À l’occasion de cet avant-propos, nous souhaiterions informer le lectorat de la revue Nouvelles pratiques sociales que celle-ci s’achemine vers une édition en format numérique seulement, d’ici environ trois ans. Dans le contexte du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les revues scientifiques opèrent en grand nombre le choix de la dématérialisation : nous nous apprêtons également à renoncer à l’objet tangible traditionnellement utilisé comme moyen de communication entre auteurs.es et lectrices, lecteurs des revues savantes. En ce qui concerne NPS, ce sont les Presses de l’Université du Québec — notre ancien éditeur, jusqu’au dernier numéro — qui, en mettant fin à leurs activités d’édition de revues scientifiques, nous poussent à opérer ce virage. Afin qu’il ne soit pas trop brutal, nous amorcerons sous peu une période de transition, que l’équipe éditoriale se plaît à nommer « phase de décroissance papier » : il s’agira de restreindre progressivement la durée d’abonnement à la version papier de la revue et d’examiner quelle pourrait être la meilleure politique de diffusion de la revue, dans les années à venir. Une mise en perspective historique permet d’observer que la communication scientifique a connu de nombreuses mutations depuis ses origines : à la suite de la structuration suscitée par l’apparition des universités, au xiiie siècle, ce champ s’est vu transformé par différentes innovations technologiques (les techniques d’imprimerie en particulier), mais aussi éditoriales, telles que la création de revues savantes sous forme périodique au xviie siècle (Beaudry, 2011). Les changements qu’amène l’ère du numérique s’inscrivent ainsi, en quelque sorte, dans une tradition de reconfigurations du champ de la diffusion des savoirs. Ces différentes transformations, comme le souligne Guylaine Beaudry, « ont changé les règles du jeu de la communication entre les chercheurs et des champs éditoriaux scientifiques [et] ont des effets réels sur les rôles [des acteurs de ce champ] » (2011 : 286). Tout en étant récurrentes, ces mutations comportent chaque fois des enjeux spécifiques : l’un de ceux liés à la « dématérialisation » de la revue est qu’elle soulève la question du libre accès aux articles publiés. Nous nous attarderons quelque peu sur cet enjeu, avant de nous pencher, en conclusion, sur les perspectives qui s’offrent à la revue. La question de l’accès libre aux contenus de NPS se pose dans le contexte de la « culture du Libre » qui s’est développée avec Internet, et qui valorise le partage des techniques, des outils et des savoirs : Sébastien Broca souligne que la culture du libre accès, initialement développée autour du partage des codes sources de logiciels, a migré vers d’autres champs : « le Libre ne concerne plus uniquement le logiciel, mais de très nombreux domaines : création culturelle (Creative Commons et Art Libre), publications scientifiques (Open Access), données (Open Data), etc. » (2013 : 254). Une contre-culture valorisant la gratuité dans la diffusion des savoirs et de la culture s’est ainsi construite à travers les usages des nouvelles technologies de l’information et de la communication, que certains qualifient de « troisième révolution industrielle ». Avec ces principes de partage et de gratuité, des pratiques axées sur la coopération, la générosité, la créativité et l’autonomie sont mises en avant (Couture et al., 2010). Historiquement, cette contre-culture plonge ses racines dans celles des années 1960, aspirant à construire la société par le bas et valorisant l’individu et son autonomie : « Internet est surtout né de la rencontre entre la contre-culture nord-américaine et la méritocratie de la recherche. Les informaticiens l’ont nourri de leurs pratiques de collaboration, de co-conception et de …
Parties annexes
Bibliographie
- Beaudry, G. (2011). La communication scientifique et le numérique, Paris, Lavoisier.
- Broca, S. (2013). « Free Software et Open Source : utopie et idéologie », dans C. Paloque-Berges et C. Masutti (dir.), Histoires et culture du Libre, Framabook. En ligne : http://framabook.org/histoires-et-cultures-du-libre/, 253-273. Consulté le 21 août 2013.
- Cardon, D. (2010). La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La République des idées ».
- Couture, S., Haralanova, C., Jochems, S. et S. Proulx (2010). Un portrait de l’engagement pour les logiciels libres au Québec. Note de recherche 2010-03, Québec, Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie/Bibliothèque et Archives nationales du Québec. En ligne : http://www.cirst.uqam.ca/Portals/0/docs/note_rech/2010_03.pdf. Consulté le 21 août 2013.
- Durampart, M. (2009). « Présentation générale », dans M. Durampart (dir.), Sociétés de la connaissance. Fractures et évolutions, Paris, CNRS Éditions., 9-32.
- Hess, C. et E. Ostrom (dir.) (2007). Understanding Knowledge as a Commons : From Theory to Practice, Cambridge, MIT Press.
- Le Crosnier, H. (2013). « Préface », dans C. Paloque-Berges et C. Masutti (dir.), Histoires et culture du Libre, Framabook. En ligne : http://framabook.org/histoires-et-cultures-du-libre/, v-vii. Consulté le 21 août 2013.
- Peugeot, V. (2010). « La connaissance en partage : une utopie en action », Contribution à la réflexion collective du groupe de travail technologies du Forum d’Action Modernités. En ligne : http://www.academia.edu/543133/La_connaissance_en_partage_une_utopie_en_action. Consulté le 21 août 2013.
- UNESCO — Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (2005). Vers les sociétés du savoir, Paris, Éditions UNESCO. En ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001419/141907f.pdf. Consulté le 21 août 2013.
- UNESCO — Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (2008). Stratégie à moyen terme 2008-2013, Paris, Éditions UNESCO. En ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001499/149999f.pdf. Consulté le 21 août 2013.
- Vanholsbeeck, M. (2012). « Dépôt numérique des publications et renouveau des relations entre les acteurs de la recherche », dans S. Proulx et A. Klein (dir.), Connexions. Communication numérique et lien social, Namur, Presses universitaires de Namur, 119-134.