Je suis d’abord et avant tout une militante pour une société de droits. Très jeune, j’ai compris que si nous étions tous égaux, certains l’étaient plus que d’autres. Mais ce que la lutte pour le droit à la santé a de particulier, c’est qu’elle touche tout le monde. Personne au Québec n’est à l’abri de la maladie (même si certains le sont plus que d’autres) et, de ce fait, personne ne peut affirmer qu’il n’aura jamais besoin du système de santé et de services sociaux. Par ailleurs, la lutte pour le droit à la santé, c’est aussi une lutte pour l’amélioration des conditions de vie puisque le logement, le revenu, l’émancipation des femmes et la pauvreté, etc., sont de puissants déterminants de la santé. C’est donc une lutte inclusive au plan politique et au plan social. C’est aussi une lutte démocratique pour le contrôle citoyen de nos outils collectifs. C’était l’initiative de Tom Douglas en Saskatchewan en 1947 de mettre sur pied un système de santé public et de mettre fin à cette douloureuse période où l'hospitalisation était la première cause d’endettement des familles québécoises. Une dizaine d’années plus tard, le fédéral a proposé un programme à frais partagés pour le financement des soins de santé. À l’époque, c’était 50/50. Finalement, en 1960, on crée au Québec le régime d’assurance-hospitalisation. Après, il y a eu la commission Castonguay-Neveu et, finalement, en 1970, c’est la création de l’assurance-maladie. En fait, de 1947 à 1970, je dirais que le système était axé sur la maladie. Le reste, soit les services sociaux et les services à domicile, était le fait du travail bénévole accompli par les femmes. Au Québec, on a fait un chemin un peu particulier. Nous avons décidé de lier la santé et les services sociaux, ce qui est une démarche tout à fait originale au Canada et au monde d’ailleurs. Jusqu’au milieu des années 1980, il y avait des gens de partout dans le monde qui venaient voir le système de santé que nous avions créé. À l’époque, le ministère de la Santé et des Services sociaux se nommait le « ministère des Affaires sociales ». C’est devenu le ministère de la Santé et des Services sociaux en 1992. Maintenant, depuis la dernière réforme du Parti libéral, qui a débuté en 2003 avec la « loi 25 » sur la création des Agences de développement de services de santé et de services sociaux, puis la « loi 83 » qui a réformé la Loi sur la santé et les services sociaux, etc., on ne parle à peu près plus du système de santé et de services sociaux. Nous parlons plutôt du « ministère de la Santé ». Mais de 1960 à 1982 le système de santé était vu comme une courte-pointe inachevée, c’est-à-dire que le régime public s’enrichissait chaque année d’un nouveau programme : la gratuité des médicaments pour les personnes âgées, la gratuité des soins dentaires pour les enfants, les différentes circulaires pour fournir des médicaments à des groupes qui étaient particulièrement vulnérables et qui avaient besoin de médicaments. Donc, on créait, on tissait le régime. À partir de 1982, avec la crise économique et la coupure de 20 % dans la fonction publique, on commence à faire le chemin inverse, c’est-à-dire à déconstruire le système public de santé, à le considérer de plus en plus avec une vision médicale de la maladie et beaucoup moins avec une vision sociale de la santé. Le fédéral avait proposé la mise sur pied d’un programme à frais partagés. Et au fil des ans, il a commencé tranquillement à retirer ses billes, …
Il serait odieux qu’un cancer devienne une occasion d’affaires !Entrevue avec Marie Pelchat, militante en faveur du droit à la santé[Notice]
…plus d’informations
Claudelle Cyr
Coordonnatrice de la Coalition Solidarité Santé