Kouakou Fiendi Pira est originaire de Côte d’Ivoire et a complété une maîtrise en intervention sociale à l’Université du Québec à Montréal, dont le mémoire portait sur les organismes d’intervention après des enfants de la rue à Abidjan. Depuis un peu plus d’un an, il travaille comme travailleur social au Centre de santé et de services sociaux de Paulatuk, située aux confins de la mer de Beaufort, dans le Grand Nord canadien. Après des premières vacances dans le « Sud » et à la grande surprise de son supérieur, il a décidé de rester et de poursuivre l’expérience. Dans cette entrevue, il partage ses réflexions sur les difficultés de l’intervention dans une communauté autochtone. C’est le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest qui assure la gestion et le financement des services offerts dans la communauté. Le lecteur intéressé aux questions d’organisation des services, de gouvernance et de politiques sociales dans le Grand Nord pourra consulter le site du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à l’adresse <www.gov.nt.ca>. Le site est disponible en anglais uniquement. Je travaille dans les Territoires du Nord-Ouest. La ville, enfin, si l’on veut, l’endroit, s’appelle Paulatuk. C’est une communauté rurale, centrée autour d’un petit village et qui compte environ 400 habitants. La population est d’origine autochtone et, contrairement à celle du Nunavut composée d’Inuits, ici ce sont les Innuvialuits qui occupent le territoire. Le village est situé sur la baie de Darnly, sur les rives de la mer de Beaufort, à environ 300 kilomètres à l’est de Inuvik et à près de 900 kilomètres au nord de Yellowknife. La communauté n’est accessible que par avion et, environ une fois par an, les produits lourds comme les automobiles, l’essence et les matériaux de construction arrivent par voie maritime. L’accès régulier étant uniquement aérien, les produits alimentaires, surtout ceux qui sont frais, coûtent très cher. La tomate, par exemple, peut se vendre ici 3 $ l’unité, et un poulet qui se vend 5 $ à Montréal peut facilement se vendre 11 ou 12 $ ici. La chasse et la pêche représentent plus de la moitié du revenu d’une famille. Certaines familles vivent presque uniquement de la chasse, et la viande, qui provient du territoire, fait partie du régime alimentaire quotidien. En conséquence, les Innuvialuits vont rarement s’approvisionner à l’unique boutique de la communauté. Bien que la vente de la viande provenant de la chasse soit strictement interdite, les chasseurs sont autorisés à vendre les fourrures d’ours et autres animaux. Le prix d’une fourrure d’ours polaire peut facilement atteindre 5 000 $. Les jeux de chasse (hunting games) constituent également une énorme source de revenu. En effet, de nombreux adeptes de la chasse viennent de villes américaines ou européennes pour pratiquer ce sport. Pour la chasse au caribou, le «sportif» doit payer 7 000 $ au chasseur qui l’accompagne; pour tuer un ours polaire, il en coûtera 25 000 $.Agissant comme travailleur social de la communauté, je travaille pour la protection de la jeunesse, comme conseiller en santé mentale et au niveau communautaire. En fait, je fais de tout. J’assiste également les personnes âgées lorsqu’elles ont des formulaires à remplir. Elles viennent au Centre de santé pour que je les aide. S’il y a des gens qui doivent aller à l’extérieur de la communauté pour recevoir d’autres services, c’est moi qui organise leur départ. Je fais auparavant l’évaluation pour savoir s’il y a une nécessité de déplacement. Dans la communauté, il y a une petite école qui va de la maternelle jusqu’au secondaire. Il y a également un poste de police avec deux agents et le Centre …
Un Ivoirien chez les Innuvialuits : réflexions sur l’intervention sociale dans les Territoires du Nord-Ouest Entrevue avec Kouakou Fiendi Pira, intervenant au Centre de santé et de services sociaux de Paulatuk, Territoires du Nord-Ouest (Canada)[Notice]
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François Huot
École de travail social, Université du Québec à Montréal