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INTRODUCTION

Les jalons de l’action communautaire du Québec ont été posés avant les années 1960, où les organisations caritatives étaient ancrées dans les valeurs d’entraide et de bienfaisance d’une société traditionnelle et religieuse (Duval et al., 2005). Les organismes communautaires (OC) ont traversé de nombreux changements de paradigme en fonction des préoccupations en réponse aux besoins sociaux de l’époque. Appréhendés comme des « infrastructures sociales » (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2001, p. 15), les OC occupent aujourd’hui une place primordiale dans la société québécoise, non seulement en soutenant les populations locales dans le besoin dans divers secteurs (santé et services sociaux, défense des droits, sensibilisation, etc.) (Savard et Proulx, 2012), mais aussi en s’investissant dans une démarche d’engagement et de luttes sociales (Depelteau, Fortier et Hébert, 2013). Malgré le caractère essentiel des OC et de leur importance cruciale pour la population, les métiers en intervention sociale et, parmi lesquels celui des intervenant·e·s communautaires, sont largement traversés par divers enjeux propres aux métiers du care, alors que la précarisation des OC, de leurs intervenant·e·s et de leurs conditions de travail a été largement documentée (Bellot, Bresson et Jetté, 2013; le Pain et al., 2021; Parazelli et Ruelland, 2017). Qui plus est, le travail des intervenant·e·s communautaires a été grandement transformé dans un contexte de pandémie (Ruelland et Coget, 2021) ayant résorbé des facteurs de vulnérabilité préexistants, dont la précarité des conditions, notamment en raison de la nécessité d’adaptation accélérée aux besoins de la population, du développement de nouveaux services et modes d’action ainsi que d’une augmentation de la charge de travail directement liée à la crise sanitaire (TCRI, 2020).

Bien que de nombreuses études s’intéressent à la santé mentale et à la détresse des travailleurs·euses de la santé en temps de pandémie en focalisant, par exemple, sur les conséquences du délestage, très peu d’entre elles se penchent sur la santé mentale des intervenants communautaires, même s’iels offrent des services essentiels à différentes populations vulnérables. Pourtant, la mobilisation des OC a joué un rôle essentiel dans le soutien des populations fragilisées par la crise sanitaire. Les intervenant·e·s de première ligne de ces OC occupent un rôle déterminant dans la protection des populations les plus vulnérables en offrant des services essentiels (p. ex. soutien psychosocial, aide alimentaire, offre éducative, prévention de la négligence, etc.). Bien entendu, ces facteurs de vulnérabilité ont de nombreuses répercussions sur le bien-être et la santé mentale de ces intervenant·e·s (Furtos, 2011). D’ailleurs, les résultats préliminaires d’une étude (Vachon, 2021) abondent en ce sens, alors qu’une augmentation non négligeable de l’épuisement professionnel chez les intervenant·e·s est notable depuis la pandémie. En plus d’avoir des répercussions sur la santé mentale des intervenant·e·s, la pandémie a entraîné de nombreuses adaptations accélérées de la part des organismes, susceptibles d’amoindrir le bien-être des intervenant·e·s et de ses gestionnaires (Vachon, 2021). Ainsi, la présente contribution vise à mettre en lumière le processus et les répercussions d’une recherche interventionnelle réalisée par et pour les milieux communautaires afin de favoriser le bien-être des personnes oeuvrant dans ces milieux.

Aperçu du projet et mÉthodologie

Afin de documenter l’état de santé mentale et le bien-être des acteur·trice·s communautaires, un projet de recherche participative visant à soutenir la mise en oeuvre d’activités qui favorisent leur santé mentale et leur bien-être a été développé. Ce dernier a été financé par le Réseau Québécois COVID-Pandémie (RQCP), la Fondation Écho et la Fondation du Grand Montréal et a obtenu une certification éthique de l’Université de Montréal (CERSES-21-061-P). Le projet, du dépôt de la demande de financement à l’étape de mobilisation des connaissances, a été soutenu par un comité aviseur qui regroupe des acteurs·trice·s communautaires représentant quatre OC, un regroupement communautaire de plus de 64 OC d’un quartier central de l’île de Montréal ainsi que deux acteurs·trice·s municipaux.

