Le dossier : Éthique et pratiques dans le champ de l’intervention sociale et de la santé : nouveaux enjeux, nouveaux contextes

Transformations dans le champ du social et de la santé à l’aube du XXIe siècleUne reconfiguration des questions éthiques ?[Notice]

  • Audrey Gonin,
  • Yanick Farmer et
  • Sylvie Jochems

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  • Audrey Gonin
    École de travail social, Université du Québec à Montréal

  • Yanick Farmer
    Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal

  • Sylvie Jochems
    École de travail social, Université du Québec à Montréal

De tout temps, les transformations sociales, technologiques, culturelles et économiques des sociétés ont fait émerger des interrogations, parfois même de vives inquiétudes, sur le plan de l’éthique. Le contexte social actuel, marqué entre autres par de nouveaux usages de technologies, l’accroissement des inégalités sociales, la reconfiguration de la pyramide des âges, les mouvements et liens transnationaux, la reconfiguration des relations interpersonnelles et des rapports sociaux (Le Bart, 2008), conduit à la mise en perspective de questions éthiques nouvelles. Ces questions, qui traversent toutes les couches de la société, se posent avec une acuité renouvelée dans des contextes divers. Le champ de l’intervention sociale, comme d’autres secteurs de l’activité humaine, se voit également interpellé par ces enjeux face auxquels il est rarement simple de se positionner. Comme le souligne de Terssac (2012), les transformations sociales viennent interroger les modes de régulation. Actuellement, le domaine du droit est particulièrement sollicité pour résoudre les conflits qui émergent de ces nouvelles réalités, notamment ceux ayant trait aux valeurs et aux normes. Cependant, face à la complexité et aux implications sociales et politiques des choix que ces transformations impliquent, le droit ne saurait répondre à lui seul à toutes les questions soulevées. D’autre part, l’émergence de nouveaux problèmes éthiques conduit les intervenant.e.s du champ de la santé et des services sociaux à agir dans un contexte d’incertitude, parfois peu balisé sur le plan normatif. Le rôle de première ligne qu’elles et ils sont ainsi appelés à jouer, dans leurs pratiques, comporte de nombreux défis. En effet, en tant que lieu de « production du social » (Barel, 1982) parmi d’autres, le champ de l’intervention sociale, dans ses pratiques, peut être traversé de problèmes éthiques qui commencent à peine à poindre dans le reste de la société. Certaines questions d’actualité ne sont pas complètement nouvelles, comme l’illustre par exemple le phénomène des inégalités sociales croissantes (OXFAM, 2015) ou celui de la gouvernance par le nombre (Supiot, 2015). Toutefois, leurs impacts spécifiques, ou encore la signification particulière qu’ils prennent, dans un contexte donné, incitent à renouveler la réflexion. D’autres situations comportent par ailleurs des dimensions inédites : l’usage des technologies socionumériques dans les pratiques (intervention en ligne, utilisation professionnelle des médias sociaux, nouvelles technologies de réadaptation), les transformations de l’individu (vie virtuelle par avatar, transhumanisme), des relations interpersonnelles (violences en ligne) et de la famille (nouvelles structures familiales, adoption internationale), les évolutions médicales (chirurgies de réassignation sexuelle, procréation médicalement assistée), pour ne donner que quelques exemples, viennent questionner sous un nouvel angle l’intervention sociale. Par ailleurs, les évolutions sur le plan des valeurs, comme l’émergence de l’« extimité » (Tisseron, 2011) dans l’univers public du web, ainsi que le contexte de sociétés multiculturelles (accommodements raisonnables) et de pluralité des cadres moraux dans la culture (valorisation du polyamour ou de l’abstinence), conduisent à transformer les repères collectifs et à contester la légitimité d’habitudes, d’obligations ou d’interdits traditionnels, au regard du principe d’autodétermination (aide médicale à mourir, nouvelle place donnée à la question du consentement). Ainsi, l’individualisme hypermoderne (Bobineau, 2011) renouvelle les articulations entre l’individuel et le collectif : comment, dans ce contexte, habiter un monde pluriel, mais commun (Latour et Ewald, 2005) ? Ceci n’est pas sans incidence sur les pratiques des intervenant.e.s et sur leurs rapports avec les destinataires des interventions. Comme l’analyse Dahlia Namian (2011), les intervenant.e.s doivent s’ajuster à un idéal social de reconnaissance de la singularité des personnes, qui se constitue comme exigence éthique, tout en visant une équité et en cherchant à rétablir des liens sociaux mis à mal par les situations de pauvreté, de violences ou de marginalisation. Au niveau de l’action …

Parties annexes