Résumés
Résumé
Le contexte social hétérocissexiste entraîne des expériences de transphobie pour les personnes trans, influençant leur bien-être. Cependant, elles font face à plusieurs barrières lors de l’accès aux services en santé mentale, en plus de vivre de la discrimination au sein de ces derniers. Afin de prévenir de telles situations, cet article témoigne des expériences et réflexions de neuf personnes trans sur l’intervention transaffirmative, recueillies dans le cadre d’une maîtrise en travail social (UQÀM). Les résultats obtenus, lorsque combinés à la théorie de la reconnaissance d’Honneth, permettent de tracer les impératifs à l’intervention transaffirmative en santé mentale, c’est-à-dire de se décentrer de l’expérience hétérocissexiste, de rendre les milieux transinclusifs en collaboration avec les communautés directement concernées, et de mettre en pratique l’approche de consentement éclairé.
Mots-clés :
- intervention transaffirmative,
- santé mentale,
- reconnaissance,
- bien-être
Abstract
Heterocissexism induce experience of transphobia for trans people, influencing their well-being. To this regard, trans people face difficulties accessing mental health services and may experience discrimination within these services. As to prevent such situations, this article shares the experiences and reflexions of nine trans people on transaffirmative interventions, gathered in a study completed as part of a master’s degree in social work (UQÀM). The results, when combined to Honneth’s recognition theory, allow to present an overview of transaffirmative intervention in mental health context.
Keywords:
- Transaffirmative intervention,
- mental health,
- recognition,
- well-being
Corps de l’article
INTRODUCTION
Le processus de transphobie et ses impacts sur le bien-être des personnes trans
Le contexte social hétérocissexiste amène les personnes trans[1] à vivre des expériences de transphobie. La transphobie se définit comme « un mécanisme complexe de sanctions institutionnalisées (par le droit, mais aussi par la médecine) ayant des conséquences directes sur la vie des personnes trans, en termes de discriminations, de mise à l’écart et de honte » (Alessandrin et Espineira, 2015, p. 40). La psychiatrie est l’une des principales structures de laquelle découle la transphobie, alors que la psychiatrisation des identités trans est centrale pour expliquer les discriminations vécues par les personnes trans (Winter et al., dans Medico, 2016). La création de catégories psychiatriques par les sciences médicales a fait en sorte que les identités trans ont été considérées comme un problème pouvant être traité par des interventions médicales, notamment par la prise d’hormones et différentes opérations chirurgicales (Baril, 2015 ; Medico, 2016). Bien que l’American Psychiatric Association (APA) ne considère pas la non-conformité de genre comme un trouble de santé mentale, la dernière édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DMS-5) (APA, 2013) soutient toujours la psychiatrisation des personnes trans par l’entremise du diagnostic de dysphorie de genre (APA, 2013 ; Alessandrin et Espineira, 2015 ; Medico, 2016), exerçant sur les personnes trans une pression à se conformer au contexte social hétérocissexiste, notamment pour correspondre à la binarité des genres (Medico, 2016).
Cette forme de transphobie structurelle se répercute directement sur la transphobie interpersonnelle, c’est-à-dire par des violences verbales, physiques et sexuelles (White Hughto, Reisner et Pachankis, 2015). Les dernières statistiques, relativement aux expériences de violence et de harcèlement vécues par les personnes trans au Québec entre 2014 et 2019, sont fortement préoccupantes. Selon les données recueillies par le projet Trans PULSE auprès des personnes trans et non binaires vivant au Québec (n = 369), 60 % d’entre elles ont nommé vivre du harcèlement verbal. Le taux d’intimidation physique ou de menace atteignait 33 %, alors que la violence physique avait été subie par 16 % de cette population. De plus, 39 % des personnes trans ont rapporté vivre du harcèlement sexuel et 27 % ont mentionné avoir subi une agression sexuelle (Trans PULSE, 2020).
Les formes de transphobie structurelle et interpersonnelle se répercutent par la transphobie individuelle, menant à l’intériorisation de sentiments associés à la honte vis-à-vis de l’identité trans, ce qui porte les personnes trans à se positionner différemment dans le social (White Hughto, Reisner et Pachankis, 2015 ; Alessandrin et Espineira, 2015). Au Québec, 53 % des personnes trans ont évité trois espaces publics ou plus, tels que « les salles de bain publiques, les écoles, la nature [et] le transport en commun », par crainte de vivre du harcèlement, d’être perçu.e comme une personne trans ou que l’identité trans soit dévoilée (Trans PULSE, 2020, p. 9). À la lumière de ce qui précède, nous pouvons constater que les personnes trans peuvent être confrontées à différentes formes de mépris, dans le sens où l’entend Honneth (2013, p. 222), c’est-à-dire « les sévices et les violences, la privation des droits et l’exclusion, ainsi que l’humiliation et l’offense ».
