Résumés
Résumé
On a beaucoup exagéré les origines bretonnes du Québec. S’il est vrai qu’aux prémices du peuplement de la Nouvelle-France il y a des Bretons, il convient de préciser qu’ils ne sont pas les plus nombreux. En 1680, les Français qui ont déjà pris racine sur les rives du Saint-Laurent proviennent pour la plupart de Normandie et d’Île-de-France, les Bretons ne comptant que sept pour cent de cette population. S’agissant d’influence culturelle, il y a d’autres variables à considérer que les seules origines de la population. Comment expliquer par exemple la thèse de Gérard Morisset (1949) sur les sources bretonnes des maisons rurales de la région de Montréal, quand cette population venait d’ailleurs? Que penser aussi du succès qu’ont connu ici, au début du xxe siècle et plus tard, les chansons de Théodore Botrel, ce poète breton qui fonda en 1904 à Pont-Aven son pèlerinage, le pardon des Fleurs-d’Ajoncs, et qui eut l’honneur d’être publié dans les cahiers La Bonne Chanson (1939) de l’abbé Charles-Émile Gadbois, alors que les chansonniers parisiens de la libertaire butte Montmartre n’y étaient pas admis? N’y a-t-il pas lieu de considérer que les liens unissant le Québec à la Bretagne iraient plutôt dans le sens d’un discours construit par une Église québécoise conservatrice, qui voyait dans la Bretagne catholique, nationaliste et réfractaire de ce temps la seule mère patrie acceptable pour un peuple qui avait préféré la Conquête à la Révolution? Le Québec et la Bretagne catholiques ne menaient-ils pas alors un même combat de résistance de la marge ethnoreligieuse? L’analyse des traditions religieuses communes aux deux marges servira à soutenir l’idée que les prétendues origines bretonnes du Québec relèvent plus du discours défensif des élites clérico-nationalistes québécoises du début du xxe siècle que d’un examen attentif des faits.
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Parties annexes
Note biographique
Ethnologue et professeur titulaire à l’Université Laval, de 1972 jusqu’à sa retraite en 2000, Jean Simard se spécialise dans les champs de l’iconographie, de l’art populaire, de la religion populaire et du patrimoine religieux du Québec et des francophones en Amérique du Nord. Il a publié une dizaine d’ouvrages dans ces domaines, dont Un patrimoine méprisé – La religion populaire des Québécois (1979), Les arts sacrés au Québec (1989), L’art religieux des routes du Québec (1995) et Le Québec pour terrain – Itinéraire d’un missionnaire du patrimoine religieux (2004). Son plus récent ouvrage, en collaboration avec le photographe François Brault, vient de paraître, sous le titre Cimetières – Patrimoine pour les vivants (2008). Il est actuellement secrétaire de Rabaska, revue d’ethnologie de l’Amérique française, et président de la Société québécoise d’ethnologie.
Notes
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[1]
Yves Landry, « L’émigration normande en Nouvelle-France », Le Québec à la rencontre de la Normandie – Actes du colloque de l’Amopa, 30–31 mai et 1er juin 2006, textes réunis par Aurélien Boivin et Cécile Fouache, Rouen, Institut pluridisciplinaire d’études canadiennes de l’Université de Rouen, 2007, p. 23–29.
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[2]
Marcel Fournier, Les Bretons en Amérique française, 1504–2004, Rennes, Les Portes du large, 2005, p. 69.
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[3]
Guide religieux de la France, Paris, Librairie Hachette (Bibliothèque des Guides bleus), 1967, 1235 p.
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[4]
Louis Réau, Iconographie de l’art chrétien, tome iii : Iconographie des saints, i, p. 92. Notons que le culte à sainte Anne voit le jour à Jérusalem, où une église située sur le lieu de naissance de la Vierge lui fut dédiée aux premiers temps de l’ère chrétienne. En Occident, son culte est tardif et éphémère; il ne se développe qu’à la fin du Moyen-Âge, puis décline et s’éteint sauf en Bretagne et en Amérique du Nord.
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[5]
Guide religieux de la France, op. cit., p. 881. Voir également J. Buléon et E. Le Garrec, Sainte-Anne-d’Auray – Histoire du pèlerinage, Abbeville, Éditions Charles Paillart, 1923, 128 p.
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[6]
Henri Queffélec, Promenades en Bretagne, Paris, André Balland, 1969, p. 192.
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[7]
Lucien Gagné et Jean-Pierre Asselin, Sainte-Anne-de-Beaupré – Trois cents ans de pèlerinage, Sainte-Anne-de-Beaupré, 1984, p. 7.
-
[8]
Fournier, op. cit., p. 37.
-
[9]
Gagné et Asselin, op. cit., p. 12.
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[10]
Id., p. 38.
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[11]
Id., p. 10.
-
[12]
Id., p. 16.
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[13]
D’après l’inventaire d’Yves-Pascal Castel, Atlas des croix et calvaires du Finistère, Quimper, Société archéologique du Finistère, 1980.
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[14]
Gwenc’hlam Le Scouëzec et Jean-Robert Masson, Pierres sacrées de Bretagne – Croix et sanctuaires, Paris, Éditions du Seuil, 1983, 276 p.
-
[15]
Jean Simard et Jocelyne Milot, Les croix de chemin du Québec – Inventaire sélectif et trésor, Québec, Les publications du Québec, « Patrimoines-dossiers », 1994, 525 p. Ce nombre peut être porté à environ 4 000 si l’on se fie aux relevés du Macro‑inventaire du patrimoine québécois, réalisés de 1977 à 1986 par le ministère de la Culture et des Communications. Il inclut vraisemblablement d’autres types de croix, comme les calvaires de cimetière et les croix de sommet.
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[16]
Claire Gagnon, « Le calvaire de Saint-Augustin et l’Hôtel-Dieu de Québec », inédit, Archives de folklore et d’ethnologie, Division des archives, Université Laval, 1978, p. 55.
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[17]
Paul Carpentier, Les croix de chemin : au-delà du signe, Ottawa, Musées nationaux du Canada, Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle, « Mercure », n˚ 39, 1981, 484 p.
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[18]
Alain Chaignon, « Croix de chemin : au carrefour des croyances », Détours en France, n˚ 20, 1995, p. 79–83.
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[19]
Le Scouëzec et Masson, op. cit., p. 243–250.
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[20]
Id., p. 251–268.
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[21]
Petit-Cap désignait autrefois le lieu occupé aujourd’hui par le sanctuaire. Il nomme maintenant un promontoire, situé plus à l’est, où se trouve le Château Bellevue, résidence d’été des prêtres du Séminaire de Québec.
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[22]
Jean-Nicolas De Surmont, La bonne chanson – Le commerce de la tradition en France et au Québec dans la première moitié du xxe siècle, Montréal, Triptyque, 2001, 215 p.
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[23]
Gérard Morisset, L’architecture en Nouvelle-France, Québec, les Éditions du Pélican, « Champlain », p. 32.