Le projet a été réalisé en deux volets. Le premier volet visait à documenter les expériences et les besoins des intervenant·e·s communautaires en lien avec leur état de santé mentale et leur bien-être ainsi que les stratégies de réponses à ces besoins. Les données recueillies par le biais d’un questionnaire en ligne et de groupes de discussion ont mis en lumière un sentiment généralisé d’impuissance et de frustration, des difficultés liées à la charge de travail, à l’organisation, à l’accompagnement et au soutien des intervenant·e·s ainsi que d’importants niveaux de fatigue de compassion, d’épuisement professionnel et de symptômes pouvant manifester la présence d’un épisode dépressif (Sta-Ali et al., en cours). De plus, les résultats ont fait émerger des enjeux de santé mentale chez les gestionnaires des OC – non visé·e·s initialement par le projet –, aussi fortement ébranlé·e·s par les chamboulements auxquels a fait face le milieu communautaire depuis la pandémie.

Dès lors, les apprentissages issus de ce premier volet ont su mettre en commun les expériences et le vécu des intervenant·e·s et brosser un portrait de la situation, ce qui a finalement permis de bâtir une programmation d’activités par et pour les milieux communautaires (2e volet du projet). En effet, les activités interventionnelles ont été organisées en partenariat avec les milieux et pour les milieux communautaires, notamment à travers une collaboration étroite et une implication des membres du comité aviseur, mais aussi de plusieurs autres acteurs et actrices communautaires qui participaient à nos activités.

Ce comité, composé de partenaires initiaux, impliqués depuis la conception du projet et la demande de financement, ainsi que de nouveaux partenaires communautaires qui se sont joints à la démarche en cours de déploiement représentait la voix de différentes fonctions au sein de ces OC : gestionnaires, coordonnateur·trice·s d’équipe et intervenant·e·s. Dans ce contexte propice aux transformations et à l’innovation sociale, ce comité a permis d’ancrer notre posture de coconstruction dans une « approche de collaboration selon laquelle praticien·ne·s et chercheur·e·s sont considéré·e·s comme des apprenants […] réflexifs qui se questionnent » (CTREQ, 2017), en vue de l’élaboration de notre programmation d’activités interventionnelles. En effet, la présence d’acteurs·trices communautaires au sein du comité a permis d’octroyer un pouvoir décisionnel face à la création d’une programmation d’activités interventionnelles répondant aux besoins des milieux identifiés lors du premier volet de ce projet.

De plus, cette programmation se voulait adaptative et flexible, permettant à l’équipe d’ajuster les activités aux besoins des participant·e·s. À cet effet, l’équipe a mis en place des espaces évaluatifs à chaque activité interventionnelle pour collecter l’avis des participant·e·s concernant la thématique, le déroulement, l’environnement physique, etc. De plus, le processus de coconstruction des activités interventionnelles a été documenté à travers des notes terrain et l’enregistrement audio des activités par le biais d’une approche d’observation participante, alors que l’équipe de recherche et le comité aviseur prenaient part aux activités. Les résultats étaient analysés à chaque rencontre du comité aviseur afin de discuter des activités et des ajustements nécessaires, ce qui a permis de s’inscrire dans une démarche réflexive et développementale.

ActivitÉs interventionnelles rÉalisÉes

Les activités interventionnelles réalisées visaient les divers aspects de la santé mentale, de congruence avec l’objectif du projet : la conception et la mise en place d’activités favorisant le bien-être psychologique, la santé physique et le soutien social (OMS, 2021). Un total de sept activités auprès d’intervenant·e·s furent réalisées selon deux phases.

La première phase a eu lieu au printemps 2022. La seconde s’est déroulée entre l’automne 2022 et l’hiver 2023 avec une évolution entre les différentes phases d’activités basée sur la voix des différent·e·s acteurs·trices impliqué·e·s. En effet, la réalisation de ces différentes phases d’activités fut le fruit de nombreuses collaborations : la combinaison des retours des participant·e·s, les réflexions du comité aviseur sur les activités ainsi qu’un premier événement de mobilisation des connaissances réalisé en septembre 2022 et rassemblant plus largement des acteurs·trices municipaux, communautaires, de la recherche et des représentant·e·s des organismes subventionnaires. Cet événement a d’ailleurs suscité de nombreuses réflexions, dont la pertinence de la mise en place de deux activités interventionnelles réservées aux gestionnaires qui ont vu le jour au sein de la seconde phase du projet grâce à une prolongation du financement.

D’emblée, les activités de la première phase se distinguent de celles de la seconde, non seulement par le nombre restreint d’animations offertes, mais aussi par une programmation plus variée, offrant parfois des ateliers favorisant le bien-être, parfois des activités plus ludiques comme des animations sportives et des repas collectifs. À l’instar de la première phase, les activités de la phase deux ont pris place dans une formule plus structurée, notamment grâce aux rétroactions et réflexions évoquées précédemment.

