartographie nous engage également à réfléchir à un autre type d’atelier que nous avons qualifié à maintes reprises d’« éclaté » et qui implique de saisir des trajectoires plutôt que des statuts. Il relève d’une « poïétique relationnelle » (Bourriaud, 1998) privilégiant la mise en relation d’espaces, de moments, de postures ou de démarches qui permettraient de dévoiler une dynamique fructueuse pour concevoir les interactions entre recherche et création.
L’atelier éclaté
Dans son texte « Fonctions de l’atelier » (2012 [1971]), Daniel Buren tente de donner quelques contours à ce qui fait, pour lui, atelier en arts plastiques. Sous sa plume, l’atelier est conçu à la fois comme un lieu privé et public, une « gare de triage » où l’artiste peut expérimenter et fabriquer, mais aussi donner à voir l’oeuvre possiblement transportable hors de ce lieu « originel » :
L’atelier joue donc le rôle de lieu de production d’une part, de lieu d’attente d’autre part, et enfin – si tout va bien – de diffusion. C’est alors une gare de triage. L’atelier, premier cadre de l’oeuvre, est en fait un filtre qui va servir à une double sélection, celle faite par l’artiste d’abord, hors du regard d’autrui, et celle faite par les organisateurs d’expositions et les marchands d’art ensuite pour le regard des autres. Ce qui apparaît aussi, immédiatement, c’est que l’oeuvre ainsi produite passe – afin d’exister – d’un abri à un autre. Elle doit donc être à tout le moins transportable et si possible manipulable sans trop de restrictions pour celui qui (en dehors de l’artiste lui-même) prendra le droit de la « sortir » de ce premier lieu (originel) afin de lui faire accéder au second (promotionnel)
(Buren, 2012 [1971] : 187).
Ce déplacement de l’oeuvre du dedans vers le dehors nous permet d’envisager l’existence d’un autre type d’atelier. A priori, l’atelier en musique pourrait tout à fait s’identifier au déplacement évoqué par Buren. De la salle de répétition à la salle de concert, il y a bien une transportabilité de l’oeuvre musicale (au sens large), un déplacement qui actualise à chaque fois d’infinies manières d’exister, de se manifester aux oreilles des auditeur·trices, sous les doigts des interprètes. Pourtant, là s’arrête l’analogie. En effet, la musique n’est pas un « objet » au sens courant du terme. Le son, matériau du musical, n’existe que par l’intermédiaire du corps écoutant (celui des compositeur·trices, des interprètes, des auditeur·trices, mais aussi celui des musicologues) : la musique est « parole des corps » (Esclapez, 2007). En d’autres termes, le son nécessite un ou des points d’écoute. En effet, la vibration, pour pouvoir devenir « son », doit rencontrer un obstacle sur lequel elle se réfléchit : murs, tentures, mais aussi corps et oreilles. L’oeuvre travaillée en répétition, par exemple, ne sera jamais la même (acoustiquement et corporellement) que celle qui est proposée à l’écoute publique. Chaque corps écoutant écoute l’oeuvre à partir de sons organisés, mais également à partir de sa propre intimité. L’atelier en musique paraît diffracté, éclaté entre une multitude de dedans et de dehors, entre une multitude de corps dont la complémentarité fait émerger ces interactions multiples entre les temps et les espaces qui sont ceux de la musique actualisée. L’épistémologue Michel Bitbol effectue par ailleurs ce même constat dans le champ scientifique : « Si je suis un chercheur scientifique, j’ai un corps. Je vais et je viens dans le laboratoire, accomplissant des gestes, façonnant des morceaux de matière et manipulant des instruments. Mais les chercheurs scientifiques rêvent de contourner leurs corps, ou de les rendre pour ainsi dire transparents » (Bitbol, 2016 : 65). L’atelier éclaté nous semble pouvoir regrouper les trois types de lieux que nous avons localisés précédemment – pour rappel : création (composition et interprétation), transmission et expérimentation. Il les contient en quelque sorte en son sein, de manière dynamique, comme une sorte de système complexe dont la cohérence reposerait sur la nature même du musical, et dont l’existence serait déterminée par la nature de ce matériau si complexe qu’est le son. Pour le compositeur et théoricien du cinéma Michel Chion, « [s]i le son est un objet, il commence par apparaître dans notre culture, au départ, en tant qu’objet de langage, comme un objet éclaté, voire un objet impossible, inréifiable, et cela pour plus d’une raison » (Chion, 2000 [1998] : 39). En effet, si les études acoustiques ou psychoacoustiques