La théorie du stress découlant d’un statut minoritaire (Meyer, 2015) postule que les disparités concernant le bien-être des communautés LGBTQ+, lorsque comparé à la population générale, s’expliquent en fonction des facteurs de stress spécifiques vécus par les personnes de la diversité sexuelle et de la pluralité de genres, comme les expériences de transphobie et l’anticipation de la transphobie. Les écrits scientifiques montrent bien que la transphobie a un impact considérable sur le bien-être et la santé mentale des personnes trans. Le plus récent bilan de Trans PULSE (2020) révèle qu’au Québec, 52 % de cette population considèrent avoir une santé mentale passable ou mauvaise. Dans le même sens, l’étude de Veale et al. (2016) confirme la prépondérance de la détresse émotionnelle chez les jeunes trans : 70,8 % des jeunes trans de 19 à 25 ans ont eu un sentiment de tristesse pour deux semaines ou plus, alors que ce taux n’atteint que 18,7 % chez les jeunes cisgenres du même âge. La prévalence d’idéations suicidaires chez les personnes trans est tout aussi inquiétante, alors que 32 % de cette population soulèvent avoir eu des pensées suicidaires et 5 % des personnes trans ont fait une tentative de suicide entre 2018 et 2019 (Trans PULSE, 2020).
Les expériences des personnes trans concernant l’accès et l’utilisation des services en santé mentale
L’accès aux soins de santé physique et mentale est un défi d’envergure pour les personnes trans, alors que les services accessibles, entre autres dans le réseau public, ne répondent pas à leurs besoins spécifiques (Medico, 2016). Ainsi, 44 % des personnes trans au Québec ont eu un besoin de santé non satisfait entre 2018 et 2019 (Trans PULSE, 2020). En ce sens, 36,2 % des personnes trans anticipent de vivre des difficultés lors de l’accès aux ressources en santé mentale (Ellis, Bailey et McNeil, 2015), notamment en raison de quatre éléments : le manque de formation des intervenant.e.s concernant les réalités trans ; les expériences négatives précédentes ; les différentes barrières individuelles et systémiques (le coût, la saturation des ressources, l’âge, l’inaccessibilité des services spécialisés à l’extérieur des grands centres urbains) ; et le narratif universalisant et binaire sur les identités trans (Gaudette, 2020 ; Medico et Pullen Sansfaçon, 2017 ; Kamgain, 2015 ; Enriquez, 2013).
Lorsque les personnes trans accèdent aux services en santé mentale, des expériences négatives et stigmatisantes peuvent avoir cours. D’abord, ces expériences sont parfois marquées par le fait d’être mégenré, c’est-à-dire lorsque les professsionnel.le.s emploient le mauvais prénom et ne respectent pas les pronoms utilisés par la personne au quotidien. Cette forme de discrimination suggère que certain.e.s intervenant.e.s peuvent se placer dans une position d’autorité sur l’identité des personnes trans (Gaudette, 2020 ; Enriquez, 2013). Ensuite, le manque de formation des professionnel.le.s à l’extérieur d’un cadre hétérocissexiste influence la démarche des personnes trans auprès des services en santé mentale, alors que plusieurs d’entre elles doivent participer à l’éducation des intervenant.e.s sur les enjeux trans. En effet, les personnes trans doivent parfois répondre aux questionnements d’intervenant.e.s relativement au processus de transition ainsi qu’à l’identité trans en soi (Gaudette, 2020 ; Benson, 2013). De plus, les professionnel.le.s peuvent faire preuve d’une curiosité malsaine à l’endroit des personnes trans, en leur adressant des questions indiscrètes sur la sexualité, les organes génitaux et le processus de transition. Cette curiosité affecte le lien de confiance nécessaire à la relation thérapeutique (Gaudette, 2020).
La communauté trans soutient la pertinence des interventions transaffirmatives réalisées dans les ressources en santé mentale. L’approche transaffirmative autorise les personnes trans et non binaires à explorer et affirmer librement l’identité de genre en contexte d’intervention, dans le respect de leur autodétermination (Medico et Pullen Sansfaçon, 2017). Le personnel transaffirmatif représente une source de soutien importante pour les jeunes trans et leur permet de faire preuve de résilience vis-à-vis de l’adversité (Pullen Sansfaçon et al., 2018 ; Benson, 2013). Dans le contexte où les personnes trans reconnaissent l’apport de l’intervention transaffirmative pour favoriser leur bien-être (Benson, 2013), il est pertinent de recueillir la parole des membres de cette communauté afin de présenter une réflexion sur ce type de pratiques en santé mentale selon le point de vue des personnes directement concernées. L’objectif de cet article étant d’identifier les principaux éléments d’une pratique transaffirmative en santé mentale pour répondre adéquatement aux besoins spécifiques des personnes trans et non binaires, nous proposons de mobiliser le principal versant de la théorie d’Honneth (2013), soit la reconnaissance, et ainsi faire contre-poids au mépris vécu par cette population dans le quotidien et auprès des services en santé mentale.
