Le dossier : Pratiques sociales et pratiques managériales : des convergences possibles ?

Pratiques sociales et pratiques managérialesDes convergences possibles ?[Notice]

  • Christian Jetté et
  • Martin Goyette

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La crise des États providence au cours des années 1980 a provoqué toute une série de réformes au sein des administrations publiques partout dans le monde. Ces réformes ont pour la plupart été inspirées par un paradigme managérial désigné sous le vocable de New Public Management (NPM) ou Nouvelle gestion publique (NGP). La NGP est une école de pensée en administration publique qui fait la promotion de pratiques managériales provenant du secteur marchand et qui met l’accent sur l’atteinte de résultats en misant sur l’imputabilité des acteurs engagés dans la production de services et la mise en place d’incitatifs à la performance (Varone et Bonvin, 2004). Issus principalement des grandes écoles d’administration américaine (De Gaulejac, 2005), trouvant ses fondements théoriques au sein de l’école du Public Choice (ou la théorie des choix publics) (Boisclair et Dallaire, 2008), ces nouveaux modèles de gestion des services publics remettent en question le postulat wébérien d’application et de respect des normes bureaucratiques, qu’elles jugent inefficaces et dépassées, et font plutôt la promotion de pratiques de gestion dites « performantes » axées sur des indicateurs d’efficience et d’efficacité au sein des administrations publiques (Merrien, 1999). Ces nouvelles formes de management, largement diffusées au plan international par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Fonds monétaire international (FMI) notamment, ont d’abord été expérimentées dans les administrations publiques des pays de tradition anglo-saxonne : États-Unis, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Australie. Leur influence s’est par la suite étendue à l’ensemble des pays occidentaux, ainsi qu’aux pays du Sud (Amérique latine, Afrique, etc.). Dans ce dernier cas, leur implantation s’est toutefois révélée beaucoup plus ardue en raison des contextes sociaux, politiques et culturels des pays du Sud qui se concilient souvent plus difficilement avec les principes de la NGP (Pillay, 2008). Ces principes ont d’ailleurs pris des configurations et une ampleur très différentes selon les contextes et les traditions bureaucratiques nationales (Dreyfus, 2000). Dans les pays scandinaves, par exemple, la NGP aurait moins servi à diminuer la taille de l’État qu’à sauvegarder l’État providence et à « moderniser » les administrations publiques, les débats restant toutefois ouverts sur le sens de cette modernisation (Allemand, Frémeaux et Maotti, 2005). Au Canada, ces nouvelles pratiques de management ont préparé la voie dans les années 1980 et 1990 à une importante transformation de la stratégie du gouvernement fédéral en matière de politiques sociales, ainsi qu’à une recomposition de ses relations avec les provinces (Boismenu, 2007). Au Québec, la NGP s’est déployée à travers la Loi sur l’administration publique de 2000 et la création d’un certain nombre d’agences, de nouvelles structures administratives disposant d’une autonomie de gestion plus grande que les ministères et qui constituent l’une des principales innovations structurelles mises en place par le nouveau management (Rouillard et al., 2004). Les réformes amorcées il y a une dizaine d’années au ministère de la Santé et des Services sociaux représentent à cet égard une manifestation concrète de l’application des principes de ce nouveau management à un secteur névralgique des services publics (notamment à travers la création des Agences de la santé et des services sociaux et des Centres de santé et de services sociaux) (Larivière, 2005). Postulant l’obsolescence de l’État providentialiste, ces nouvelles pratiques de management cherchent à transformer le secteur public en y insufflant un esprit d’entrepreneurship afin de favoriser la créativité, la flexibilité, la concurrence et la performance (Osborne et Gaebler, 1993). L’objectif avoué est de renforcer le pouvoir de direction des décideurs politiques au détriment du pouvoir administratif (tout en accordant aux gestionnaires locaux davantage d’autonomie sur le plan de la répartition des ressources) et d’orienter les stratégies …

Parties annexes