tendent à analyser l’objet-son, Chion montre qu’elles ne sont pas exclusives. L’étude du son renvoie également à des considérations moins mesurables, qui en font un objet éclaté entre plusieurs instances. Les raisons évoquées sont multiples et constituent une grande part de l’argumentation de Chion. Étudiant notamment les interactions image / musique, il propose la notion de « co-vibration » (ibid. : 54), qui désigne le rapport entre le son et le corps, de nature sympathique ou vibratoire. Le son dépend ainsi de multiples points d’écoute dont les différentes expressions de l’atelier en musique assureraient la complémentarité. Ce que nous semble interroger l’invisibilité de l’atelier en musique du point de vue de l’histoire occidentale de la musique, c’est finalement le régime esthétique de l’écoute qui, même s’il entretient des liens avec celui du visible, est quoi qu’il en soit spécifique. L’oeuvre musicale (au sens le plus large) ne peut être réduite à cet objet transportable, évoqué par Buren, qui permet le passage entre un intérieur et un extérieur. L’objet-musique est à la fois intérieur au compositeur ou à la compositrice comme il lui est extérieur, de même pour l’auditeur·trice et pour l’interprète, ou pour toute la chaîne d’écoutes entrecroisées qui font vivre l’oeuvre musicale, toujours possiblement virtuelle. C’est ainsi que le lien au sonore en mouvement se conçoit, pour Bernard Vecchione (2007), comme lieu de l’entendre (et de l’entente) au sens le plus herméneutique du terme.
Pour tenter de prolonger cette intuition, nous proposons au lecteur ou à la lectrice de visionner deux captations de séances de répétition[19] qui ont eu lieu dans la classe de direction du Conservatoire de Marseille, dirigée par Roland Hayrabedian, par ailleurs directeur artistique et chef de choeur de l’ensemble vocal Musicatreize[20] (Esclapez, 2019). La pièce qui fait l’objet de ces répétitions est La messe (1977) de Maurice Ohana. Ces deux extraits sont intéressants à plus d’un titre. Ils nous permettent d’esquisser, de façon plus concrète, les articulations multiples que nous cherchons à localiser dans l’atelier en musique. Dans la seconde vidéo, Hayrabedian – amusé – reprend une remarque de l’un des choristes : « et, en plus c’est écrit ». Ce qui signifie que le rendu du son percussif que la cheffe cherche à impulser dans l’interprétation des choristes est inscrit de façon précise dans la partition par une annotation du compositeur. Pourtant, il apparaît évident que cette inscription est vide de sens tant qu’elle n’est pas mise en action dans les voix et les corps en mouvement des choristes et de la cheffe – sous l’oeil attentif d’ Hayrabedian. La jeune cheffe ne peut faire seule, elle a besoin d’écoutes-miroirs, soit autant de retours sur sa propre écoute qui lui permettent de réajuster son propre geste et de le rendre de plus en plus précis. Ces ajustements rétroactifs sont certes mis au service de l’écriture compositionnelle, dont il s’agit de préserver l’intention, mais également au service d’un accordage dont l’un des enjeux est de permettre à ces différentes écoutes de parvenir à délimiter un espace de négociation. L’atelier met en jeu le corps « qui fait », le geste, le regard partagé entre la partition et les chanteur·euses, les mains ou la manipulation du matériau. En musique, le corps qui fait est un corps « en résonance » qui résulte d’un ajustement constant entre les différentes instances en présence. Cet ajustement passe souvent par les yeux, vecteurs de cette résonance, bien que cela ne soit pas exclusif. En effet, si ceux-ci semblent regarder les signes inscrits sur la partition, ils cherchent également autre chose : une intériorité de la résonance? Une adéquation entre écoute intérieure et projection collective? Ces instances sensibles, pratiques et coopératives nous semblent localiser plus précisément l’atelier éclaté en musique comme le lieu de l’entente (et de l’entendre) des corps. Pour le musicologue Francesco Spampinato,
[e]ntre imaginaires du corps et corps imaginaires, l’étude des images incarnées se décline de manière multiple. Le corps humain est à la fois l’espace d’une sorte d’atelier où l’on forge les images nous permettant de comprendre le monde, l’instrument physique qui entre concrètement en contact avec ce monde pour le façonner selon ces images et le réservoir dynamique où l’on dépose toutes ces images afin de pouvoir les récupérer à tout moment. Corps imaginant, corps agissant, corps remémorant
(Spampinato, 2015 : 9).