Ainsi, les réflexions ont mené à une programmation d’activités élaborée en trois temps : un atelier sur le bien-être, un atelier sportif ainsi qu’un repas collectif. En effet, alors que la première phase d’activités s’adressait à toute personne oeuvrant en milieu communautaire, la seconde phase a quant à elle pu se démarquer par des activités parfois réservées spécifiquement aux intervenant·e·s, parfois aux gestionnaires. L’annexe 1 offre un aperçu des différentes activités et de l’évolution de la programmation.

Les ateliers sur la santé mentale et le bien-être : des thématiques qui parlent aux participant·e·s

Le pilier de la programmation d’activités réside bien entendu dans les ateliers sur la santé mentale et le bien-être qui ont été offerts aux participant·e·s. Lors de chaque événement, des thématiques différentes ont été abordées à ces ateliers afin de répondre aux divers enjeux qui peuvent être vécus par les intervenant·e·s. À cet égard, des ateliers sur la fatigue de compassion, sur l’équilibre travail-famille, le détachement du terrain, la déstigmatisation de l’épuisement professionnel et sur l’hygiène psychologique ont été offerts aux intervenant·e·s[1]. En revanche, des ateliers sur le bien-être durable au sein d’une organisation et sur la gestion en contexte de crise furent offerts aux gestionnaires d’OC.

Les ateliers, autant pour les intervenant·e·s que pour les gestionnaires, ont évolué, que ce soit en adaptant leur contenu ou en les échelonnant en deux parties, afin de répondre aux besoins émergents. Certains commentaires des participant·e·s ont été également pris en compte en vue de réaliser cet ajustement, comme l’évoquent ces propos : « Le dernier atelier était long, j’aimerais ça qu’on revienne dessus, on avait autre chose à dire. » (Participant·e).

Cela dit, les retombées sur les participant·e·s sont, sans équivoque, très importantes. Parmi ces retombées, les participant·e·s ont mentionné en avoir beaucoup appris sur eux·elles-mêmes, en plus de réaliser que plusieurs autres personnes oeuvrant dans le même milieu, parfois dans le même organisme, étaient aux prises avec les mêmes enjeux : « Je pensais être la seule à me sentir comme ça, mais je réalise que beaucoup de personnes se sentent comme moi. Ça fait du bien ! » (Participante). Dans les ateliers pour gestionnaires et ceux des intervenant·e·s, l’importance de la mise en commun des enjeux fut mise de l’avant, notamment chez les gestionnaires qui ont pu comparer les plans de contingence de leurs organisations respectives.

Des outils et mécanismes de coping ont été offerts aux participant·e·s au fil des ateliers, en tirant des bénéfices concrètement liés à la réalité des intervenants communautaires. Une autre retombée importante est représentée par leur prise de conscience concernant la disponibilité des ressources et la légitimité d’y faire appel. La présence d’une professionnelle de la santé mentale à toutes les activités a permis de créer un lien de confiance dans un espace propice au dialogue et au partage pour les intervenants communautaires. En effet, plusieurs participant·e·s ont pris contact directement avec cette professionnelle pour des questions plus spécifiques ou personnelles, à la suite des activités. D’ailleurs la professionnelle a, gracieusement, offert à tous·tes les participant·e·s ses coordonnées pour un premier échange pour mieux évaluer leurs besoins individuels. Les gestionnaires, de leur côté, ont apprécié créer cet espace d’apprentissage collectif et apprendre les un·e·s des autres ; les partages étaient pertinents pour leur pratique et le regard sur la gestion d’équipes favorisant leur propre bien-être et celui de leurs équipes.

Les activités bouge-bouge : favoriser la santé mentale et le bien-être par la santé physique

Afin de demeurer en congruence avec la définition adoptée de la santé mentale, des animations favorisant le bien-être et la santé physique furent proposées. Elles ont pu prendre la forme de cours d’initiation à la boxe, d’un atelier sur les postures et les mouvements au travail, d’un atelier de danse contemporaine, d’un cours de Pilates ou encore d’un atelier de danse solo jazz. Alors que les deux premières activités de l’automne plaçaient les activités sportives en début de journée, les rétroactions et les réflexions ont engendré un changement d’horaire, déplaçant les activités sportives en fin de matinée, juste avant le repas collectif. À cet égard, certain·e·s participant·e·s ont mentionné apprécier ce changement d’horaire : « Je trouve que c’est une bonne idée de ne pas être en sueur pour faire un atelier sur la santé mentale ! Ça me permet de rester concentré·e et d’apprendre. » (Participant·e).

