L’inscription de la médiation dans des registres de plus en plus vastes de l’activité humaine, touchant de nombreuses disciplines dans des professions très variées, relèverait-elle de modes de régulation sociale en transformation ? Par le biais de la médiation, définie par le Conseil des ministres européens comme un « processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits… », renouerait-on avec une vision aristotélicienne de la Cité où la vertu du conflit permettrait que s’expriment la pluralité des points de vue, plutôt qu’il n’engage un passage à l’acte ? Cette vision corroborerait-elle celle de Max Weber pour qui la paix sociale n’est pas l’absence de conflits, mais l’absence de violence ? Cette expansion de la médiation serait-elle simultanément une ressource pour le travail social et une de ses limites ? Le sens commun envisage souvent la médiation comme un accompagnement particulier d’un processus de négociation. Celle-ci se définit entre autres par une tension entre un « pôle idéal (la “délibération”) marqué par la bonne foi et la rationalité procédurale, et un pôle cynique (le “marchandage”) caractérisé par la défiance et le calcul d’intérêt » (Gérard, Ost et Van de Kerchove, 1996). La médiation reprendrait aujourd’hui à son compte l’étymologie originelle de négociation, « nec otium » : « pas le loisir de ne pas », et se l’approprierait en imposant quelques contraintes structurelles à la régulation du lien social. À la lumière de la richesse des débats initiés, des propositions faites, des analyses présentées et des positions adoptées dans et par ce dossier thématique, il est avisé d’avoir inclus dans le titre un pluriel à « médiation ». Nous pourrions le comprendre comme le reflet de la complexité embrassée dans une polysémie composée d’agrégats de pratiques, de techniques, de modèles, de concepts, de paradigmes… Il est frappant de voir combien le libellé « médiation » est facilement utilisé, pour peu que soit touchée l’étymologie de « mesos » ou « médius » : le recours au terme « médiation » est fréquent dès que l’on cherche à aborder une action, une posture, qui engage le fait d’être au « milieu », d’être « intermédiaire », voire d’être un « moyen » ou un « support ». Comment remettre un peu d’ordre afin que le sens de ce mot ne se dilue pas trop dans le bruit de son usage devenu commun ? Après une bonne trentaine d’années de réémergence de la médiation dans la civilisation occidentale, il nous a paru utile de contribuer par ce dossier thématique à en tirer quelques lignes de force, à brosser l’articulation entre les différents registres touchés. À cet effet, peut-être aurions-nous dû inscrire « question » au pluriel aussi ! D’emblée, nous avons été confrontés à des choix. À la suite de l’appel à contribution, cinq grandes catégories de réponses issues de champs professionnels très différents nous sont parvenues, mobilisant le mot « médiation » pour nommer : Toutes les propositions d’articles que nous avons reçues se revendiquent, légitimement, de la médiation au bénéfice du développement d’un lien social, dans une perspective démocratique, tout au moins démocratisante, soutenant la participation et le développement des capacités des acteurs, individuels et collectifs, dans une orientation pragmatique organisée par des principes déontologiques. En lien avec la ligne éditoriale de la revue, nous avons décidé de réduire un peu le champ, malgré l’intérêt des débats ainsi suscités. Nous avons sélectionné les articles répondant aux définitions de « médiations » ayant trait à l’intervention sociale de manière suffisamment directe, ainsi qu’à celles qui rendent visible la médiation comme un dispositif ou qui transfèrent à …
Parties annexes
Bibliographie
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