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Jeune femme écrivant une lettre. National Gallery of Art, Washington (États-Unis), vers 1665.

Huile sur toile de Johannes Vermeer.

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[L]es tragédies de Mademoiselle Bernard sont trop récentes pour être effacées de la mémoire des envieux de notre gloire.

Marie-Anne Barbier, Arrie et Pétus[1]

[L]a Tragédie de Laodamie & celle de Brutus […] l’ont fait paroitre une rivale très dangereuse pour tous ceux qui s’attachent au Théâtre.

Donneau de Visé, Le Mercure galant

Bien que le XVIIe siècle ait été « véritablement exceptionnel du point de vue de la création littéraire féminine » (Dejean, 2020 : 487), le théâtre de cette période comprend malgré tout peu de femmes dramaturges, toutes proportions gardées[2]. L’une d’entre elles, Catherine Bernard (1663-1712)[3], constitue cependant une figure non négligeable du paysage littéraire de la fin du siècle. Autrice de poèmes, de romans et de nouvelles qui lui ont valu une renommée certaine de son vivant[4], cette écrivaine originaire de Rouen s’est en effet illustrée par deux tragédies, Laodamie, reine d’Épire (1735) et Brutus (1691), qui furent jouées avec succès et à de nombreuses reprises à la Comédie-Française[5]. Laodamie fut ainsi présentée vingt-six fois au total[6], alors que Brutus fut l’objet de pas moins de quarante-trois représentations[7], ce qui n’est pas un mince exploit compte tenu des difficultés bien connues que rencontraient, à cette époque, les femmes désireuses d’écrire pour le théâtre[8]. Si Laodamie, reine d’Épire aborde la problématique des exigences contradictoires de la passion amoureuse et de la raison d’État, on peut se demander quelle image Bernard a cherché à construire de la royauté au féminin à travers le personnage de Laodamie, figure historique attestée mais assez obscure, et dont le peu de données dont disposait l’autrice à son sujet lui permit de la moduler à sa guise. Comment la fait-elle agir et parler? A-t-elle créé une reine à l’ethos exemplaire, à l’image des héroïnes féminines cornéliennes? La critique apparaît, à cet égard, fortement clivée. Franco Piva évalue sévèrement le personnage, qu’il voit comme un

[être] contradictoire, qui ne parvient à persévérer ni dans la grandeur à laquelle elle aspire, ni dans la méchanceté par laquelle elle est parfois tentée; être foncièrement faible, qui se laisse entraîner par les circonstances plutôt qu’elle ne se conduit par des choix nettement formulés, qui suit les impulsions immédiates de son émotion plutôt qu’elle n’agit sur la base de décisions réfléchies

(Piva, 1999 : 50-51).

Dans la même veine, Catherine Plusquellec voit Laodamie comme étant « tantôt forte et résolue, tantôt accablée et faible » et symbolisant « l’humanité médiocre » (Plusquellec, 1984 : 113). Ce jugement est réitéré par Carine Barbafieri, pour qui Laodamie incarne également « une reine au tempérament médiocre, [mais] qui n’a pas commis de faute et qui meurt accidentellement » (Barbafieri, 2015 : 332). Une interprétation différente du personnage est toutefois avancée par d’autres commentateur·trices de la pièce, dans laquelle il·elles voient « un renversement des rôles traditionnellement associés aux deux sexes, et un bouleversement des constructions masculines et féminines de l’héroïsme » (Conroy, 2011 : 42). La reine y serait dotée de qualités qui font cruellement défaut aux personnages masculins, ce qui l’apparenterait aux figures de femmes « fortes » qui ont caractérisé la première moitié du XVIIe siècle.

Cette formidable disparité dans l’interprétation du personnage de Laodamie est attribuable, me semble-t-il, aux particularités mêmes de son ethos, tout à la fois féminin et royal, et à la tension générée entre cet ethos et la pression exercée par le pathos.

Ethos féminin et bienséance

Comme le souligne Georges Forestier, Aristote, dans son traité sur la rhétorique, définit le caractère d’une personne comme étant constitué

par des traits fixes qui relèvent de son sexe, de sa condition sociale, de son âge, et même de son habitus, c’est-à-dire de sa pente naturelle vers le bien ou le mal; mais il est aussi constitué par ce qui relève du pathos, c’est-à-dire par ces mouvements temporaires que sont les passions, certaines passions étant plus propres à l’homme qu’à la femme

(Forestier, 2003 : 269).

