FR :
Cet article propose une analyse comparée de deux adaptations cinématographiques d’œuvres d’Anne Hébert : d’une part, Kamouraska, réalisé en 1973 par Claude Jutra, qui adapte le roman éponyme de 1970 ; d’autre part, Le Torrent, réalisé en 2011 par Simon Lavoie, qui adapte la nouvelle liminaire du recueil publié par l’autrice en 1950. En particulier, nous étudierons la représentation du temps qui est à l’œuvre dans ces deux films, afin d’insister sur la complémentarité des démarches choisies par les cinéastes pour adapter la complexité temporelle du récit hébertien : alors que Lavoie, entre autres par le recours à l’héritage cinéphilique, vise la création d’un temps long et continu, quitte à détourner l’esthétique de la nouvelle, Jutra tente plutôt de produire une forme narrative contrariée où le mélange intermittent des temporalités est la traduction du bouillonnement intérieur de son personnage principal. Témoignant de deux époques bien distinctes du cinéma québécois, Kamouraska et Le Torrent soulignent enfin comment un matériau littéraire comme celui d’Anne Hébert, en raison de son ambition, lance au cinéma le défi d’expérimenter ses limites et de réfléchir à ses propres possibilités d’expression.
EN :
This article proposes a comparative analysis of two cinematographic adaptations of works by Anne Hébert: Kamouraska, directed in 1973 by Claude Jutra, who adapted the eponymous novel of 1970, and Le Torrent, directed in 2011 by Simon Lavoie, who adapts the opening text of the collection published by the author in 1950. In particular, I will look at the representation of time that is at work in these two films, the better to insist on the complementarity of the approaches chosen by the filmmakers to adapt the temporal complexity of Hébert’s narrative: whereas Lavoie, through the use of the cinephilic heritage, aims at the creation of a long and continuous time, even if it diverts the aesthetics of Hébert’s story, Jutra tries rather to produce a contrary narrative form where the intermittent mixture of temporalities is the translation of the inner torments of his main character. Bearing witness to two distinct epochs of Quebec cinema, Kamouraska and Le Torrent finally highlight how a literary material like Anne Hébert’s, because of its ambition, challenges cinema to experiment with its limits and reflect on its own potential of expression.