Revue des revues

Jeu, nos 172 (2019), 174 (2020)Agôn, no 8 (2019)Alternatives théâtrales, no 138 (2019)[Notice]

  • Lydia Couette

Les dossiers thématiques de plusieurs revues théâtrales ont fait pleins feux, en 2019 et 2020, sur des pratiques tantôt novatrices, tantôt marginales de la sphère des arts vivants. Ces pratiques, pour autant qu’elles soient nombreuses et hétérogènes, concourent toutes à poser et à reposer la question de l’importance des codes et des normes au théâtre, de même que celle de leur constant dépassement. Si la revue Jeu s’est tour à tour employée à traiter du rire dans le paysage artistique actuel et du théâtre pour jeunes publics, les publications d’Agôn et d’Alternatives théâtrales ont concentré leurs efforts autour de la présence indéfectible de la matière sur les planches, puis sur son modelage dans le cadre de l’alliage, de plus en plus fréquent, des arts de la scène et des arts plastiques. Dans son éditorial du numéro 172 de la revue Jeu, Raymond Bertin invite à prendre le pouls de toute « la créativité et l’inventivité de l’humour sur nos scènes », en soulignant le rôle important, « salvateur », du rire au théâtre. Désignant le comique comme « [l]’espoir du monde », le dossier propose de redonner tout le sérieux que l’on doit à l’humour en scène. L’introduction, signée par Sophie Pouliot, fait la part belle à la surprise et à la créativité qui provoquent l’irruption des rires dans la salle. Pouliot souligne que, si les larmes comptent au nombre des expériences fortes qui rendent une oeuvre marquante, l’effet humoristique duquel résultent euphorie ou fous rires n’est pas en reste, et ce, que l’on observe la scène de l’angle du ou de la dramaturge et de l’interprète comme de celui du public. Christian Vanasse se pose quant à lui une question qui s’appuie sur les limites que traversent humour et théâtre lorsqu’ils sont conjugués : « Peut-on rire de tout au théâtre? » Se jouant de la tension qui oppose souvent la figure de l’humoriste à celle du ou de la comédien·ne, il montre qu’il convient, pour résoudre ce débat, d’envisager l’humour et le théâtre avec la même liberté, et de leur reconnaître à tous deux le même pouvoir de secouer l’audience. Dans leur entretien avec Sophie Pouliot, Didier Lucien et Marie-Hélène Thibault s’ouvrent sur les particularités du jeu comique dont il et elle ont fait leur marque de commerce en tant qu’interprètes et qui repose, à leur avis, sur une grande précision et un équilibre constant. Le risque et la beauté du rire au théâtre résident dans le geste minutieux de faire cohabiter la comédie et le drame. Dans l’article suivant, Ralph Elawani interroge la fonction de l’humour en scène. Dans une perspective historique, il brosse un portrait des préjugés négatifs sur l’art comique et tente de réhabiliter le genre en faisant valoir ses qualités subversives et vitales. Il cite notamment Thibaud Croisy : « Celui qui ne rit plus est mort ». Dans un même ordre d’idées, Catherine Léger fait l’apologie de l’humour dissident et provocateur au théâtre. Pour elle aussi, si ce dernier existe pour bousculer et remettre les normes en question, l’humour au théâtre se doit d’être un outil actif de ce dérangement. Si l’humour fait consensus, le conservatisme nous guette : « Un peu de délinquance, dans un monde bienveillant jusqu’à la condescendance, c’est plus que nécessaire ». Dans sa contribution, Yves Dagenais retrace l’évolution de l’art clownesque et de la figure du pitre « d’aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps » jusqu’à aujourd’hui. C’est un parcours historique minutieusement orchestré que l’auteur nous fait traverser, qui permet d’éclairer la valeur du métier de clown contemporain, acteur social important, comme …

Parties annexes