Un·e dramaturge, à l’époque classique, conçoit donc les personnages d’une pièce de théâtre en fonction de ces traits immuables (qui forment ainsi son ethos préalable[9]), afin de faire parler chacun selon son rang, son âge et son sexe. C’est à cette condition que sera respectée la bienséance, c’est-à-dire « ce qui convient aux personnes, soit bonnes soit mauvaises, et telles qu’on les introduit dans la pièce » (Jean Chapelain, cité dans Forestier, 2003 : 270). Le pathos (qui correspond aux mouvements temporaires de la passion) est toutefois susceptible d’altérer ces traits fixes et d’amener le personnage à se comporter de manière inhabituelle. L’enjeu du travail dramaturgique consiste dès lors à explorer l’impact de ce pathos sur l’ethos dans les limites imposées par l’exigence de la bienséance, c’est-à-dire de la conformité du personnage à la catégorie (sexuelle et sociale) à laquelle il appartient.

Créer un personnage féminin, dans une oeuvre de fiction, implique donc la mobilisation d’un certain nombre de traits communément admis comme étant « convenables » pour ce type de caractère, et donc en accord avec la doxa. Comme le rappelle Tiphaine Karsenti, l’omniprésence des héroïnes dans le théâtre tragique repose de fait sur un paradoxe, car la tragédie est « structurellement défini[e] par la noblesse des caractères qu’[elle] met en jeu » alors que les femmes, « au regard de la tradition misogyne dominante », sont considérées à l’époque classique comme des êtres « faibles éthiquement » (Karsenti, 2016 : 136)[10]. En témoigne la liste que donne La Mesnardière, dans sa Poétique (1639), de traits typiquement féminins[11]. Puisque la tragédie se caractérise par la nature exceptionnelle du ou de la protagoniste, caractère qui le ou la place au-dessus du commun, c’est donc par leur supériorité par rapport à cette norme sociale, culturelle et éthique associée au « féminin » que les personnages de femmes peuvent acquérir le statut de véritables « héroïnes » au théâtre. Ainsi, les reines, par l’excellence de leur condition, sont de facto supérieures à leurs consoeurs : elles seront donc « chastes, pudiques, graves, magnifiques, tranquilles, & généreuses » (La Mesnardière, 1639 : 121). Si les reines sont ainsi dotées de qualités remarquables – parmi lesquelles la pudeur, vertu sur laquelle le théoricien insiste à quelques reprises dans son traité –, celles-ci diffèrent sensiblement de celles que La Mesnardière attribue aux rois. Le courage et la prudence constituent en effet les principales qualités royales masculines : « un Roy qui paroist au Théatre, doit estre si courageux qu’il n’appréhende aucun danger, & ne treuve rien d’impossible à la force de ses armes légitimement occupées. Il doit estre si prudent, qu’il n’ait iamais aucun sujet de rétracter ses jugemens, ni d’en condamner les succés » (ibid. : 120). La Mesnardière envisage toutefois un cas de figure particulier où la protagoniste d’une pièce pourrait se voir dotée d’une de ces qualités masculines – en l’occurrence, la prudence – en fonction des exigences de l’action dramatique. Un personnage féminin guidé par cette vertu agirait ainsi de manière paradoxale, car en porte-à-faux par rapport au comportement habituel des femmes : « si l’Avanture [de la pièce] est fondée sur la prudence d’une femme ou sur celle d’un enfant, il faut que laissant en arriere les foiblesses ordinaires de ce Sexe, & de cet Age, [l’auteur·trice] fasse agir cette Héroïne comme une excellente femme, incapable des défauts qui se treuvent en plusieurs autres » (ibid. : 125). Ainsi, les « défauts » que La Mesnardière attribue aux femmes « ordinaires » ne sauraient, a priori, caractériser une femme « prudente » (et donc exceptionnelle).

Ethos féminin et pathos

Rappelons que pendant l’Ancien Régime français, les partisans de la loi salique justifient son maintien en affirmant entre autres que la femme ne possède aucune des vertus politiques qui font un bon monarque (telles que la prudence, la force, la justice ou la tempérance). Les femmes sont ainsi perçues comme possédant des défauts qui les rendent peu aptes à l’exercice du pouvoir, à commencer par leur incapacité à se dominer. Le contrôle de soi est en effet au coeur des injonctions faites aux rois qui souhaitent se distinguer par un bon gouvernement : la royauté exige ainsi un « gouvernement de soi qui résulte de la prudence » (Martin-Ulrich, 2004 : 257) et de la tempérance (ou régulation des désirs). L’amour, en particulier, constitue, comme le souligne Nicolas Faret, « une passion fort ennemie de la Temperance et qui perd ordinairement les princes qui en sont touchez, pource qu’en ceste grande liberté qu’ils ont de pouvoir jouyr de tout ce qu’ils desirent, il leur est bien difficile de ne se laisser pas aller aux excés, s’ils n’en sont retirez par un puissant effort de raison » (Faret, 1623 : 104-105). Un roi « prudent » tiendra donc la bride aux assauts de l’amour et autres passions en recourant à la raison. L’effort s’avérera d’autant plus difficile pour une femme, sa nature la rendant peu encline à la prudence et à la tempérance, et donc au contrôle des passions, d’où le caractère exceptionnel de la reine de théâtre « prudente ».