MÉTHODOLOGIE
Les résultats décrits dans cet article s’inscrivent dans une recherche plus large, portant sur les expériences des personnes trans relativement à l’accès et à l’utilisation des services en santé mentale au Québec (Gaudette, 2020). Cette recherche qualitative a été réalisée en s’appuyant sur l’épistémologie féministe, plus particulièrement sur l’apport de l’épistémologie du point de vue situé. Cette épistémologie favorise la prise de parole des populations marginalisées, permettant de comprendre les problématiques sociales de leur point de vue en leur accordant un espace de réflexion. Par l’entremise de l’épistémologie du point de vue situé, le vécu expérientiel de la personne est une source de connaissances empreintes de sens politique, alors qu’il devient porteur d’une réflexion concernant le rapport au corps et à l’identité vis-à-vis des oppressions (Harding, 1992 ; Dorlin, 2008). L’épistémologie du point de vue situé a aussi été mobilisée pour identifier le chercheur et la démarche derrière la recherche lors du processus de recrutement. Les documents soutenant le recrutement nommaient clairement que le chercheur s’identifie en tant qu’homme cisgenre, et donc qu’il privilégiait la parole des personnes trans et non binaires pour mener une réflexion sur le développement des pratiques d’intervention transaffirmatives.
Dans cette optique, des propos et réflexions sur l’intervention transaffirmative ont été recueillis auprès de neuf personnes trans par le biais d’entretiens semi-dirigés. L’échantillon était composé de cinq hommes trans, deux femmes trans et deux personnes non binaires. La majorité des personnes trans rencontrées avait entre 26 et 35 ans (n = 5). L’âge des autres participant.e.s se situait entre 18 et 25 ans (n = 2), entre 36 et 45 ans (n = 1) et une personne trans avait plus de 55 ans[2]. Les personnes trans rencontrées présentaient des expériences diversifiées auprès des services en santé mentale, alors qu’elles avaient eu accès à des services issus des milieux institutionnel, communautaire et privé. Le recrutement a été réalisé par l’entremise des réseaux sociaux et des organismes communautaires destinés aux communautés LGBTQ+. Les participant.e.s ont été recruté.e.s sur la base de quatre critères :
S’identifier comme une personne trans
Avoir plus de 18 ans
Avoir eu recours à au moins une reprise à des services en santé mentale au Québec dans les cinq dernières années
Être enthousiaste à l’idée de partager son expérience des services reçus en santé mentale
Lors de l’entretien, les participant.e.s avaient deux occasions de partager leurs observations sur l’intervention transaffirmative en santé mentale. Dans un premier temps, les participant.e.s pouvaient discuter de leur perception des éléments nécessaires afin de rendre une intervention transaffirmative. Dans un deuxième temps, les personnes interrogées avaient un espace pour nommer les éléments facilitateurs à l’accès aux services transaffirmatifs en santé mentale, en plus de s’attarder spécifiquement à leurs expériences considérées comme transaffirmatives au sein de ces services. Après avoir abordé ces thèmes, les participant.e.s ont discuté des stratégies mises de l’avant, au quotidien, pour assurer leur bien-être. L’ensemble des données recueillies a ensuite été traité par le biais de l’analyse thématique. La thématisation en continu a permis d’identifier les différents objets abordés par les participant.e.s (Paillé et Mucchielli, 2016).
CADRE THÉORIQUE
L’éthique de la reconnaissance, développée par Honneth (2001 ; 2013), se pose comme une grille d’analyse pertinente pour réfléchir à l’intervention transaffirmative en santé mentale. Honneth (2013) définit la reconnaissance comme une force axée sur « le progrès de la société humaine » permettant la réciprocité entre soi et les autres (p. 240). La reconnaissance se voit distinguée par trois différentes composantes : l’amour, la relation juridique et la solidarité (Honneth, 2001 ; 2013). Lorsque, dans les interactions sociales, les trois formes de reconnaissance sont réunies, l’intégrité de la personne est assurée, lui permettant de trouver le soutien social nécessaire en fonction de ses propres décisions et orientations (Honneth, 2001 ; 2013).
Honneth (2013) identifie l’amour comme première forme de reconnaissance, en l’associant aux relations primaires, soit les relations amicales, familiales et amoureuses. L’amour est lié au développement de la confiance en soi, rendu possible par l’investissement envers des « liens affectifs puissants entre un nombre restreint de personnes » (Honneth, 2013, p. 161).
La deuxième forme de reconnaissance discernée par Honneth (2013), la relation juridique, concerne les droits octroyés aux individus. L’autodétermination et l’autonomie se voient protégées par diverses législations, permettant à chacun d’accroître le sentiment de respect de soi (Honneth, 2013). Dans le contexte d’importantes inégalités économiques, Honneth (2001) propose de s’attarder à l’accès aux ressources. L’auteur conçoit le concept de redistribution comme un prolongement de la reconnaissance, alors que les groupes sociaux se voient attribuer des biens économiques et matériels en fonction de l’estime et du statut leur étant accordés au sein de la société.
La solidarité, troisième forme de reconnaissance, est liée au principe d’égalité. Elle se définit comme une « relation d’interaction dans laquelle les sujets s’intéressent à l’itinéraire personnel de leur vis-à-vis » (Honneth, 2013, p. 218). Alors que les individus ressentent de la sympathie face à l’individualité de l’autre, une « estime symétrique » s’instaure dans la relation (Honneth, 2013, p. 218). Pour l’auteur, l’essor d’une individualité propre à chacun, le développement de qualités personnelles et l’estime de soi sont encouragés par cette forme de reconnaissance, assurant la réalisation de chaque personne au sein de la société.
