Résumés
Résumé
Dans la théorie de l’information probabiliste comme dans la théorie des algorithmes de programmation, l’on n’a pas à s’occuper de la question de savoir comment nous comprenons ni comment les significations sont créées. Dans ces deux cas de complexité, nous rencontrons le même paradoxe : une identité formelle entre complexité maximale et aléatoire (c’est-à-dire désordre avec homogé-néité statistique maximale). Et, dans les deux cas, la solution du paradoxe consiste à l’ignorer en supposant qu’un sens et une signification existent a priori, ce qui élimine de ce fait l’hypothèse de l’aléatoire. Ce n’est que très récemment qu’on a tenté de résoudre vraiment ce paradoxe par des travaux sur la complexité algorithmique tenant compte d’une définition de la complexité porteuse de signification. Une première approche concerne le principe de complexité par le bruit. Une seconde, plus récente, utilise des simulations de réseaux d’automates pour tenter de surprendre l’émergence de significations fonctionnelles dans les réseaux d’automates à propriétés auto-organisatrices. Parmi les résultats obtenus, on trouve une large sous-détermination des théories par les faits, et la petite taille de ces réseaux permet d’en analyser clairement l’origine et même de la quantifier. Cette sous-détermination des théories apparaît comme l’expression probablement la plus spectaculaire de ce qu’est la com-plexité naturelle.
Mots-clefs:
- Aléatoire,
- complexité algorithmique,
- complexité par le bruit,
- complexité naturelle,
- limite de la modélisation,
- propriétés auto-organisatrices,
- significations,
- simulations de réseaux d’automates,
- sous détermination des théories
Abstract
In Probabilistic Information Theory, as in Algorithm and Programming theory, there is no need to worry about how we understand or how we come to create meaning. Within each of these complex cases, we run into the same paradox: formal identity between maximum complexity and randomness (i.e. disorder within maximum statistical homogeneity). And, in both cases, the solution to this paradox consists of ignoring that sense and meaning exist a priori while supposing it does, which eliminates the hypothesis of randomness. It isn’t until recently that paper in Algorithmic Complexity have attempted to solve this paradox, taking into consideration a definition of complexity that is meaning based. A first approach is to account for complexity in noise. A second, more recent approach, uses Multi-Agent Cellular Automata Systems to catch the emergence of functional meaning within the self-organizing networks. As a result of these approaches, we find a large under-determination of theories within the facts, and a small number of networks that allow us to retrace the origins and even quantify them. This under-determination of theory appears to be the most spectacular expression of what is natural complexity.
Key words:
- Randomness,
- Algorithmic Complexity,
- complexity in noise,
- natural complexity,
- model limitations,
- self-organizing properties,
- meaning,
- cellular automata,
- under-determination of theories
Veuillez télécharger l’article en PDF pour le lire.
Télécharger
Parties annexes
Notes
-
[1]
Avertissement au lecteur : Ce texte est un extrait d’un article déjà publié par Henri Atlan dans l’ouvrage dirigé par Françoise Folgelman Soulié, Les théories de la complexité. Autour de l’oeuvre d’Henri Atlan (Paris, Seuil, 1991), reproduit récemment dans un livre d’Henri Atlan, L’organisation biologique et la théorie de l’information (Paris, Seuil, coll. « Librairie du XXe et du XXIe siècles, 2006) et dont la source était un colloque tenu dans le lieu prestigieux de Cerisy, en 1988.
En contradiction avec nos principes, mais de façon exceptionnelle, nous avons décidé de publier cet extrait du fait de son vif intérêt et de son actualité, même vingt ans après, alors que la simulation à base de réseaux d’automates pénètre dans les sciences humaines et sociales, comme NPSS s’en est fait l’écho, notamment dans le volume précédent.
Qu’Henri Atlan soit remercié, dans le même mouvement, pour cette contribution aux réflexions que souhaite susciter notre revue et plus généralement pour l’ensemble de ses travaux qui continuent de nous éclairer et, mieux encore, de nous interroger.
Merci également aux responsables des éditions du Seuil pour leur gracieuse autorisation de cette reproduction.
-
[2]
Remarquons pourtant qu’un programme minimal se présente comme une suite aléatoire d’après cette définition puisque, étant minimal, il ne peut pas être produit par un programme plus court que lui. La seule raison qui nous le fait considérer comme autre chose qu’une suite aléatoire est sa signification, c’est-à-dire le fait que nous savons, par ailleurs, qu’il est capable de produire une certaine fonction quand il est lu et interprété par une machine de Turing (voir Moshé Koppel et Henri Atlan, « Les gênes : programmes ou données? Le rôle de la signification dans les mesures de complexité », dans Françoise Fogelman Soulié (dir.), Les théories de la complexité. Autour de l’oeuvre d’Henri Atlan, Seuil, Paris, 1991, p. 188-204).
-
[3]
Henri Atlan, Esther Ben-Ezra, Françoise Fogelman Soulié, Didier Pellegrin et Gérard Weisbuch, « Emergence of Classification Procedures in Automata Networks as a Model for Functional Self-Organization », Journal of Theoritical Biology, n° 120, 1986, p. 371-380.
-
[4]
Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant, Les ruses de l’intelligence. La Mêtis des Grecs, Flammarion, 1974; Yehuda Elkana, « A Programatic Attempt at an Anthropology of Knowledge », Everett Mendhelson et Yehuda Elkana (dir.), dans Sciences and Cultures, Dordrecht, Reidel, 1981, p. 1-76.
-
[5]
Voir Henri Atlan, L’organisationbiologique et la théorie de l’information, Paris, Hermann, 1972, Seuil, 2006, p. 129-134.
-
[6]
Henri Atlan, « Automata Network Theories in Immunology: Their Utility and Their Under-Determination », Bulletin of Mathematical Biology, vol. 51, n° 2, 1989, p. 247-253.