Si l’ethos d’un personnage de théâtre est d’abord constitué de traits permanents spécifiques à son âge, son sexe et sa condition, les passions qui l’agitent viennent ainsi compléter l’élaboration de son caractère. Ces dernières varient aussi en fonction de l’âge, du sexe et de la condition du personnage (les femmes, par exemple, étant davantage portées à éprouver de la jalousie). Parfois même, la prédominance d’une passion constitue l’essentiel de l’ethos d’un personnage : elle est alors au fondement de son caractère[12].

La dynamique des rapports entre ethos et pathos sera modulée, au sein d’une tragédie, en fonction de l’importance que le ou la dramaturge donnera au critère de la constance, c’est-à-dire de la stabilité, au cours de l’action dramatique, du caractère tel que posé au début de l’intrigue. Ainsi, la dynamique de l’action, dans la dramaturgie cornélienne, se caractérise par une lutte victorieuse livrée contre les passions, lesquelles n’altèrent pas fondamentalement l’ethos du personnage héroïque (malgré leur violence), alors que chez le héros ou l’héroïne racinien·ne, le pathos arrive à subvertir son ethos au point où son comportement devient imprévisible, et même contradictoire par rapport à ce qui est attendu de lui ou d’elle. Chez Corneille, la caractérisation du personnage repose ainsi sur la constance de son ethos héroïque, lequel tempère les assauts de la passion, alors que le modèle racinien joue, à l’inverse, de l’inconstance de cet ethos, causée par l’irruption incontrôlée de la violence passionnelle. C’est cette altération de l’ethos par le pathos qui a permis à Racine de créer un nouveau modèle de personnage tragique, celui du héros ou de l’héroïne « imparfait·e[13] ».

Bernard ayant créé ses tragédies à la toute fin du siècle, il reste à déterminer auquel de ces deux modèles de personnage tragique la reine Laodamie correspond le mieux. Laodamie est-elle une reine héroïque, au sens cornélien du terme, ou une reine « imparfaite »?

Laodamie, reine régnante légitime

Le premier acte de la tragédie de Bernard pose les fondements de l’ethos du personnage éponyme. Le sujet de la pièce est tiré d’un passage de l’Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée de l’auteur latin Justin, passage qui évoque très brièvement le destin malheureux de Laodamie, fille d’Alexandre, roi d’Épire : « Comme il ne restait de la race royale qu’une jeune fille, Néréis, avec sa soeur Laudamie, Néréis épousa Gélon, fils du roi de Sicile. Quant à Laudamie, poursuivie par le peuple, elle fut tuée près de l'autel de Diane, où elle s’était réfugiée » (Justin, 1936 : 81). Ces quelques lignes, qui peignent la figure historique de Laodamie davantage en victime pieuse qu’en héroïne, sont le point de départ de l’invention par l’autrice d’une jeune reine qui, bien qu’ayant hérité du pouvoir de manière légitime[14], à la mort de son père, doit rapidement prendre un époux afin d’assurer la sécurité du royaume. Au début de la tragédie, le célibat de la reine est en effet sur le point de prendre fin, un ordre de feu son père l’obligeant à épouser Attale, prince de Péonie. Le royaume étant menacé par des ennemis puissants, seul un mariage stratégique avec ce prince guerrier, vainqueur des Aetoliens et allié des Romains, semble pouvoir assurer la stabilité de l’État et consolider la position de la reine.

Même si la situation politique initiale, qui pose Laodamie en reine régnante légitime, s’avère incompatible avec le système monarchique français[15], son pouvoir est toutefois extrêmement fragile et précaire. Nulle part n’est en effet remise en question, dans la pièce, la nécessité pour l’héroïne de prendre mari, ni même, par la suite, celle d’élever au trône l’époux choisi, tout cela étant présenté comme étant nécessaire et même souhaitable au nom de la raison d’État. Bernard met en scène une femme de pouvoir dont la marge de manoeuvre est ainsi fort limitée. Le mariage de Laodamie avec un « héros » est en effet présenté comme étant la seule option, dans l’économie de la tragédie, susceptible d’apaiser l’agitation du peuple et de contrer les attaques d’ennemis puissants. Le choix d’un époux approprié s’avère donc crucial. Loin de mettre en scène une reine disposant pleinement de la puissance associée à la fonction de monarque, Bernard montre plutôt les limites d’une royauté au féminin dont la principale fonction semble consister à choisir qui sera le véritable « maître » de l’État[16].