RÉSULTATS
L’amour : les liens communautaires et l’accès aux services en santé mentale
Les personnes trans peuvent vivre des épisodes de transphobie interpersonnelle se répercutant par une désaffiliation sociale marquée par les ruptures relationnelles (Alessandrin et Espineira, 2015). Dans de telles circonstances, alors que les relations primaires (Honneth, 2013) sont minées par la transphobie interpersonnelle, les personnes trans se tournent vers les organismes communautaires et les réseaux de partage en ligne afin de trouver du soutien, en développant des liens communautaires. La communauté trans, en mettant de l’avant un discours hors du cadre hétérocissexiste sur l’identité de genre, apparaît ainsi essentielle au développement d’une confiance en soi (Gaudette, 2020). En d’autres mots, nous proposons de considérer la communauté trans comme étant un vecteur de la première forme de reconnaissance, l’amour, puisqu’elle contribue au développement d’une confiance en soi, alors que la personne met de l’avant son identité de genre authentique. Dans l’extrait suivant, alors qu’il est questionné sur les facteurs influençant le bien-être des personnes trans, un participant aborde l’importance des liens développés en ligne pour briser l’isolement et s’inscrire au sein de la communauté trans :
Les communautés en ligne, énormément. En ligne et en vrai, parce que, veut, veut pas, du monde de qui tu te tiens un peu plus proche pis qui devienne un peu plus tes ami.e.s, ou quoi que ce soit, pis ça adonne qu’à certains moments tu les côtoies. Comme, juste de pouvoir ventiler […] c’est clair que ça a aidé beaucoup, parce que, ne serait-ce que pour s’échanger des expériences, ou juste pour pouvoir ventiler avec du monde qui comprennent ce qu’on peut vivre.
Homme trans, 26-35 ans
Les liens communautaires développés sont considérés comme des facilitateurs à l’accès aux services transaffirmatifs en santé mentale. Les participant.e.s ont relevé l’importance du travail mené par les organismes communautaires offrant des services aux personnes trans pour répertorier les ressources et les intervenant.e.s transfriendly. De plus, les réseaux de partage pour personnes trans, en développant des savoirs spécialisés sur les réalités et enjeux trans, collectent des informations sur les services en santé mentale répondant aux besoins spécifiques de leur communauté. Les personnes trans ayant besoin de soutien, en s’inscrivant dans leur communauté, se voient donc dirigées vers des ressources dans lesquelles elles peuvent avoir confiance pour explorer librement leurs difficultés, amenuisant la crainte de vivre de la discrimination ou une expérience jugée négative dans le cadre d’une relation thérapeutique :
Ma psy qui me suivait pour le reste, elle ne connaissait pas nécessairement les ressources pour [le processus de transition]. C’est vraiment au sein même des communautés, sur Internet, dans les forums […] que le monde se donnait de bonnes adresses. […] Les adresses de psys, les procédures, les trucs pour faciliter les délais d’attente pour commencer ta [testostérone] une fois que tu as ta référence pour aller voir un endocrinologue.
Homme trans, 26-35 ans
La relation juridique : les organismes communautaires pour pallier le manque de ressources transaffirmatives
La reconnaissance juridique des personnes trans, au Québec, s’améliore depuis quelques années. Depuis 2016, l’adoption de la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres certifie que l’expression et l’identité de genre sont protégées comme motif illicite de discrimination par la Charte des droits et libertés du Québec (PL 103, 2016). De plus, le Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022 soutient que le processus de transition légale doit être simplifié (Ministère de la Justice, 2017). Cependant, cette meilleure reconnaissance des personnes trans d’un point de vue juridique semble s’être répercutée faiblement sur l’offre de services transaffirmatifs en santé mentale dans le réseau public, alors que la redistribution actuelle des ressources ne permet pas d’offrir en nombre suffisant ces services sur l’ensemble du territoire québécois. La reconnaissance juridique ne doit pas uniquement se traduire par des codes de loi. Elle doit aussi accorder un niveau de vie permettant l’expression de son individualité ainsi que le respect de cette dernière (Honneth, 2013), comme le permet l’espace sécuritaire que sont les ressources transaffirmatives.
Selon les participant.e.s, le manque d’intervenant.e.s pratiquant l’intervention transaffirmative, alors que les ressources sont saturées, exerce une importante pression sur les organismes communautaires pour personnes trans. Ceux-ci doivent effectuer un travail qui est double, et bien souvent avec des ressources limitées, alors qu’ils répertorient l’ensemble des ressources transaffirmatives, en plus d’être un filet de sécurité considérable. En effet, ces organismes offrent du soutien direct aux membres de leur communauté ne pouvant accéder aux services transaffirmatifs pour diverses raisons :
Il y a des associations qui comblent des besoins de socialité. Je pense notamment à ASTT(e)Q qui organise des soupers communautaires ; Projet 10 qui organise des activités de sociabilité, d’animation pour les jeunes […]. Il y a aussi À deux mains qui s’occupe de la santé sexuelle. Il y a des groupes de prise de paroles, je pense toujours à ASTT(e)Q, qui se rencontre, se retrouve, se rassemble.