Au final, les animations sportives furent grandement appréciées par les participant·e·s. Même si certaines activités, comme l’atelier de danse contemporaine, rejoignaient moins les intérêts de certaines personnes, d’autres, comme celui de la danse solo jazz, furent positivement reçues permettant aux participant·e·s de bouger dans un cadre ludique et agréable. À cet égard, nous soulignons les propos d’un·e participant au projet : « Je [ne] pensais pas aimer la danse jazz ! C’était vraiment le fun finalement, on a beaucoup ri, on a lâché notre fou. » (Participant·e).

Les repas collectifs : manger, réseauter et partager nos expériences dans un contexte décontracté

Le troisième et dernier volet de la programmation d’activités consistait en des repas collectifs fournis par divers traiteurs à mission sociale (personnes en réinsertion sociale, OC, etc.). Les rétroactions des participant·e·s ont non seulement permis un réaménagement de l’horaire, de manière à ce que le repas soit la dernière activité de la journée, mais aussi de tenir compte des goûts de tout le monde en matière de nourriture. Enfin, ces repas étaient propices aux échanges informels, au réseautage, mais aussi au partage des diverses réalités vécues par les intervenant·e·s et les gestionnaires. En effet, alors que certaines personnes en profitaient pour partager leur vécu au sein de leurs organismes respectifs, certain·e s discutaient de sujets complètement étrangers à leur travail, alors que d’autres échangeaient à propos de certains sujets liés à l’atelier sur le bien-être et l’activité bouge-bouge :

Ça m’a fait du bien de parler avec une personne qui vit la même chose que moi !

Participant·e

Moi, ce que j’ai aimé, c’est que ça me donnait l’impression que j’ai eu l’occasion de prendre soin de moi au travail alors que souvent, quand je suis au travail, je suis dans une logique de productivité derrière l’ordinateur.

Participant·e

En somme, les diverses activités interventionnelles ont su apporter de nombreux bénéfices aux participant·e·s, que ce soit en brisant l’isolement, en leur offrant de nouvelles connaissances sur leur bien-être et les manières d’en prendre soin, ou encore, en leur offrant un espace pour prendre soin d’eux·elles-mêmes, dans un contexte où leur travail précaire ne leur offre pas forcément un espace pour le faire.

Retour rÉflexif : une initiative par et pour les milieux communautaires

L’élaboration de ce projet a pris place dans un contexte où, rappelons-le, le travail des intervenant·e·s s’est grandement transformé depuis les deux dernières décennies (Deslauriers, 2014) et, plus particulièrement, depuis la pandémie de la COVID-19 (Ruelland et Coget, 2021). Alors que la surcharge de travail est un enjeu de premier plan recensé chez les intervenant·e·s communautaires (Meunier, 2019), les salaires peu élevés et le manque d’avantages sociaux (Nicolas, 2013), combinés aux nombreux facteurs de vulnérabilités exacerbés par la pandémie, représentent un terreau fertile à la détresse chez les intervenant·e·s. En effet, une étude récente rapporte qu’un peu plus d’une personne sur trois oeuvrant dans le milieu communautaire atteint le seuil nécessaire (score ≥ 6,3 ; Gerber et al., 2018) pour être considérée en épuisement professionnel (Meunier et al., 2021). Cela est confirmé par les données du premier volet de notre projet de recherche, qui rapportent que plus de la moitié des personnes interrogées présentent un niveau moyen d’épuisement professionnel. Malgré les niveaux de détresse, nos résultats indiquent que les intervenant·e·s peinent à trouver des manières de prendre du temps pour bénéficier d’une activité favorisant leur bien-être, alors que très peu de ressources sont accessibles, particulièrement dans un contexte de précarité où les assurances collectives ne couvrent pas nécessairement certains soins comme la thérapie, les séances de massothérapie, etc. (Montreuil et al., 2023).