Un époux est d’abord imposé à la jeune fille par son père, qui lui a ordonné avant de mourir de s’unir au prince Attale, perspective à laquelle elle se résigne en vertu de la primauté qu’elle accorde à la raison d’État : « Attale, qui revient en superbe vainqueur, / Va presser un hymen où s’oppose mon coeur; / J’y souscris cependant, et mon sceptre demande / Que le bras d’un époux l’appuie et le défende » (Bernard, 2011 [1735] : 43). Laodamie est résignée et lucide face au devoir politique qui lui incombe d’épouser le prince Attale, qu’elle n’aime pas, mais dont la force militaire ne peut que servir les intérêts de sa couronne et de l’Épire. L’obéissance aux injonctions d’un père, bien que nécessaire, s’avère toutefois forcée, malgré les « ennemis nouveaux qui menacent l’Épire » (ibid. : 44) :

Il faut exécuter ses ordres absolus.

Mille raisons d’État m’en pressent encore plus :

Ma couronne est tremblante, et mon peuple est rebelle.

[…]

Par l’intérêt d’un trône où je suis enchaînée

Il faut que je subisse un cruel hyménée;

Mais mon coeur se révolte, et sans cesse combat,

Et les ordres d’un père, et la raison d’État

(ibid. : 47).

En fille de roi vertueuse, Laodamie obéit, mais avec réticence. La jeune fille résiste à l’idée de sacrifier son bonheur personnel au profit de l’État. Cette difficile résignation crée un chagrin si intense que la reine ne peut le dissimuler à sa soeur Nérée, qui l’attribue faussement à l’obligation de contracter un mariage sans affection réciproque. La princesse Nérée ignore en effet les sentiments qu’éprouve sa soeur pour son propre fiancé, le prince Gélon, un héros étranger s’étant illustré par des exploits militaires sans précédent, d’autant plus que l’amour unissant Nérée et Gélon est l’oeuvre même de la reine, qui les a poussé·es dans les bras l’un·e de l’autre afin de détruire sa passion naissante : « Je croyais de leurs feux tirer ma guérison » (ibid. : 172), avouera-t-elle à Argire, sa confidente. Laodamie est donc en lutte contre un « penchant qui domine [s]on âme », contre un « amour forcé » et une « vaine erreur » (ibid. : 47) qui font obstacle à ses devoirs de fille et de reine. Elle est toutefois résolue à triompher de cette « flamme infortunée » (ibid. : 50), d’autant plus qu’un entretien avec Gélon est venu confirmer l’attachement du jeune homme pour sa soeur Nérée :

[N]i mes yeux, ni ma bouche, jamais

De cet amour forcé ne découvrent les traits.

Je sais bien m’imposer les plus dures contraintes.

[…]

Subissons, s’il se peut, d’un coeur plus assuré

L’hymen, le triste hymen qui nous est préparé,

Et ne prétendons point que l’on nous tienne compte

Du vertueux effort d’un feu qui se surmonte

(ibid. : 51).

Le choix de céder aux exigences de la raison d’État, entendue comme « l’ensemble des décisions et des moyens utilisés qui constituent […] la règle d’action et la pratique de gouvernants, jugées rationnellement nécessaires à la conservation ou à l’accroissement de la puissance de l’État » (Lazzeri, 1992 : 91-92), caractérise ainsi les actions de la jeune femme au début de la tragédie, malgré l’intensité de sa passion amoureuse et la jalousie qu’elle éprouve envers sa soeur. Son ethos de reine et de fille de roi, caractérisé par le souci du devoir, semble ainsi l’emporter sur son pathos, ce qui la distingue de personnages tels que la reine Bérénice, par exemple, chez qui l’amour fait mépriser le pouvoir et négliger toute considération politique[17].

Pathos et raison d’État

Au premier acte, l’autrice brosse donc le portrait d’une reine animée par une aspiration à l’élévation éthique et par la volonté sincère de refréner les excès du pathos. La problématique est celle – cornélienne – du contrôle de soi :

Renier ses passions, ses émotions personnelles pour une cause supérieure et transcendante, celle de servir l’État, telle est la grandeur du héros [cornélien] qui […] doit étouffer tout autre sentiment que celui de servir sa patrie. [S]a grandeur [consiste à] résister aux sentiments, [à] refouler avec fermeté tout signe de faiblesse, [à] éloigner pour cela les pleurs de la sensibilité féminine. […] Il s’agit [ainsi, dans le théâtre de Corneille] de vaincre les émotions, tristesse, désespoir, colère, désir de vengeance, etc., au nom de la raison d’État et de subsumer l’individuel et le particulier sous le général et l’universel

(Montandon, 2016 : 269).

Bernard construit ainsi un personnage féminin royal dont l’attachement à la vertu et l’aspiration à la gloire se heurtent à de puissants mouvements du coeur qu’il s’efforce, avec peine, de tenir en bride.