Ces deux extraits nous semblent prolonger le corps-atelier évoqué par Spampinato. Entre « [c]orps imaginant, corps agissant, corps remémorant », l’atelier éclaté en musique suggère ces différents corps entremêlés dans chaque écoute partagée du son. Nulle chaîne de communication, mais une constellation de points d’écoute qui participent, chacun, à la fabrique de l’oeuvre. Dans ce cas, celle-ci est elle-même partagée entre plusieurs corps qui, selon Augustin Berque, forment sa dimension trajective, soit celle de l’« entre » (Berque, 2014). L’atelier éclaté ne peut exister en musique que si les corps sont considérés comme des caisses de résonance, comme des chambres d’écho dans lesquelles le faire-oeuvre se démultiplie d’une certaine manière. L’atelier en musique pourrait ainsi être associé à la notion de constellation qui, tout en ouvrant la réflexion, nous permet – temporairement – de la conclure.
Conclusion(s)
L’atelier en musique se révèle à nous comme une constellation de points d’écoute. De manière plus transversale, c’est la question de la création en arts qui est convoquée. En déclinant les divers lieux de l’atelier en musique, c’est surtout en tant qu’actelier que nous avons tenté de localiser un espace éclaté, multiplié, diffracté, où les gestes fabriquent, façonnent les « corps de l’oeuvre » (Anzieu, 1981; nous soulignons) et le corps à l’oeuvre. Ces actes, ces actions, ces dynamiques du faire (Ingold, 2017 [2013]) sont à la base du processus de création, d’interprétation et d’improvisation chez tout·e artiste et artiste-chercheur·euse et chez tout·e chercheur·euse (et tout être humain) engagé·e dans un acte de création. Isabelle Ewig nous rappelle « qu’en 1762 l’un des principaux astronomes français du XVIIIe siècle, l’abbé Nicolas-Louis de Lacaille, avait introduit une constellation de l’Atelier du Sculpteur – sans doute en raison de sa forme de burin » (Ewig, 2011 : 193). Ce rapprochement entre atelier et constellation renforce l’idée d’un atelier avec ses enjeux et ses déclinaisons multiples de lieux, de gestes, de formes, de langages qui ont transformé l’atelier en plusieurs points d’écoute. Nous sommes alors, nous-mêmes, engagé·es dans cette constellation au sein de laquelle nous devenons à notre tour des constellations, résonantes, en transition, toujours de passage.
Comment la musicologie pourrait-elle se positionner par rapport à cet atelier mi-lieu(x) qui suggère une constellation de faire et d’entendre? Dans un chapitre d’ouvrage publié en 2020, nous avons travaillé à la possible relocalisation de l’approche musicologique dans l’espace de la recherche-création (Esclapez et Giacco, 2020). Dans le cas de l’atelier éclaté, cette approche musicologique est profondément liée à la nature même du son, qui se projette et résonne dans l’espace et qui est également l’une des conditions pour que cet atelier éclaté puisse devenir l’un des territoires de la musicologie contemporaine. Dans ce cas, il serait nécessaire que les musicologues saisissent la dématérialisation de leur objet de recherche[21] et acceptent d’élargir le territoire du musicologique. Si l’atelier en musique est bien cet atelier éclaté, multiplié entre plusieurs points d’écoute que nous avons cherché à mettre en évidence, alors l’oeuvre devient une « éco-forme » (Vecchione, 2007), c’est-à-dire une forme d’une véritable complexité anthropologique dont les marges et les limites sont des zones lisières, perpétuellement rendues poreuses par des environnements dans lesquels l’oeuvre et son projet-son sont instaurés. Sans compter que compositeur·trices, interprètes et auditeur·trices sont eux·elles-mêmes situé·es sur des marges et des lisières différentes. L’oeuvre est ainsi à la fois un centre et un entourage (Berque, 2014), une médiance, et relèverait alors d’une éco-musicologie. En tout état de cause, un lieu polyphonique. Un bruissement où l’accordage des corps et des oreilles ferait sans cesse l’objet de négociations. Sans elles, aucune musique ne pourrait, finalement, avoir lieu.