À notre connaissance, très peu de ressources, par et pour les intervenant·e·s communautaires, et visant spécifiquement leur bien-être existent. Certaines initiatives proposent des activités et des ressources afin de favoriser le bien-être d’intervenant·e·s de la région de la Capitale Nationale (Montreuil et al., 2023) et ont été pérennisées grâce au soutien de divers organismes et un financement récurrent. Certes, notre démarche, qui, elle aussi, met en oeuvre des initiatives par et pour les milieux communautaires, se démarque grâce à notre approche de coconstruction appuyée sur les réalités des intervenants communautaires afin de répondre à leurs besoins. En effet, les participant·e·s, se retrouvant dès lors au coeur de notre démarche, ont pu jouer un rôle clé dans l’élaboration de ces activités, leur permettant de s’investir pleinement dans leur bien-être.

En comparaison avec d’autres initiatives d’interventions qui offrent un suivi individuel en vue de favoriser le bien-être psychologique et la santé mentale (par exemple, Patrice et al., 2020), nous avons identifié un besoin commun : celui de la nécessité chez les intervenant·e·s communautaires d’une écoute active. Cela dit, les résultats de l’initiative de Patrice et al. (2020) mettent en lumière l’effet limité d’une démarche de suivis individuels. À l’instar des autres démarches existantes, la nôtre a su montrer l’importance et la valeur ajoutée de la collectivisation des enjeux vécus par les intervenant·e·s. En effet, la présence de sentiment d’impuissance, la pression ressentie et les enjeux organisationnels ainsi que les enjeux collectifs propres au milieu communautaire ont pris une place importante au sein de nos ateliers. Dès lors, la mise en commun de ces enjeux a permis une prise de conscience des intervenant·e·s, dans la mesure où le fait de pouvoir parler de ces enjeux avec d’autres collègues permet non seulement de briser l’isolement, mais aussi de favoriser les échanges et de trouver des solutions collectives, réalistes et pérennes.

L’initiative favorisant à la fois la participation ainsi que la création d’un espace de réflexion à propos des activités menées a d’ailleurs su donner l’occasion aux intervenant·e·s et participant·e·s de s’approprier l’initiative. En effet, celle-ci était considérée comme une démarche commune. Plus encore, ces activités ont permis de rapprocher l’équipe de recherche et les participant·e·s.

Avec la posture adoptée par l’équipe et toutes les personnes présentes (gestionnaires, intervenant·e·s) se prêtaient aux exercices offerts dans le cadre des ateliers. Cela a permis de créer un « safe space » où les participant·e·s se distanciaient de la posture du participant de recherche. Grâce à cette aisance, les participant·e·s partageaient généreusement et de façon constructive leur opinion sur la programmation d’activités, sur leur déroulement et leur contenu. En effet, les commentaires nous ont amenés à créer des ateliers supplémentaires pour les gestionnaires afin de les soutenir et de penser à leur bien-être. D’autre part, les rétroactions des participant·e·s ont aussi poussé le comité aviseur à revoir le déroulement de la programmation d’activités, notamment en changeant leur ordre, en vue d’accommoder les divers besoins et contraintes d’horaires.

Bien que la participation et les rétroactions des intervenant·e·s et des gestionnaires aux activités furent essentielles, la présence des divers partenaires communautaires fut indispensable. D’abord, leur apport sur les divers aspects logistiques de l’organisation fut d’une importance capitale, notamment en lien avec la recherche de locaux et d’autres partenaires pouvant contribuer aux activités. De plus, leur contribution notoire à l’espace de parole et de réflexion intrinsèque au comité aviseur a permis à notre approche flexible et collaborative de prendre toute son ampleur.

Conclusion

À la lueur de cette contribution, nous constatons que très peu d’études se sont attardées à la cocréation d’activités favorisant le bien-être des travailleur·euse·s des milieux communautaires, bien que certains écrits mettent de l’avant leur détresse. Ainsi, d’une part, la recherche pourrait s’orienter vers des projets collaboratifs de cocréation de programmations de bien-être pour les intervenant·e·s communautaires, notamment en s’inspirant de cette étude et en l’adaptant au contexte spécifique de la collaboration. Rappelons que notre démarche a mené à l’élaboration d’une programmation d’activités bimensuelles offertes par et pour des OC, montrant l’importance et l’impact positif de cette démarche. D’autre part, des recherches évaluatives pourraient s’intéresser au contexte favorable et aux impacts d’une telle démarche et des activités cocréées sur le renforcement des capacités des communautés usagères des OC et sur le bien-être des intervenant·e·s et des gestionnaires. Des recherches multisites de type longitudinal seraient appropriées pour démontrer la plus-value de ces initiatives, notamment sur le plan de la gestion des organisations et du bien-être au travail.