La situation dramatique se complique au deuxième acte, à partir du moment où la cour apprend que le prince Attale a été assassiné : on ne sait pas alors par qui, mais le lectorat apprendra par la suite qu’il s’agit de Sostrate, prince d’Épire qui convoite la couronne et dont l’ethos est essentiellement fondé sur l’ambition et la cruauté. La reine, libérée de la promesse donnée à son père, a dorénavant la possibilité d’épouser qui elle veut – la mort d’Attale, lui rappelle sa soeur, « [la] délivre / D’un devoir que [ses] voeux trouvaient cruel à suivre » (Bernard, 2011 [1735] : 57). La marge de manoeuvre politique de Laodamie, très limitée, réside essentiellement dans le choix de l’homme qu’elle épousera, et donc du futur roi. La tension entre les exigences contradictoires de l’ethos et du pathos disparaît dans la mesure où céder aux penchants amoureux n’entre plus en conflit avec la raison d’État. La raison se conjugue ainsi à la passion pour légitimer, en apparence, une union que les exigences du devoir (filial tout autant que politique) rendaient auparavant problématique.

Ce nouvel état de fait semble ainsi favorable à Laodamie, si ce n’était des scrupules qu’elle éprouve à l’idée de contrecarrer l’amour que ressent sa soeur pour Gélon, scrupules que le perspicace Sostrate détecte immédiatement : « son esprit triste, inquiet, confus, / Nous marque des desseins formés et combattus : / Elle a droit à son gré de donner sa couronne, / Mais à ce qui paraît sa liberté l’étonne; / Son coeur à s’en servir trouve quelqu’embarras » (ibid. : 60). Un autre combat intérieur s’amorce en effet chez Laodamie, car elle peut difficilement faire l’économie des répercussions familiales et « privées » auxquelles son union avec Gélon donnerait inévitablement lieu. En conformité avec son ethos de soeur aimante, Laodamie ne peut sacrifier dans l’indifférence le bonheur de sa soeur Nérée (Conroy, 2007). Si l’intérêt de l’État ne s’oppose dorénavant plus à son pathos, l’affection sincère qu’elle éprouve pour sa soeur de même que les principes éthiques associés à la fonction royale (qui exigent de la reine qu’elle soit bonne, juste et généreuse envers ses sujets) créent une tension nouvelle. Le bonheur d’une soeur ainsi que l’importance que la reine semble accorder à une « gloire » qui se révèle davantage, cette fois-ci, d’ordre moral que politique ne feront toutefois pas le poids devant les exigences combinées de son pathos – « l’amour dans mon coeur surmonte l’amitié [pour ma soeur] » (Bernard, 2011 [1735] : 68) – et de la raison d’État. La sécurité du royaume exige en effet qu’elle prenne un époux et le peuple demande que cet époux soit précisément Gélon, comme le souligne Argire, la confidente de la reine :

Ne vous devez-vous rien à vous-même, à l’État?

Vous feriez contre lui, Madame, un attentat,

Si, pouvant lui donner un héros pour son maître,

Et le seul qu’en ces lieux on puisse reconnaître,

Vous laissiez sa conduite à de moins dignes mains,

Pour vous attacher à des scrupules vains.

La raison est pour vous, Madame, et la justice.

La princesse à l’État doit faire un sacrifice

(ibid. : 69).

La convergence des intérêts du pathos et de la raison d’État permet à la reine de présenter, en apparence, un ethos conforme à ce qui est attendu d’un·e monarque vertueux·se : la fonction royale interdit en effet à un·e chef·fe d’État (et d’autant plus à une reine) de moduler son action politique en fonction de ses sentiments. La raison d’État fournit donc à Laodamie la possibilité de laisser libre cours à son pathos tout en préservant son ethos de souveraine vertueuse et prudente – « Je suis reine, et je veux aujourd’hui faire un roi; / Mais la raison d’État est mon unique loi » (ibid. : 72).

La reine s’autorise ainsi à révéler à Gélon une inclination présentée comme respectable, car cautionnée par le peuple et répondant à ses souhaits :

Quand on a pour objet le bien de son Empire,

Aux suffrages du peuple on doit souvent souscrire.

Par ses vrais intérêts le peuple est éclairé :

Il faut être héros pour en être adoré.

Sur les biens qu’il reçoit son choix se détermine,

Et le coeur d’une reine où la gloire domine,

Un coeur qui ne suit point d’aveugles mouvements

Peut sur un choix si sûr régler ses sentiments

(ibid. : 70).

