L’appel à communication de ce dossier invitait pour une première fois les collaborateurs et collaboratrices de la revue Nouvelles pratiques sociales à réfléchir aux enjeux que pose la société dite de l’information pour les acteurs sociaux tant des institutions publiques et académiques que des mouvements sociaux. En outre, nous cherchions à mettre en valeur de nouvelles pratiques sociales et académiques qui questionnent le développement de la société de l’information. Et nous avons choisi de mettre l’accent sur les enjeux démocratiques que soulèvent de nouvelles pratiques sociales médiatisées par les TIC : pour qui, par qui ? Pour répondre à quels besoins ou servir quels groupes sociaux ? Par quelle appropriation sociale, par quels usages, par quelle éthique et vers quelles finalités ? Pour répondre aux questions de cet appel, nous ne pouvons faire fi des postulats sur lesquels se sont fondés les deux premiers Sommets mondiaux de la société de l’information (SMSI en 2003 à Genève et en 2005 à Tunis) voulant que la révolution numérique soit la troisième révolution industrielle, voire postindustrielle (Raboy et Landry, 2004 : 156). Cette nouvelle conjoncture, dans laquelle nous serions déjà, est basée sur une économie de services où l’information est la matière première du pouvoir scientifique et technologique : Bien que l’idée d’une conjoncture postindustrielle soit largement répandue, les analyses des problèmes sociaux et les actions à mener sont loin de faire consensus. D’une part, force est de constater que l’école de pensée cybernéticienne exerce une influence certaine sur la majorité des représentants participant aux SMSI. Pour eux, l’information est un principe d’ordre fondamental. Un « principe physique quantifiable dont on peut mesurer l’efficacité dans un système donné. Le langage binaire permet, sur une base probabiliste, de réduire l’incertitude liée à la transmission d’un message » (Lafontaine, 2004 : 45). Ils ont recours à la cybernétique, cette science du contrôle et de l’information, et peuvent ainsi concevoir l’innovation technologique comme une intervention qui permet enfin de suppléer aux faiblesses de l’être humain. De Norbert Wiener à Marshall McLuhan puis à Bill Gates (Ibid.), ce paradigme informationnel a trouvé des échos importants au sein des industries culturelles, d’institutions gouvernementales, de réseaux financiers, etc. Pour ses adeptes, le virage technologique contribue à l’efficacité et à la flexibilité des travailleurs, à la productivité des organisations, à une meilleure gestion de la société. Il semble même que le développement social ne puisse maintenant se penser et se planifier sans faire la promotion de la connectivité universelle et des usages des TIC puisque ceux-ci permettent « d’accélérer le progrès social et économique des pays et de favoriser la prospérité de tous les citoyens, de toutes les communautés et de tous les peuples » (Déclaration de principes SMSI, 2003). En outre, ce discours cybernéticien en laisse perplexe plus d’un dans les mouvements sociaux engagés à promouvoir le bien commun et à défendre la justice sociale : de quel lien social s’agit-il ? Communiquerons-nous mieux dans cette société de l’information que l’on nous promet ? Doit-on réellement miser sur les innovations technologiques pour s’émanciper, progresser socialement, lutter contre la pauvreté et l’exclusion ? Au contraire, Ne voit-on pas maintenant apparaître de nouvelles exclusions sociales et politiques communément appelées fracture numérique ? Ne devrait-on pas justement rester alertes devant le possible déficit démocratique ? Sur ce doute, une critique sociale se construit depuis peu et se fait de plus en plus entendre. De fait, Au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) de 2005, des militants de la société civile ont inscrit leur dissidence eu égard à ce discours informationnel par la déclaration de la société civile diffusée …
Parties annexes
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