Nous donnons raison à notre collègue sur plusieurs des réalités qu’elle exprime – et qu’elle démontre éloquemment d’ailleurs – dans un article fort bien documenté. Nous nous réjouissons qu’elle ait accepté de participer à ce débat et souhaitons que nos deux analyses, qui oscillent entre accords, différences et oppositions, puissent contribuer à enrichir le débat actuel sur l’adoption internationale et nous amener à repenser nos pratiques tout en remettant en question des préjugés tenaces et souvent centenaires. Nous sommes très reconnaissant à Piché (2013) d’avoir étudié de près la situation québécoise, tant dans son contexte canadien qu’à l’international. Sur ce plan, nous avons très peu à redire. La situation qu’elle décrit nous semble plutôt juste. Qui plus est, le principe de « double subsidiarité » ( 273) qu’elle souligne nous semble très pertinent et, s’il était appliqué, contribuerait à diminuer de beaucoup l’offre des enfants à l’international. Nous appuyons également son commentaire indiquant qu’[u]ne autre posture de développement social durable des milieux de vie d’origine des enfants fait son chemin et reste la seule à proposer une solution à long terme qui respecte les droits de chacun » (273; nous soulignons). En ce sens, nos deux articles se rejoignent et s’appuient sur des arguments de justice sociale et de solidarité humaine à l’échelle de la planète. En plusieurs endroits par ailleurs, nous craignons que son analyse fasse partie de l’idéologie salvationniste (Cardarello, 2009), qui présente l’adoption internationale comme une manière de sauver les enfants de la misère, alors que l’analyse structurelle que nous proposons présente l’adoption comme constituant une perpétuation de la domination occidentale, de la race blanche et de grands intérêts financiers aux dépens de populations démunies, défavorisées. Dans un tel contexte, les enfants dépourvus, fragiles ont très peu de chances de s’en sortir. Encourager l’adoption internationale ne fait que perpétuer et même empirer des disparités raciales, régionales et culturelles qui se doivent d’être corrigées à l’aide de tous les acteurs participants, et nous incluons ici tant les travailleurs sociaux que les parents naturels, les enfants voués à l’adoption de même que les États qui confient leurs enfants à l’adoption internationale. Précisons par ailleurs que nous ne prônons d’aucune façon la « déréglementation de l’adoption », mais plutôt l’abandon pur et simple de ce système entaché de pratiques déloyales, opprimantes, ayant clairement en priorité l’intérêt des parents adoptants au désavantage des enfants, des mères dépourvues et des pays appauvris par l’Occident. Nous ne souhaitons pas non plus « réduire les obstacles à l’adoption pour faciliter la sortie des enfants de leur pays » (266) et, en ce sens, nous nous rangeons derrière la position de Piché. En effet, la déréglementation de l’adoption internationale aurait des conséquences très pernicieuses pour les enfants et leurs parents biologiques en particulier, probablement plus que le système actuel. Le fait que nous nous opposions à la façon de régler un problème ne veut pas dire que nous souhaitons qu’il soit déréglementé. Décidément, comme l’observe Piché, l’adoption internationale « comporte ses zones de paradoxe » (275). Nous sommes totalement d’accord avec elle, mais une fois ce constat accepté, que faire? Vers où nous tourner? Quels modèles privilégier? Revoyons quelques-uns des enjeux qui, à notre avis, méritent quelques réflexions plus approfondies. Les informations présentées ci-après seront exposées en sept volets suivis de six constats qui nous semblent importants pour la compréhension des valeurs qui sous-tendent l’adoption internationale, et qui précisent les propos contenus dans notre article initial. Est-il nécessaire de rappeler que le monde de l’adoption internationale a changé radicalement, depuis la Seconde Guerre mondiale en particulier, et avec l’arrivée d’acteurs très agressifs, souvent sans scrupules, …
Parties annexes
Bibliographie
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