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Comment les femmes parlent-elles, au théâtre ?[Notice]

  • Louise Frappier

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  • Louise Frappier
    Université d’Ottawa

Ce dossier trouve son origine dans un projet de recherche réunissant des spécialistes s’intéressant à l’écriture des femmes à l’époque moderne (XVe-XVIIIe siècles) et, plus largement, aux prises de parole féminines, réelles ou fictives, dans des textes appartenant à des formes diverses durant cette période. Si les travaux sur l’écriture des femmes, dans l’Ancien Régime, se sont multipliés au cours des dernières années, de même que les études sur la représentation des femmes dans la littérature, ce projet de recherche s’intéresse plus spécifiquement aux discours féminins tels qu’ils se déploient dans les textes littéraires de l’Ancien Régime afin d’observer « les caractères accordés à la voix féminine par les auteurs masculins, féminins ou anonymes » (Desrosiers et Roy, 2020 : 6). À partir du concept de « mise en scène de soi », selon lequel tout locuteur ou toute locutrice effectue, par son discours, « une mise en scène de sa personne plus ou moins programmée » (Amossy, 2010 : 6), les collaboratrices de ce dossier se sont demandé, de manière plus spécifique, comment on fait parler les femmes au théâtre et dans quelle mesure la parole féminine y relève d’un ethos discursif – c’est-à-dire de l’« image que l’orateur construit de lui-même dans son discours » (ibid. : 25) – qui s’avère en conformité ou non avec certains stéréotypes sur le « féminin » (la douceur, la faiblesse et la passivité, par exemple). Il s’est donc agi de cerner de quelle manière, au théâtre, les locutrices se forgent une identité par leurs discours, négocient leur rapport à l’autre et se positionnent dans l’espace social, et d’interroger l’expression de ces paroles féminines dans le dispositif énonciatif théâtral en explorant tout particulièrement la question suivante : jusqu’à quel point les contraintes formelles propres au théâtre – et plus spécifiquement à la tragédie – configurent-elles et déterminent-elles la parole des femmes ainsi que la teneur de leurs discours? Le genre de la tragédie s’est en effet rapidement imposé comme objet d’étude à privilégier dans cette exploration, tant en raison de son importance (au niveau quantitatif) dans la production théâtrale de la période que de sa supériorité dans la hiérarchie esthétique des genres, la tragédie étant devenue, au cours du XVIIe siècle, le vecteur privilégié par lequel plusieurs écrivain·es ont pu acquérir un capital symbolique considérable. Dès sa renaissance en France, vers 1550, dans la foulée de la redécouverte et de la valorisation des formes antiques qui marquera la seconde moitié du XVIe siècle, la tragédie bénéficiera en effet d’un intérêt qui ne fera que s’amplifier au cours du siècle suivant, jusqu’à la consécration de cette forme au panthéon des genres littéraires par lesquels tout·e écrivain·e ambitieux·euse pouvait aspirer à la gloire. Les articles de ce dossier s’inscrivent ainsi dans la foulée des travaux de Vincent Dupuis (2015) et de Nina Hugot (2021) – laquelle signe d’ailleurs l’une des contributions du numéro – sur les liens particuliers que le genre tragique a entretenus, depuis le XVIe siècle, avec le « féminin ». Les articles regroupés dans ce dossier couvrent la longue période des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, avec la volonté nette d’embrasser le développement du théâtre tragique à l’antique, depuis la renaissance du genre au milieu du XVIe siècle jusqu’à son déclin progressif au profit de formes plus modernes, vers la fin du XVIIIe siècle. Ce faisant, les autrices se sont penchées sur des textes dont l’importance, au moment où ils ont été créés mais aussi dans l’histoire du théâtre français, est indéniable, qu’il s’agisse de la première …

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