L’entrevue

La prévention précoce vue de l’intérieurEntrevue avec Marie-Claude Giroux, responsable du volet familial au Comité social Centre-Sud[Notice]

  • Josée-Anne Lapierre

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  • Josée-Anne Lapierre
    Travailleuse sociale au CSSS Ahuntsic – Montréal-Nord Étudiante à la maîtrise en travail social

Je fais la coordination du programme OLO (oeuf-lait-orange), qui distribue des oeufs, du lait et des oranges à des femmes qui ont été ciblées selon certains critères de « défavorisation », par exemple les revenus, l’immigration récente ou l’âge. Je donne aussi des ateliers de purées santé pour bébés à des nouveaux parents, principalement des mamans. Je siège en plus à la table de concertation des organismes 0 – 5 ans du quartier, où j’agis entre autres comme soutien à des familles pour mettre sur pied un projet. Celui-ci fait suite à une recherche-action du CRÉMI commandée par cette même table pour connaître les besoins des jeunes parents de moins de 20 ans du quartier Centre-Sud. Ce qui est ressorti de cette recherche-là, c’est d’abord que ces parents ne se considéraient pas comme des « jeunes parents », mais comme des « parents avec des jeunes enfants », aux prises avec les mêmes problèmes que les autres : le coût très élevé des loyers, le manque de place en CPE, le chômage. Ces parents-là en avaient un peu ras le bol d’être entourés d’intervenants puis ont rêvé d’une maison des familles, d’avoir un endroit justement où les parents se rencontrent informellement et créent un réseau d’entraide. Ça a été compliqué de mettre sur pied une maison des familles parce que ça demandait beaucoup d’argent. Il y avait beaucoup de résistance : les organismes du quartier avaient peur du dédoublement de services. Puis bon, je pense que les parents non plus n’étaient peut-être pas prêts à s’investir autant. Donc, on a mis sur pied une association des familles, qui cherche à créer des lieux d’expression et des endroits informels pour celles-ci. C’est un réseau d’entraide sans intervenant, et jusqu’à présent sans coordination formelle ni employé. Ça fonctionne avec le bénévolat. Par contre, le Comité social Centre-Sud ayant un partenariat avec l’association des familles me permet en fait de travailler pour l’association des familles en tant qu’employée du Centre. Peu importe les intervenants, ce qui est véhiculé, c’est le mieux-être de l’enfant. Par contre, ces programmes visent bien souvent des parents qui sont étiquetés comme étant à risque pour leur enfant à cause de leur faible revenu ou de leur immigration récente. On pense ainsi que leurs enfants sont peut-être en danger parce qu’ils ne se développeront pas au même rythme que les autres. Donc, il faut qu’on fasse du développement moteur, langagier, etc. On veut intervenir, on a l’impression que le parent n’est pas apte à assurer le plein développement de son enfant, et on craint les impacts que ça peut occasionner pour la société plus tard, dont la criminalité. On met toute l’attention sur les risques sans considérer les possibilités de résilience. De cette façon, on pose un certain regard sur l’enfant et on amène le parent à poser ce même regard-là sur son enfant : on l’étiquette comme un criminel potentiel. On est ainsi en plein dans la médicalisation de la pauvreté. On considère les problèmes des parents de façon individuelle : on considère qu’un tel n’est pas adapté au système, on voit qu’il n’a pas d’argent, qu’il n’a pas fini son secondaire 5. On va donc leur donner des cours de compétences parentales en ne tenant pas compte des compétences qu’ils possèdent déjà. On ne voit pas ça comme un problème social. On veut intervenir sur les parents comme si les parents étaient porteurs du fardeau. Les parents sont tenus responsables de leur condition, alors qu’on vit dans une société qui crée de plus en plus d’inégalités sociales. Ces programmes font aussi partie de ce système-là en mettant …

Parties annexes