Résumés
Résumé
De tous les témoignages rassemblés par Carmen Roy, alors ethnologue au Musée national de l’homme (maintenant Musée canadien des civilisations), au cours de l’été 1970 en Saskatchewan, il y en a un qui est particulièrement remarquable par sa richesse, celui de François-Marie Rohel, alors âgé de 82 ans, de Saint-Brieux (Saskatchewan) et originaire du canton de Landerneau en Bretagne. Transcrits sur 404 feuillets de format légal, les témoignages de M. Rohel présentent un grand intérêt non seulement en raison des informations communiquées sur la survivance et la disparition de pratiques culturelles bretonnes en Saskatchewan, mais surtout en raison du décalage entre le discours institutionnel de Carmen Roy, les questions qu’elle persiste à poser qui ont évidemment pour objectif de reconstruire une « bretonitude », et le discours de François-Marie Rohel qui s’efforce de se dégager des limites imposées par les questions de l’ethnologue. Le discours mnésique devient donc un enjeu de pouvoir entre le témoin, qui cherche à affirmer par la parole une identité qui ne serait pas liée à certaines pratiques culturelles « typiques », et l’ethnologue à la recherche de renseignements spécifiques, qui cherche par ses questions à associer identité et pratiques culturelles selon des normes scientifiques établies. Sur quoi le discours de la mémoire met-il l’accent et sur quoi refuse-t-il de s’attarder en dépit de l’insistance des questions posées par Carmen Roy? Au-delà des informations ethnographiques qu’il fournit, le discours mnésique de François-Marie Rohel est un discours de la souffrance et du regret, du sacrifice et de la justification, enfin de la fierté, et c’est dans le cadre de ce parcours que se forme et se modifie une identité qui se dégage de pratiques culturelles particulières.