La réaction de Gélon devant la perspective qui lui est offerte d’obtenir la couronne s’avère toutefois décevante pour la reine, qui souhaitait secrètement que la passion de ce dernier réponde à la sienne : il décline l’offre de mariage en vertu des « puissants liens » (ibid. : 71) qui l’attachent à Nérée, agissant ainsi en conformité avec l’éthique du parfait amant « galant » qui place l’amour et la fidélité à la foi donnée au-dessus de la gloire royale[18]. Humiliée d’avoir été rejetée et catastrophée d’avoir laissé paraître sa « faiblesse », Laodamie se tourne vers le prince Sostrate, à qui elle laisse miroiter le mariage et l’obtention de la couronne. Elle regrettera rapidement, toutefois, cette réaction impulsive causée par le dépit et un désir de vengeance – « voilà jusqu’où m’emporte un malheureux amour! […] / Mais pourquoi me venger? En ai-je donc sujet? » (Ibid. : 74-75.) Dorénavant informée de l’inclination de Laodamie pour Gélon, Nérée appréhende non sans raison la jalousie et la colère de sa soeur : « La reine vengera le mépris de ses feux. / Une amante outragée, une amante qui règne, / Voilà tous les malheurs qu’il faut donc que je craigne » (ibid. : 64). Mais celle-ci s’empresse de l’apaiser. Si la reine admet les effets néfastes que l’amour a pu avoir sur elle – « Gélon sut m’inspirer la plus fatale flamme / Qui peut-être jamais s’alluma dans une âme » (ibid. : 78) –, elle rappelle du même souffle les périls qui menacent le bien de l’État :

[J]e dois opposer à nos fiers ennemis

Un roi de qui le bras ait les destins amis.

Bien plus pour ces raisons que par ma propre estime,

J’ai voulu l’engager [Gélon], et voilà tout mon crime.

[…]

[C]e n’est point mon amour,

Ma soeur, qui réglera nos destins en ce jour.

L’État est menacé : déjà la Péonie

Aux fiers Étoliens contre nous s’est unie.

À cette guerre encor Rome va prendre part.

Pour mon peuple effrayé serai-je sans égard?

Il demande pour roi le prince qui vous aime :

Dites, que puis-je faire en cette peine extrême?

(Ibid. : 78-79.)

Loin de céder à la fureur que la jalousie pourrait inspirer à une reine tyrannique, Laodamie tient un discours raisonné qui témoigne du contrôle qu’elle arrive à exercer sur son pathos. Le souci de préserver un ethos royal reposant sur la maîtrise des passions incitera même la reine à prêter une oreille attentive aux propos de Sostrate, qui l’accuse de ne pas consulter « la politique » en choisissant Gélon pour époux, mais plutôt « le fond de [son] coeur » (ibid. : 90). Momentanément ébranlée et résolue à ce qu’on ne lui parle plus jamais de ce projet de mariage avec Gélon pour éviter qu’on ne l’accuse de se laisser guider par son pathos, la reine se rangera toutefois aux arguments raisonnables de son conseiller Phénix, qui l’implore de se préoccuper uniquement du bien de ses sujets :

Ah! Madame, aujourd’hui que vos heureux sujets

De votre amour pour eux puissent voir les effets,

Que la raison d’État sur vous soit souveraine.

Dans un jour si marqué ne vous montrez que reine.

Procurez-nous la paix, la gloire et le repos,

En nous donnant pour roi le plus grand des héros

(ibid. : 92).

Royauté et exemplarité

Surtout, des données nouvelles viennent amplifier la menace qui pèse sur le pouvoir déjà fragilisé de la reine : Sostrate, irrité, « médite un funeste projet » (ibid. : 93) avec ses acolytes, et l’armée réclame elle-même Gélon pour roi, une démarche qui « secrètement menace » et « blesse l’autorité » (ibid. : 95) de la reine. Dans une ultime tentative empreinte d’une dignité et d’une autorité nouvelles[19], Laodamie s’efforce de convaincre à nouveau Gélon d’occuper le trône à ses côtés, car « [l]a guerre dont encor nous sommes menacés, / Par un roi seulement peut être soutenue », et « [u]n roi seul peut calmer la populace émue » (ibid. : 96). Seul le bien de l’État devrait guider la conduite des Grand·es de ce monde, même au prix d’un sacrifice douloureux :

Il fallait m’imiter, l’exemple a dû suffire.

L’amour sur nos pareils doit être sans pouvoir.

J’aimai, je vous le dis, et vous l’avez su voir,

Mais je hais encor plus, et je veux vous l’apprendre,

Car enfin de mon coeur je ne sais point dépendre.

Je vous aimais, je pus vous donner à ma soeur,

Ma main s’offrait ailleurs quand vous aviez mon coeur;

Et victime en effet pour en être plus reine,

J’immolais à l’État mon amour et ma haine.

Depuis Attale mort, l’État a demandé

Qu’on vous offrit le trône : il vous est accordé.

Par le même intérêt que j’épousais Attale,

Je vous ai fait une offre à vos désirs fatale.

Votre amour en murmure, et n’a pu se trahir :

Vous m’avez refusée, et je dois vous haïr.

Je vous hais donc autant que le veut la justice;

Mais de ma haine encor je fais le sacrifice.

L’État est le plus fort, je veux vous faire roi

Malgré des sentiments qui ne sont que pour moi

(ibid. : 97).