Une musicologie des mi-lieu(x) serait alors envisageable.
Parties annexes
Notes biographiques
Grazia Giacco est musicienne, musicologue et enseignante-chercheuse HDR HC (titulaire de l’habilitation à diriger des recherches, hors classe) à l’Université de Strasbourg et à l’Académie supérieure de musique de la Haute école des arts du Rhin (HEAR). Membre de l’UR 3402 ACCRA (Approches contemporaines de la réflexion et de la création artistiques), elle est coordinatrice de l’axe 1 (« La fabrique des arts ») et responsable du groupe Recherche-création et méthodologies didactiques dans les arts et la technologie. Elle est cofondatrice et membre du laboratoire CREAT (HEP, Lausanne). Ses recherches portent sur l’analyse et l’esthétique de la musique des XXe et XXIe siècles, sur l’épistémologie de la recherche-création, sur la pédagogie et la didactique de la création artistique et sur l’identité de l’artiste pédagogue.
Christine Esclapez est professeure des universités, membre de l’UMR PRISM UMR 7061. Elle y dirige l’axe 2, « Explorations, pratiques et créations artistiques ». Ses axes de recherche sont orientés dans plusieurs directions : (1) Musicologie et interdisciplinarité(s), (2) Interprétation, réécritures et créations musicales (et sonores), (3) L’écriture de l’histoire (de la musique) : entre mémoire et oubli (travaux de réédition de textes du XXe-XXIe siècles en esthétique de la musique et recherches collectives autour des archives musicales et sonores, épistémologie, réemplois et nouveaux usages et (4) Recherche-création en musique et musicologie : épistémologie des pratiques de recherche et de création.
Notes
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[1]
Nous préparons un ouvrage collectif qui abordera la notion d’atelier en musique de manière transversale, aux éditions Hermann, collection « Recherche & création », dirigée par Marie Joqueviel-Bourjea.
-
[2]
Formulation proposée par Grazia Giacco lors d’une journée d’étude organisée par les étudiant·es de licence de musicologie, sous la direction de Christine Esclapez, Aix-Marseille Université, 8 avril 2021.
-
[3]
Son acception liée à la création de l’oeuvre en situation de concert ouvre sur d’autres enjeux (Nicolas, 1997) qui ne font pas l’objet de notre présente étude.
-
[4]
Dans cette contribution, nous limitons notre recherche à l’espace de la musique contemporaine en France, bien que ces typologies d’ateliers tracent une histoire et un paysage qui en dépassent les frontières temporelles et géographiques. L’ouvrage collectif en préparation a l’ambition de faire émerger ces multiples enjeux.
-
[5]
Son studio, Apsome (« Applications de procédés sonores en musique électroacoustique »), a initialement été créé en 1959 à Paris. La rue de Toul (12e arrondissement) a été le troisième et dernier emplacement choisi. Le studio a changé de nom pour Son / Ré en 1982.
-
[6]
Le programme indiquait : « Intérieur / Extérieur. Dans sa “maison de sons”, Pierre Henry propose une écoute de proximité pour une nouvelle oeuvre musicale et picturale » (Festival d’Automne, 1996).
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[7]
philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/coulisses/le-studio-pierre-henry-au-musee-de-la-musique
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[8]
Extrait du communiqué de presse : « Depuis la disparition du compositeur, c’est l’intégralité de son oeuvre qui a été donnée à la BnF grâce à la générosité de ses enfants, soit 8 702 bandes magnétiques, pour un volume de 5 000 heures, 3 950 cassettes DAT, pour un volume de 1 660 heures, mais aussi près de 400 disques à gravure directe, des fichiers informatiques, des cassettes audio... À cela s’ajoutent 170 classeurs représentant plus de 34 000 pages, indispensables à l’interprétation des oeuvres » (Bibliothèque nationale de France, s.d.).
- [9]
-
[10]
Le projet Musicologie des techniques de composition contemporaines (MuTeC) (2009-2012), soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et porté par l’équipe Analyse des pratiques musicales (APM) (Donin, 2010), est en ce sens exemplaire en France.
-
[11]
Citons à titre d’exemples les travaux de Philippe Albèra, Catherine Fourcassié et Pierre Michel (Ligeti, 2001; 2013; 2014), Vincent Barras (Cage, 2003), Michel Duchesneau, Valérie Dufour et Marie-Hélène Benoit-Otis (2013), Laurent Feneyrou (Nono, 2007; Durieux, 2019), Olivier Class et Márta Grabócz (Risset, 2014; 2018; 2020).