Personne trans non binaire et queer, 26-35 ans
Les groupes communautaires, oui ils sont là, oui ils font de leur mieux, mais ils n’ont pas nécessairement les budgets pour engager des intervenant.e.s professionnel.le.s. C’est souvent des bénévoles qui vont faire de l’écoute active, du référencement, mais ils ne feront pas plus que ça.
Homme trans, 26-35 ans
L’implication sociale visant l’atteinte de la pleine reconnaissance de la communauté trans a été identifiée par plusieurs participant.e.s comme une stratégie favorisant le bien-être, puisqu’elle est une source d’épanouissement. L’implication sociale, prenant place au sein des organismes communautaires et dans les mouvements de mobilisation, apparaît comme un vecteur assurant une circularité de la reconnaissance. Le double rôle des organismes communautaires offrant des services aux personnes trans permet à celles-ci de s’inscrire dans la première forme de reconnaissance, l’amour, en leur apportant du soutien, en plus de leur faciliter l’accès aux ressources transaffirmatives empreintes de la troisième forme de reconnaissance, la solidarité (Gaudette, 2020).
La solidarité : l’essence de l’intervention transaffirmative
La solidarité se retrouve au centre de l’intervention transaffirmative, alors qu’elle s’exprime particulièrement dans le cadre thérapeutique. Cette forme de reconnaissance devient la posture de l’intervenant.e, alors qu’il.elle accorde une « estime symétrique » et développe de l’empathie vis-à-vis de la personne nécessitant du soutien (Honneth, 2003, p. 218). La solidarité permet d’orienter les interventions en considérant pleinement l’individualité de la personne (Gaudette, 2020).
Selon les participant.e.s à l’étude, les professionnel.le.s en santé mentale souhaitant s’inscrire dans une pratique transaffirmative doivent mener une importante réflexion afin de se décentrer de l’expérience hétérocissexiste. Ce processus de décentration est indispensable pour offrir un accompagnement respectant la démarche des personnes trans et leur expertise sur leurs propres expériences. Le développement des connaissances sur la réalité des personnes trans, concernant les expériences de discrimination et les possibles difficultés rencontrées par cette communauté, représente le fondement de la démarche autoréflexive devant être réalisée par les intervenant.e.s :
L’enjeu de la stigmatisation : Donc il y a plusieurs choses qui sont évidentes pour des personnes qui sont conformes dans leur genre, comme marcher dans la rue, qui ne sont peut-être pas aussi évidentes pour des personnes trans ou qui ont un genre qui est non conforme aux attentes sociales. […] [Il y a] tout un bagage de connaissances qu’il faut avoir développé, soit dans un cadre institutionnel, mais aussi dans un cadre expérientiel.
Personne trans non binaire et queer, 26-35 ans
Les participant.e.s à la recherche ont nommé trois éléments essentiels à la tenue d’une intervention transaffirmative : l’établissement d’un cadre d’intervention sécuritaire ; le respect de la démarche et des besoins de la personne ; et une approche axée sur le consentement.
L’établissement d’un cadre d’intervention sécuritaire est nécessaire afin que la personne puisse nommer librement ses insécurités, ses craintes et ses limites. L’accueil inclusif de la personne venant chercher du soutien, en demandant le prénom usuel et les pronoms employés au quotidien, est une pratique nécessaire pour s’inscrire dans une posture de solidarité. Plusieurs participant.e.s ont nommé que ce n’est pas uniquement les professionnel.le.s qui devaient procéder ainsi, mais bien l’ensemble des employé.e.s d’une ressource en santé mentale. Certain.e.s participant.e.s ont pu être mégenré.e.s lors de contacts avec des employé.e.s de soutien, ébranlant leur confiance envers la ressource.
L’ouverture à la pluralité et à la diversité des parcours trans a aussi été identifiée comme fondamentale pour établir et maintenir un cadre d’intervention sécuritaire. Cette ouverture sécurisante des professionnel.le.s encourage la réflexion sur l’identité de genre à l’extérieur du cadre hétérocissexiste, comme en témoigne un participant :
D’elle-même, elle m’a demandé : « est-ce que tu te considères comme homme trans? Comme binaire? En termes de pourcentage ? » C’était la première fois qu’on me laissait vraiment cette possibilité-là, de même juste y réfléchir. […] Juste qu’on m’ouvre la possibilité de le dire, pis d’y réfléchir, pis de le verbaliser, sans que ça vienne influencer le fait que j’obtienne ma lettre ou pas, ben c’est déjà super cool.
Homme trans, 26-35 ans
De plus, les participant.e.s ont souligné l’importance de démontrer cette même ouverture lorsque la personne aborde son orientation sexuelle, mais aussi différents modèles relationnels, comme le polyamour. La mise en application des deux précédents éléments assure la solidarité en intervention, alors que les particularités individuelles de la personne sont prises en compte.