La reine présente ainsi son propre comportement comme étant exemplaire, mais Gélon refuse de reconnaître la supériorité de la raison d’État sur la loi morale enjoignant à un honnête homme de tenir sa parole et à un parfait amant de placer l’amour au-dessus de l’ambition, car il en va de sa gloire personnelle : « Par la foi, par l’honneur, mon coeur est arrêté : / Je ne puis être à vous sans blesser l’équité » (ibid. : 98). Cette posture éthique, caractéristique du parfait amant galant, fait ainsi contraste avec celle de Laodamie. Ce n’est qu’à la suite du refus réitéré de Gélon que celle-ci se résignera à renoncer à ce mariage et à exiler le prince hors du royaume, sa présence risquant de susciter la jalousie d’un hypothétique rival et futur époux (qu’elle ne nomme pas) tout en constituant un risque trop grand pour la stabilité de l’État et celle de sa propre couronne.

Le dernier acte témoigne ainsi d’une fermeté nouvelle de la part de l’héroïne. Si l’intérêt du royaume lui prescrivait, dès le premier acte, d’asseoir son jugement et ses décisions politiques sur la raison et de lutter contre les agitations passionnelles, il faudra le refus répété de Gélon à son offre de mariage ainsi que la menace de plus en plus sérieuse que les ennemis du royaume et le mécontentement du peuple feront peser sur sa couronne pour que Laodamie « immol[e] » à l’État son amour tout autant que sa haine pour Gélon – « l’État est le plus fort » (ibid. : 97).

Loin de céder à « un trop juste courroux » commandé par des « transports jaloux », Laodamie fait aussi le choix d’exercer, envers Nérée et Gélon, une générosité qui s’avère le signe de sa supériorité morale : « Que ne me donniez-vous, Ciel! une âme commune! / N’ai-je de la vertu que pour mon infortune? » (Ibid. : 99.) À la suite de l’annonce selon laquelle Nérée aurait décidé de sacrifier son bonheur personnel en se retirant dans le temple de Diane (afin de forcer Gélon à accepter le mariage que lui propose la reine), Laodamie la rappelle auprès d’elle en constatant la détresse du prince, prêtant ainsi secours « [a]ux désirs d’un ingrat » (idem) dont l’amour pour sa rivale l’offense pourtant. Ce soutien, parce qu’il s’avère douloureux, constitue la preuve qu’elle aime toujours Gélon. Le peuple, mécontent de l’exil de Gélon et témoin de l’inclination qu’éprouve ce dernier pour Nérée, les réclame alors à la tête de l’État. Menacée de perdre la couronne, la reine réussit momentanément à écarter ce péril en se présentant devant ses sujets, lesquels s’inclinent devant sa majesté et son autorité royales :

Aussitôt que la reine a paru dans la place,

Le respect naturel que lui doivent les coeurs

A dissipé l’orage, a calmé les rumeurs.

Cette crainte qu’en nous le juste Ciel imprime

Pour ceux qu’il fait régner par un droit légitime

Impose le silence aux plus séditieux

(ibid. : 102).

Son apparition et son éloquence suffisent à imposer le calme et le silence à la foule agitée : « La reine parle au peuple et se fait écouter / Quelques-uns à ses pieds vont enfin se jeter » (idem). Si la menace d’une révolte intestine s’avère contrée, celle d’une guerre susceptible de détruire le royaume demeure encore vive en l’absence d’un époux capable de mener l’armée à la victoire. Jamais, en effet, la possibilité que Laodamie mène elle-même les combats contre l’ennemi n’est-elle soulevée. Une dernière péripétie dénouera une situation en apparence insoluble : Sostrate fait irruption avec sa bande afin d’éliminer Gélon, qu’il pense à tort consacré roi, et « dans ce désordre extrême; / On n’a point de respect pour la reine elle-même » (ibid. : 103). Face aux traîtres, Laodamie se comporte de manière remarquable, même si son autorité est méprisée : « à son péril [elle] dédaigne de songer / Ce n’est que pour Gélon qu’elle craint le danger. / Loin d’éviter la mort à lui seul préparée, / Elle est près de ce prince à son péril livrée. / Elle croit détourner les coups par son aspect, / Et que pour sa présence on aura du respect » (idem). La reine est tout de même frappée mortellement – d’un coup destiné à Gélon – et expire au moment où elle dirige ses pas « pour aller jusqu’au Temple, / Nous laissant de son zèle un glorieux exemple » (ibid. : 104). Nérée hérite d’un pouvoir qu’elle aura dorénavant toute la liberté de partager avec Gélon, consacré héros du peuple après avoir vengé la mort de la reine.

