La Maison ouverte est une maison de quartier parisienne, au sein de laquelle s’est déroulé l’atelier Transmission en 2008-2009 et dont il est ici question. La Maison ouverte est une association régie par la loi de 1901, qui en organise les fondements et les modalités de fonctionnement . Cette association, fondée en 2003 et dirigée par Gisèle Bessac, a pour objectif de rassembler dans un même projet le développement d’un art de vivre jusqu’au grand âge, la créativité à destination de tous, la proximité avec la création contemporaine et des réflexions sur les questions environnementales. Des ateliers s’organisent autour d’activités corporelles, d’apprentissages innovants, de rencontres culturelles toujours en privilégiant une approche sensible et personnelle. Dans le 12e arrondissement, les locaux sont en rez-de-chaussée et abritent également une halte-garderie pour les petits. De vastes baies vitrées ouvrent sur une placette entourée d’immeubles à dominante sociale. Des écoles et des lycées sont à proximité. Des jeunes et des personnes âgées se côtoient, tous milieux sociaux confondus, discutent, partagent une boisson autour de tables accueillantes. Il suffit pour y participer de pousser la porte. Les activités proposées sont animées par des professionnels, artistes, personnalités qualifiées qui acceptent une rémunération symbolique de la part des participants. L’association emploie cinq salariés sur deux sites (12e et 14e arrondissement). La pérennité de l’association dépendra de la reconnaissance par les organismes publics de la validité et de l’adéquation du concept aux questions sociales actuelles en lui attribuant les financements nécessaires. Un avenir qui demeure, à ce jour, encore incertain. La transmission relève des disciplines des sciences humaines. Le groupe de plusieurs femmes et un homme s’est ainsi constitué (11 personnes au total), rassemblé autour du projet intitulé « Un album à transmettre à ses petits-enfants, à ses petits neveux… » Ce groupe, aux origines économiques et sociales modestes, présente deux caractéristiques essentielles : Qui sera ce proche à qui l’on destine cette page de souvenirs et de pensées ? Celui qu’on aime ? Celui qui nous aime ? Celui qui fait partie du « nous » familial ? Les proches ? C’est-à-dire, en s’inspirant de Paul Ricoeur, les proches sont ceux qui comptent pour nous et peuvent compter sur nous ; ceux également sur qui nous comptons et qui comptent avec nous. La transmission semble aller de soi quand la filiation est établie. C’est le « cela-va-de-soi de la continuation » (Jankelevitch, 1977, cité par Déchaux, 1997 : 235). « Être » encore après la mort est la pente naturelle de l’esprit humain. La volonté de laisser dans le monde des traces d’expériences – empreintes, épreuves vécues –, le désir de se dévoiler et de permettre à la génération suivante de mieux comprendre ses choix, ses idées, etc., sont propres à chacun. Parce que transmission et filiation sont intimement liées, l’absence de descendance directe interroge : « Je ne sais pas à qui adresser cet album. Mes neveux, ma famille, mes amis, mon enfant pas encore adopté ? » Le souci de transmission (Déchaux, 1997) préexiste à la parentalité et concerne tous les âges et les statuts (marié, célibataire…). Il serait une évidence, une sorte de loi de l’espèce, et la présence d’enfants ne change pas les données fondamentales du problème, ni la difficulté à aborder une série de questions. Transmettre à des personnes plus jeunes, c’est survivre, au moins dans le souvenir, un temps donné. Faire ce don suppose que l’on soit en mesure de construire une filiation élective s’il s’agit de personnes relativement éloignées (filleul, jeune ami, etc.). L’existence d’enfants et de petits-enfants n’écarte pas pour autant les doutes et les questions …
Parties annexes
Bibliographie
- Attias Donfut, C., Lapierre, N. et M. Segalen (2002). Le nouvel esprit de famille, Paris, Odile Jacob.
- Chalier, C. (2008). Transmettre de génération en génération, Paris, Buchet/Castel.
- Choron-Baix, C. (2000). « Transmettre et perpétuer aujourd’hui », Ethnologie française, no 3. En ligne : <http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/07/08/96/PDF/ChoronBaix_2000_EF.pdf>, consulté le 28 octobre 2009.
- Déchaux, J.-H. (1997). Souvenir des morts, Paris, Presses universitaires de France.
- Gaulejac, V. de (1987). La névrose de classe : trajectoire sociale et conflits d’identité, Paris, Hommes et groupes.
- Gaulejac, V. de (1999). Histoire en héritage, Paris, Desclée de Brouwer.
- Halbwachs, M. (1997). La mémoire collective, Paris, Albin Michel.
- Jankelevitch, V. (1977). La mort, Paris, Flammarion.
- Muxel, A. (1996). Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan.
- Orofiamma, R. (2002). « Le travail de narration dans le récit de vie », dans C. Niewiadomski et G. de Villers (dir.), Souci et soin de soi : Liens et frontières entre histoire de vie, psychothérapie et psychanalyse, Paris, L’Harmattan.
- Orofiamma, R. (2008) « Les figures du sujet dans le récit de vie. En sociologie et en formation », Informations sociales, vol. 1, nº 145, 68-81.
- Ricoeur, P. (1990). Soi-même comme un autre, Paris, Seuil.
- Treps, M. (2000). « Transmettre, un point de vue sémantique », Ethnologie française, vol. xxx, no 3, 361-367.