Le respect de la démarche et des besoins de la personne est indispensable pour mener une intervention transaffirmative, alors que les personnes trans peuvent consulter un.e professionnel.le en santé mentale pour de nombreuses raisons : la détresse psychologique vécue, que celle-ci soit associée ou non à la réalité comme personne trans ; les questionnements identitaires ; ou encore pour l’accès et le soutien au processus de transition. L’« estime symétrique » (Honneth, 2013, p. 218) mise de l’avant dans une posture de solidarité, laissant à la personne le pouvoir d’identifier ses besoins dans l’intervention, constitue le noeud de l’alliance thérapeutique. L’orientation de l’intervention en santé mentale doit donc être adaptée aux besoins de la personne :
Si tu suis une personne trans en santé mentale, la première chose à faire […] c’est de savoir pourquoi elle est là. Dans le sens où, le suivi qu’on va faire avec quelqu’un qui vient pour sa lettre va être très différent d’une personne qui vient parce qu’elle a des questionnements identitaires, ou une personne qui vient parce qu’elle veut de l’accompagnement à la transition, ou une personne qui vient pour autre chose qui a comme, par rapport, qui a déjà fait une transition, ou comme, qui vient parce, problème XY dans sa vie. […] Il faut s’ajuster à la demande de la personne dans ces cas-là.
Homme trans, 18-25 ans
La solidarité doit s’ancrer, dans la relation thérapeutique, par le biais d’une approche axée sur le consentement, marquée par la transmission d’informations pertinentes en fonction de la situation de la personne. La pratique du consentement assure le maintien de l’alliance thérapeutique tout au long du processus d’intervention. Les professionnel.le.s en santé mentale ont la responsabilité de transmettre les informations nécessaires afin que les personnes trans puissent consentir aux soins, tout particulièrement lorsque la personne demande du soutien relativement au processus de transition :
J’ai justement super apprécié le temps qu’elle a aussi pris pour m’expliquer en fait, comme il faut, c’était quoi la [mastectomie], qu’est-ce que ça impliquait ? […] Je me suis vraiment fait accompagner par elle. […] À quoi m’attendre, pis comment est-ce que ça allait se dérouler pis, de comme, tsé c’est tel et tel, tel et tel document que tu as de besoins. De me guider sur comment me rendre jusqu’à la [mastectomie] pour moi c’était transaffirmatif d’avoir cette information-là
Homme trans, 18-25 ans
Les intervenant.e.s doivent aussi démontrer une ouverture à échanger sur leur approche professionnelle et leurs pratiques auprès des personnes trans. Cette discussion, en plus de favoriser l’autodétermination des personnes trans relativement à leur propre démarche, leur permet de se voir rassurer vis-à-vis de possibles comportements discriminatoires :
La première fois que je l’ai vue, on a eu une longue discussion. […] Je voulais savoir c’était quoi son approche. […] Je lui ai demandé c’était quoi son expérience avec les personnes trans et c’était quoi son approche vis-à-vis des personnes trans. Elle m’a répondu. […] Donc, pour moi, ça, ça a été très relieving de pouvoir, du début, parler de nos grounds.
Personne trans non binaire et queer, 26-35 ans
DISCUSSION
Les propos recueillis auprès des participant.e.s, lorsque combinés à la théorie de la reconnaissance d’Honneth (2001 ; 2013), favorisent une réflexion permettant de tracer les lignes directrices de la posture transaffirmative en santé mentale. Les résultats obtenus dans la présente étude mettent l’accent sur trois éléments indispensables à l’établissement d’un cadre d’intervention transaffirmatif : se décentrer de l’expérience hétérocissexiste ; rendre les milieux de pratique transinclusifs ; et appliquer une approche basée sur la pratique du consentement. Dans cette section, nous établirons aussi des liens entre les résultats de la présente recherche et la littérature québécoise portant sur l’intervention transaffirmative.
Se décentrer de l’expérience hétérocissexiste
D’abord, le personnel en santé mentale doit se décentrer de l’expérience hétérocissexiste, en s’informant et en se formant sur la réalité des personnes trans. Tout particulièrement, les professionnel.le.s ont la responsabilité de s’informer sur les impacts du stress minoritaire et des discriminations vécues par les personnes trans sur la santé mentale (Faddoul, 2019). En d’autres mots, les intervenant.e.s doivent comprendre les expériences de mépris rencontrées par les personnes trans (Pullen Sansfaçon et Bellot, 2016). Également, l’approche transaffirmative nécessite une maîtrise des connaissances concernant l’identité de genre, et ce, afin d’en avoir une représentation plurielle, ne réitérant pas les normes cissexistes faisant valoir la binarité des genres (Pullen Sansfaçon, 2015). Les intervenant.e.s sont aussi encouragé.e.s à parfaire leurs connaissances sur les pratiques intersectionnelles, sur le consentement éclairé en intervention et sur les standards de soins proposés par la World Professional Association for Transgender Health (WPATH, 2012), alors que ces pratiques sont identifiées par les professionnel.le.s comme étant efficaces pour maintenir une approche d’intervention transaffirmative (Faddoul, 2019 ; Medico et Pullen Sansfaçon, 2017).