-
[12]
« Composer signifie toujours créer quelque chose qui n’existait pas auparavant, par référence au stade historique de la musique à un moment donné. Mais l’un des traits essentiels de chaque art, c’est qu’à l’instant où ses caractéristiques structurelles et formelles deviennent descriptibles et codifiables, il appartient au passé historique; or on ne peut enseigner que ce qui est exactement descriptible et codifiable. En conséquence, l’enseignement traite inéluctablement d’une matière déjà existante, donc de quelque chose de dépassé en quelque sorte » (Ligeti, 2014 : 93).
-
[13]
« Les ateliers de composition sont des moments de rencontres. Rencontres entre les jeunes instrumentistes et les jeunes compositeurs du Conservatoire : les instrumentistes découvrent de nouvelles façons de jouer, les compositeurs confrontent leurs idées aux réalités de l’exécution en concert. Rencontres avec des chefs d’orchestre expérimentés dans les nouveaux répertoires qui relient et épaulent ces jeunes instrumentistes et compositeurs en pleine éclosion : après le travail de répétition, l’exécution en concert permet à ces jeunes artistes de se confronter à un public qui, par sa présence et son écoute, donne corps aux nouvelles partitions créées. C’est de la rencontre entre chefs d’orchestre, instrumentistes, compositeurs et public que naît ce moment unique de partage et de découverte qu’est la création musicale contemporaine » (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, s.d.).
-
[14]
« L’atelier de composition est dirigé par José Manuel López López, compositeur, enseignant au Département musique avec les ensembles DensitéS et Soli-Tutti dirigés par Denis Gautheyrie. Des concerts présentant des oeuvres d’étudiants sont organisés durant l’année par l’association Densité 93, ainsi que des ateliers instrumentaux, afin de montrer aux étudiants les nouvelles techniques instrumentales et les différents modes de jeux. En collaboration avec le CICM (Centre de recherche en Informatique et Création Musicale), la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord et avec le soutien de l’ACA, du département musique de l’université Paris 8, du Département de la Seine-Saint-Denis et de l’association Densité 93. L’Atelier de Composition est accessible au sein des cursus du département de musique, en 3ème année de licence, en Master et en Doctorat » (Université Paris 8, s.d.; souligné dans le texte).
-
[15]
Les projets de l’équipe Analyse des pratiques musicales sont détaillés sur le site www.stms-lab.fr/team/analyse-des-pratiques-musicales/
-
[16]
Nous devons à Pierre Schaeffer (1910-1995), polytechnicien, chercheur et compositeur, l’appellation « musique concrète », lorsqu’il développe, à la fin des années 1940, une approche compositionnelle à partir de matériaux sonores issus de diverses sources – « bruits, fragments de parole, sons instrumentaux » (Delalande, 2003 : 534). Dans la musique concrète, les objets sonores sont soumis à plusieurs procédés techniques d’enregistrement et de transformation du son (par exemple : variations de vitesse, lecture à l’envers, montage) grâce aux dispositifs disponibles à Paris au Studio d’essai de la Radiodiffusion-Télévision Française (RTF) (Battier, 2003; 2013; Vidolin, 2013). Dans son Traité des objets musicaux : essai interdisciplines, il écrit : « La musique concrète prétendait composer des oeuvres avec des sons de toutes provenances – notamment ceux qu’on appelle bruits – judicieusement choisis, et assemblés ensuite grâce aux techniques électro-acoustiques du montage et du mélange des enregistrements » (Schaeffer, 1966 : 17).
-
[17]
Rapport qu’on pourrait historiquement déjà voir émerger chez les futuristes et les dadaïstes, puis plus tard avec Fluxus, avec la performance, l’art conceptuel (Lussac, 2013).
-
[18]
L’atelier du luthier ou de la luthière, par exemple, est un espace que nous n’abordons pas dans cette cartographie. Il demanderait, très certainement, à y être inclus.
- [19]
- [20]
-
[21]
Comme le dit avec humour Hayrabedian, « alors si en plus c’est écrit »… Et si ce ne l’était pas? Car cet écrit, pourtant, ne peut contenir à lui seul le projet-son de l’oeuvre, et c’est bien à cela que réfère son humour discret.
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