Si ce dénouement s’inspire visiblement des quelques lignes (citées plus haut) que Justin avait consacrées au personnage historique de Laodamie, l’autrice fait toutefois de la mort de Laodamie un sacrifice susceptible d’inspirer de l’admiration (tout autant que de la pitié) au public. La fermeté et l’autorité dont elle fait preuve en affrontant la foule agitée, la reconnaissance de cette autorité par celle-ci (ce qui met fin à la révolte naissante avant l’arrivée de Sostrate) et son courage au moment où sa propre vie est en danger – « La reine à son péril dédaigne de songer » (ibid. : 103) – sont des signes manifestes d’un ethos royal pleinement assumé.

Tragédie et pouvoir au féminin

La dimension typiquement « féminine » de cet ethos royal est nettement perceptible, si l’on rappelle les qualités que La Mesnardière conseillait d’attribuer aux reines de tragédie – « chastes, pudiques, graves, magnifiques, tranquilles, & généreuses » (La Mesnardière, 1639 : 121). Laodamie exprime chacune d’entre elles dans le cours de l’action dramatique, que ce soit par sa retenue devant Gélon et son souci de dissimuler son inclination, malgré l’intensité de son pathos (chasteté et pudeur), par la majesté dont elle fait preuve devant ses sujets (gravité) ou par la « générosité » (ou bienveillance) qui caractérise son attitude envers Nérée et Gélon. Si le pathos perturbe la « tranquillité » de la reine tout au long de l’action dramatique, celle-ci n’en parvient pas moins à le tenir en bride – mais au prix d’un immense effort – au profit de la raison, qui lui dicte de maîtriser des passions (amour, jalousie, haine) qui entrent en contradiction avec les exigences de sa fonction. À cet égard, Laodamie s’apparente aux personnages cornéliens, dans la mesure où les assauts du pathos ne parviennent pas à altérer les fondements mêmes de son ethos.

En tenant compte des exigences de la raison d’État, la reine a cherché à faire preuve de prudence[20] dans la conduite des affaires politiques, une vertu constitutive de l’ethos royal masculin, comme nous l’avons vu plus haut : « un Roy qui paroist au Théatre, doit estre si courageux qu’il n’appréhende aucun danger, & ne treuve rien d’impossible à la force de ses armes légitimement occupées. Il doit estre si prudent, qu’il n’ait iamais aucun sujet de rétracter ses jugemens, ni d’en condamner les succés » (ibid. : 120). La reine Laodamie n’est pas non plus dénuée de courage, comme l’illustre le dénouement, même si ce courage ne s’exprime pas par la « force [des] armes ». Si l’ethos royal de Laodamie peut ainsi être qualifié de « féminin », il n’en demeure pas moins qu’elle fait aussi preuve de qualités dignes d’un « roi ».

Ainsi, la « tragédie » de la reine Laodamie réside moins dans sa difficulté à maîtriser un pathos inconciliable avec les exigences de la fonction royale (obstacle qu’elle arrive à surmonter au fil de l’action dramatique, jusqu’à une mort que l’on peut qualifier de courageuse, sinon d’héroïque), que dans la vulnérabilité découlant de son statut de reine régnante non mariée. C’est en effet l’impossibilité d’assurer la pérennité de son règne sans la présence, à ses côtés, d’un époux guerrier à l’ethos héroïque[21] qui fragilise la position de Laodamie, jusqu’à la rendre insoutenable. Devant l’impossibilité où est placée la reine de s’unir au candidat le plus glorieux des prétendants au trône de l’Épire, non pas à cause d’une faille dans son propre caractère (car Laodamie est aimable[22]), mais en raison d’une autorité paternelle qui, en l’adjoignant d’épouser Attale, l’a forcée à renoncer à Gélon et à l’éloigner d’elle, seul son « sacrifice », d’un point de vue dramaturgique, permet de dénouer l’impasse du noeud tragique. De fait, sa mort favorise la montée sur le trône – et ce, en même temps – d’une princesse soucieuse du bien de l’État[23] et d’un prince aux qualités héroïques. La tragédie de Catherine Bernard révèle ainsi la fragilité et la précarité d’un pouvoir exercé en solo par une reine légitime dont l’ethos ne correspond pas à « une attitude et [à] des valeurs masculines » (Hilgar, 1990 : 109) traditionnelles. Laodamie n’a rien, en effet, d’une « amazone » aux qualités explicitement viriles et aux compétences guerrières. Son ethos échappe tant à l’héroïsme traditionnel qui atténuerait la douceur et la pudeur associées aux femmes qu’à l’éclat d’une noirceur féminine qui porterait ombrage à son ethos royal, d’où l’interprétation du personnage, par une certaine critique, comme étant faible et « médiocre » (Barbafieri, 2015 : 332; Plusquellec, 1984 : 113). Autrement dit, Bernard a créé une reine dont l’exemplarité est à la fois féminine et royale, et dont l’aspiration à la vertu ne fait pas l’économie du sentiment et de la sensibilité pour lesquels le public, en cette fin de siècle, avait développé un goût certain (Dion, 2012).