Les connaissances acquises, combinées à la réflexivité des intervenant.e.s, minimisent le risque pour les personnes trans de vivre une expérience négative en contexte d’intervention. De plus, les personnes trans nécessitant du soutien n’auront pas à enseigner sur leur réalité, ce qui est une part importante de leurs expériences négatives auprès des services en santé mentale (Gaudette, 2020). La posture de solidarité découlera du processus de décentration, alors qu’il favorise un accueil inclusif à la réalité et à la diversité des personnes trans, en plus de permettre l’établissement d’un rapport horizontal dans l’intervention.
La transformation des services en milieux de pratique transinclusifs
La reconnaissance juridique des personnes trans au Québec tend à croître depuis quelques années. Cependant, le contexte social hétérocissexiste fait que cette reconnaissance peine à s’ancrer dans les institutions sociales. Les services en santé mentale destinés aux personnes trans sont donc pratiquement inexistants dans le réseau public. La pratique transaffirmative, dans une perspective anti-oppressive (Medico et Pullen Sansfaçon, 2017), dépasse le cadre d’intervention, alors qu’elle requiert une implication sociopolitique des professionnel.le.s (Faddoul, 2019 ; Pullen Sansfaçon et Bellot, 2016). Dans le contexte social actuel, les intervenant.e.s en santé mentale doivent s’impliquer dans le milieu de la santé et des services sociaux (Pullen Sansfaçon et Bellot, 2016 ; Pullen Sansfaçon, 2015) afin de soutenir la transformation des services en santé mentale en milieux de pratique transinclusifs.
Comme nous l’avons vu précédemment, les organismes communautaires oeuvrant auprès des personnes trans ont un rôle pivot pour assurer le bien-être de cette communauté. D’abord, ceux-ci s’inscrivent dans la première forme de reconnaissance, l’amour, alors qu’ils assurent un filet de sécurité par le développement de liens communautaires. Ensuite, ces organismes permettent de diriger les personnes trans vers des professionnel.le.s adoptant une posture empreinte de la troisième forme de reconnaissance, la solidarité. Le double rôle des organismes communautaires par et pour les personnes trans, par l’implication sociale de ses membres, les amène à être des vecteurs de circularité de la reconnaissance. Cette conception du rôle des organismes communautaires entraîne le constat que les personnes trans développent et mobilisent des stratégies afin qu’on réponde à leurs besoins spécifiques, en plus de disposer de solutions aux difficultés les concernant (Gaudette, 2020). Dans le même sens que Pullen Sansfaçon et Bellot (2016), nous croyons que la redistribution des ressources doit être en mesure de soutenir non seulement le développement des services transaffirmatifs en santé mentale dans le réseau public, mais aussi les initiatives portées par la communauté trans.
Alors qu’ils connaissent les enjeux spécifiques rencontrés par les communautés desservies, les organismes communautaires pour personnes trans, et ceux répondant aux besoins des communautés LGBTQ+, peuvent être concertés pour assurer la transformation des milieux de pratique afin de les rendre transinclusifs (Faddoul, 2019 ; Pullen Sansfaçon et Bellot, 2016). En plus de l’apport réflexif de ces ressources pour transformer la pratique des intervenant.e.s en santé mentale, le lien développé avec les organismes communautaires permettra, dans une certaine mesure, de pallier la méfiance causée par les expériences négatives (Gaudette, 2020), favorisant ainsi l’accès aux services transaffirmatifs en santé mentale dans le réseau public. D’ailleurs, l’un.e des participant.e.s à cette recherche insiste sur la pertinence de « demander plus aux gens c’est quoi leurs besoins, avant de juste comme dire ce qui est bon pour eux », et ce, pour permettre une « concertation des personnes trans pour créer de meilleurs programmes ».
Cependant, nous proposons que l’inclusion des personnes trans au sein des services en santé mentale ne doit pas uniquement reposer sur cette communauté, alors que les professionnel.le.s peuvent entamer une réflexion pour rendre leurs services et interventions plus sensibles aux réalités trans. Les milieux de pratique ont la possibilité de prendre les devants en se questionnant : est-ce possible de rendre les formulaires d’accès aux services transinclusifs ? Comment la formation sur la réalité et les besoins spécifiques des personnes trans peut-elle être assurée au sein de l’équipe de travail ? Entretenons-nous des liens avec les organismes communautaires trans et LGBTQ+ de notre région ? Est-ce possible de désigner un ou plusieurs membres de l’équipe qui, dans la mesure du possible, se voient référer les personnes trans nécessitant du soutien ? Les discussions et la collaboration entre collègues et gestionnaires sont donc encouragées pour favoriser la mise sur pied de services transaffirmatifs en santé mentale dans le réseau public.
La pratique du consentement dans l’intervention transaffirmative
La solidarité se veut le coeur de l’intervention transaffirmative, se traduisant par une « estime symétrique » (Honneth, 2013, p. 218) constituant l’alliance thérapeutique. Cette dernière est fondamentale afin que la personne puisse se voir accompagner en fonction de ses besoins. L’écoute et l’empathie, l’établissement d’un cadre sécuritaire, notamment par le respect des pronoms et du prénom, ainsi que le respect des besoins et de la démarche de la personne, de son autodétermination, sont des éléments indispensables pour que les interventions soient transcendées par la solidarité (Faddoul, 2019 ; Pullen Sansfaçon, 2015 ; Medico et Pullen Sansfaçon, 2017 ; Pullen Sansfaçon et Medico, 2021). Or, les besoins de la personne peuvent être individuels, mais également requérir que les professionnel.le.s interviennent dans son environnement social (Medico et Pullen Sansfaçon, 2017 ; Pullen Sansfaçon et Medico, 2021). Par exemple, une personne vivant de la transphobie en milieu scolaire pourrait consentir à une intervention dans ce milieu, dans une optique de défense des droits (Faddoul, 2019), afin que des mesures soient mises en place pour favoriser son inclusion.
La pratique du consentement (Faddoul, 2019 ; Susset et Rabiau, 2021) permet d’actualiser la posture de solidarité en contexte d’intervention transaffirmative. Cette pratique, selon les propos recueillis auprès des participant.e.s, s’effectue par la transmission d’informations relativement aux soins et services et en lien avec son approche professionnelle. Le consentement en intervention est l’occasion de favoriser des échanges, dans un cadre sécuritaire, lors desquels la personne peut mettre de l’avant sa diversité et son individualité, en plus de réfléchir ouvertement à ses besoins. Les interventions découlant de ces discussions sont des opportunités, pour la personne, de créer des liens avec ses différentes sphères de vie, permettant aux professionnel.le.s une compréhension plus complète de sa réalité (Medico et Pullen Sansfaçon, 2017). La pratique du consentement éclairé apparaît donc comme l’une des réflexions développées par la communauté trans pour instaurer les pratiques transaffirmatives au sein des services en santé mentale.
CONCLUSION
Le présent article témoigne des résultats d’une recherche effectuée auprès de neuf personnes trans, en se concentrant sur leurs réflexions et expériences d’intervention transaffirmative. L’objectif de l’article consistait à identifier les impératifs à une pratique transaffirmative en santé mentale. La reconnaissance a été traitée comme le centre de ces pratiques d’intervention. Les trois formes de reconnaissance d’Honneth (2013) ont permis d’établir différents constats. D’abord, le rôle des organismes communautaires pour personnes trans afin de faciliter l’accès aux ressources transaffirmatives a été soulevé. Ensuite, les difficultés d’obtenir des services transaffirmatifs en santé mentale dans le réseau public ont été constatées, ce qui a permis de souligner le travail des organismes communautaires pour maintenir un filet de sécurité. De plus, la posture de solidarité dans le cadre thérapeutique a été jugée nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques des personnes trans.
Les précédents constats ont donc mené à établir les impératifs à une pratique transaffirmative en santé mentale. Les professionnel.le.s doivent se décentrer de l’expérience hétérocissexiste en s’informant sur la réalité des personnes trans, particulièrement en matière de transphobie et de son influence sur la santé mentale. Le processus de décentration permet de s’ancrer dans une posture de solidarité. La solidarité en intervention transaffirmative se voit actualisée par une approche axée sur la pratique du consentement libre et continu. Aussi, la transformation des services de santé mentale en milieux de pratique transinclusifs doit être réfléchie au sein des équipes de travail oeuvrant dans le réseau public. Cette réflexion doit être faite en partenariat avec les organismes communautaires offrant des services aux personnes trans, alors que celles-ci ont développé une expertise sur leurs réalités, en plus de mobiliser des stratégies pour favoriser le bien-être de leur communauté.
Parties annexes
Note biographique
Yannick Gaudette est étudiant au doctorat en travail social à l’Université du Québec à Montréal, associé à la Chaire de recherche du Canada sur les personnes de la diversité sexuelle et de genre et leurs trajectoires de consommation de substances psychoactives. Ses recherches portent sur le développement de services psychosociaux adaptés aux réalités des personnes s’identifiant à la diversité sexuelle et à la pluralité des genres. Son projet de thèse vise à une meilleure compréhension des affects associés à la consommation de métamphétamine en contexte de chemsex chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. gaudette.yannick@courrier.uqam.ca
Notes
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[1]
Dans ce cadre de cet article, le terme personne trans désigne toute personne ne se sentant pas en harmonie avec le sexe qui lui a été assigné à la naissance et s’auto-identifiant comme tel, posant ainsi l’identité trans comme « une réalité sociale et expérientielle » (Medico, 2016, p. 31). Il désigne donc les personnes trans et non binaires ainsi que celleux s’identifiant à la pluralité des genres.
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[2]
Nous avons opté pour une catégorisation par tranche d’âge dans l’objectif de protéger la confidentialité des participant.e.s. La combinaison de certains critères, notamment l’âge et le lieu où les services ont été obtenus, aurait pu permettre l’identification de quelques personnes dans l’échantillon.
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